Dans un mystérieux asile psychiatrique, Leo DiCaprio traque une fugitive et les fantômes de son passé. Un thriller de série, usiné par un Scorsese en bout de course.
- Génial, le nouveau Scorsese débarque enfin sur les écrans !
Ouais…
Ca y est, tu vas faire à nouveau ta chochotte et nous dire que tu n’aimes pas Scorsese ? T’as vu Mean Streets, Taxi Driver ou Raging Bull quand même ?
On est d’accord. Mais depuis une quinzaine d’années, disons Casino, Scorsese bégaie, fait du Scorsese.
C’est déjà pas mal, je le souhaite à pas mal de réalisateurs français. Explique.
Lourcelles le décrit comme un « frimeur », Skorecki comme un « pasticheur ». On a l’impression que son cinéma a été vidé de toute substance, de tout sens. Il ne reste que la forme, les références en pagaille et le montage virtuose de Thelma Schoonmaker. Même s’ils sont éblouissants, Gangs of New York ou Aviator sont des objets désincarnés et creux, des trucs sans âme. Comme Tim Burton, tu as l’impression que le cinéma ne l’intéresse plus et que c’est son chef-op’ qui réalise. D’ailleurs, tu as vu, il enchaîne les docs sur le cinéma, Dylan ou filme platement un concert des Stones.
C’est vrai, c’était bizarre ce concert des Stones présenté comme un doc.
Scorsese va avoir 68 ans cette année. Sa fin de carrière est placée sur le signe du faux, de la manip’, du mensonge.
N’importe quoi !
Aviator, biographie honteusement édulcorée de la vie d’Howard Hughes, n’a que peu de rapport avec la réalité, tu n’as qu’à lire le dernier Ellroy. Les héros des Infiltrés sont un faux flic et un faux gangster pour un faux film, un vrai remake absolument inutile. Toute la première partie de Shine a Light est un suspense bidon, avec en guest-star un Scorsese hystérique qui ne sait pas comment il va pouvoir filmer le concert ! Et il y a naturellement Shutter Island, dont la manipulation est au cœur même du film, mais chut, je ne peux en dire plus…
Peut-être un peu plus, quand même ?
Un détective privé, incarné par Leo DiCaprio, débarque sur une île isolée, dans un hôpital psy pour fous dangereux, à la recherche d’une patiente qui a disparu. Mais la réalité va se révéler beaucoup plus complexe.
Et alors ?
Inspiré du roman de Dennis Lehane, c’est un polar de série B, avec coups de théâtre et coups de cymbales, imagerie gothique et trucages 3D, plein d’acteurs formidables et un twist final assez sévère. C’est plutôt impersonnel et ça aurait pu être usiné par un tâcheron comme Martin Campbell, voire Pierre Morel.
Mais justement, il y a la patte Scorsese.
Son modèle cette fois, c’est Jacques Tourneur, paraît-il. Il devrait revoir La Féline… Tourneur, c’est le cinéaste de l’invisible, des ténèbres. Scorsese, il s’astique l’objectif avec des nuages numériques, des fantômes Photoshop, chacun son truc… Et il ne peut s’empêcher un travelling latéral spectaculaire avec jets de sang en images de synthèse quand des G.I. exécutent les bourreaux d’un camp de concentration. Dans un autre siècle, JLG avait écrit que le travelling était « une affaire de morale ». Ça fait longtemps que Scorsese le mercenaire n’en a plus.
Ce film me rappelle le genre de sujet de rédaction qu’on donne en sixième : "Racontez votre rêve".
Scénario, une fois qu’on en a compris le truc, peut être appliqué à n’importe quel récit élucubré qui échappe à son auteur collégien ! On s’en sort par la pirouette : "Et brusquement je me suis réveillé".
Pour les adultes, ca devient : "Et brusquement, je suis fou", avec le même coup de théâtre navrant, après le même baratin sous acide. Ce sujet a été vu et revu dans le cinéma.
La beauté des images, le jeu des acteurs ne sauvent pas la pauvre petite histoire bonne à impressionner un public qui a peu lu ou vu. L’effet boule de neige fait le reste. Le public américain conquis, car décérébré, attirera le gogo européen pour la lobotomie de masse.
D’ailleurs, la seule bonne image, c’est le pic à lobotomie, qui est une bonne allégorie du spectateur ravi par ce film.