Caïd des vestiaires, arrogant, on est loin de l’auréole qui entourait le gentil ch’ti il y a encore deux ans. Regards sur le Nordiste.
Qu’elle est loin la Coupe du Monde 2006 et sa finale perdue contre l’Italie. A l’époque, quand l’équipe de France était encore sous la main-mise de quelques glorieux anciens (Zidane, Thuram, Vieira, Henry), un vent de fraîcheur déboule dès les matchs de préparation. Un vent de fraîcheur particulièrement apprécié sous nos latitudes, car symbolisé par le Ch’ti de service, Franck Ribéry. Encore plus apprécié car le joueur semble montrer de très bonnes dispositions en matchs amicaux, puis pendant le tournoi où il est même buteur contre l’Espagne en huitième de finales. Le successeur de Zidane est tout trouvé. D’ailleurs, le maître dira de l’élève : « Franck respire la joie de vivre. Il ne calcule pas, même dans sa relation avec les anciens. Il est très fort. C’est quelqu’un qui marquera les esprits à chaque fois qu’il sera sur les terrains. Il deviendra quelqu’un d’important dans le foot. » (interview Télémagazine, rapportée dans la notice Wikipedia du joueur)
Prémonitoire ? En tout cas, à cette époque, l’image séduit. Franck Ribéry, le Ch’ti qui a galéré pour réussir est vendu et survendu comme tout ce qui touche au foot. On se gausse du LOSC qui a laissé filé le joueur alors que le club l’avait en formation (exclusion due à de mauvais résultats scolaires) et on salue la force de caractère du Ch’ti qui a grandi du côté du Chemin-Vert à Boulogne-sur-Mer : début à justement l’USBCO, Alès en National, des chantiers pour entretenir sa légende entre deux, Brest, puis l’explosion : Metz, Galatasaray, Marseille et le Bayern de Munich en 2007. Le parcours de rêve, comme quoi tout le monde peut réussir dans la vie. Et sans se prendre la tête : car Franck a la réputation du blagueur, du fonceur, du mec qui s’en est sorti malgré sa balafre sur la joue consécutive à un accident de voiture durant son enfance. Le cliché parfait régulièrement entretenu à tout va par quelques anecdotes : il crashe le bus de Bayern de Munich, renverse un seau d’eau sur un coéquipier. Pour rire. Et en plus, il joue bien, alors…
Quatre ans plus tard, le cliché est donc en train de voler en éclats. Fini l’état de grâce pour le Boulonnais. Déjà, il y a eu l’affaire Zahia. Pas d’une importance extrême, la pratique n’est pas nouvelle, mais alors que la France a un désamour pour son équipe, ça la fout mal. Et l’image du bon père de famille aimant en prend déjà un coup, tout comme celle du mec simple qui ne met pas les pieds les endroits branchés ou surfaits. Politiquement, on a même le droit à une passe d’armes sur le sujet dans une région où Ribéry est parfois porté comme un étendard, comme un Dany Boon du sport : Daniel Percheron, par exemple, grand amateur de football devant l’Eternel. Le Président de Région demande qu’on temporise un peu l’installation du portrait géant de l’enfant du pays à Boulogne-sur-Mer. Fureur du maire Frédéric Cuvillier, le Ch’ti est la fierté de la ville. Et Nike (de toute façon, que pouvait réellement y faire la politique ?) gagne la partie. Depuis un mois, Ch’ti Franck s’affiche sur le port de Boulogne-sur-Mer, façon Zidane sur la Corniche à Marseille.
Frédéric Cuvillier va-t-il regretter sa prise de position ? Pas sûr, on ne jette pas aux orties ce qu’on a adulé hier (de plus, la carrière de Franck Ribéry ne se résume pas à 2010). Mais on peut se demander si désormais il n’y a pas un petit malaise… Etrangement, plus un politique régional pour se réclamer des valeurs portées par le Nordiste. Etrangement encore (enfin, juste avec un coup d’oeil rapide), on n’a pas vu de reportages au Chemin-Vert, la cité où a vécu Ribéry (ce mardi, on avait tout de même un papier dans La Voix du Nord, mais plutôt concernant le portrait géant).
Etrangement ? Pas forcément. Car en Afrique du Sud, le gentil ch’ti est passé de l’autre côté de la barrière. « Suffisant et insuffisant » tonne L’Equipe, tandis que la plupart des médias évoquent désormais son arrogance et ses magouilles en coulisses pour écarter tel ou tel joueur et lui laisser le champ libre. Toujours dans L’Equipe, une drôle d’anecdote : en zone mixte, Gourcuff parle aux journalistes. Quand il voit Ribéry, il évite « de croiser son regard frondeur et se colle un peu plus à la barrière pour le laisser passer comme le premier de la classe fait place au caïd du collège par peur de prendre une baffe derrière la tête ». Surprenant ? Libre à nous de croire ou non ces tentatives d’intimidation (Ribéry s’en est d’ailleurs défendu sur TF1).
Mais les Nordistes et ceux qui suivent la carrière de Ribéry savent que le joueur n’est pas réputé pour sa tendresse depuis sa jeunesse dans les rues de Boulogne-sur-Mer (suffit d’interroger un peu ceux qui l’ont côtoyé). En 2005, déjà, un journaliste du Parisien lui trouvait par exemple des détracteurs à Boulogne-sur-Mer (« il ment comme il respire », « bad boy », etc), non sans rappeler une bagarre dans une discothèque lensoise quelques mois plus tôt. Rien non plus de bien transcendant (on n’a jamais réclamé d’un joueur qu’il soit un enfant de choeur) et la Coupe du Monde 2006 était passée par là pour balayer les images indélicates du gentil ch’ti. Sauf qu’en 2010, performances médiocres à l’appui et après une année compliquée, tout cela ne lui est plus pardonné… Et les journalistes, à son grand dam, ont soudain toutes les raisons d’en parler… Sans grande importance au final – ce n’est que du foot et si Ribéry plante six buts lors de la finale de l’Euro 2012, il redeviendra peut-être un héros national -, mais ainsi va la vie d’une star… Ou d’une starlette.
Pour ceux qui étaient (ou sont toujours d’ailleurs) fans de Ribéry, retrouvez les articles d’un vrai Fan sur DailyNord…
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