Toujours en colère contre les projets de déréglementation de leur profession, suggérés dans le rapport Attali, les chauffeurs de taxi sont à nouveau en grève dans toute la France ce mercredi. « Bakchich » a voulu en savoir un peu plus sur leur clientèle et leurs revenus. Il y a quelques suprises à la clé.
Il y a moins d’une semaine, Jacques Delpha, de la commission Attali, économiste et spécialiste de « la fin des privilèges » s’est répandu dans la presse pour demander la « fin du droit féodal des taxis » avec un argument fort : la hausse des licences entraînera une baisse du prix de la course. Bakchich a voulu savoir à qui profiterait cette baisse.
D’après les sources de Bakchich, la Fnat (Fédération nationale des artisans taxis) et la Gescoop, un gros central radio parisien, plus de 60 % des passagers demandent une fiche en semaine pour se faire rembourser. Ce chiffre monte à plus de 85% lorsque le taxi est appelé à la radio. Ces fiches sont destinées, pour la plus grande partie d’entre elles, à rembourser les déplacements par les entreprises. Souvent, elles sont réellement utilisées pour des déplacements professionnels, mais pas systématiquement. Certains samedi soirs, pour rentrer à la maison après un dîner bien arrosé entre amis, on n’hésite pas à demander au conducteur une fiche. L’entreprise paiera. Ces remboursements sont essentiellement le privilège des cadres supérieurs ou des professions libérales. Des petits malins qui arrondissent leurs fins de mois aux frais de la boîte…
Surprise : visiblement le taxi peut s’avérer dans certains cas un moyen de transport… économique ! Un certain nombre d’organismes publics, ou parapublics, les utilisent pour cela. C’est le cas, de la Sécurité Sociale, de certaines associations et des mutuelles, qui préfèrent recourir aux taxis plutôt qu’aux ambulances, pour transporter les malades assis ou à mobilités réduites. Cette activité représenterait à peu prés 15 % du trafic remboursé sur Paris.
Mais il est beaucoup plus important en province. Cette activité peut, en effet, représenter jusqu’à 50 % de l’activité de certains artisans des zones rurales. Ce n’est pas un cas isolé, les collectivités territoriales utilisent aussi beaucoup les taxis. Entre autres, pour faire du ramassage scolaire, pour fermer certaines lignes de bus trop peu fréquentées… Dans tous ces cas, le taxi est meilleur marché que les autres moyens de transport, n’en déplaise à ces messieurs de la commission Attali !
La France compte 50.000 taxis. 11.500 taxis parisiens contre 25.000 en 1920.
Près d’un million de personnes sont transportées en taxi chaque jour en France.
126 millions de personnes sont transportées par an en Ile-de-France.
350.000 personnes sont transportées chaque jour à Paris.
70.000 kilomètres sont parcourus chaque année par les taxis en moyenne (hors Paris).
150 nouvelles licences sont accordées chaque année.
Le chauffeur de taxi est un homme dans 80% des cas, il a en moyenne 44 ans, et sa durée journalière de travail est limitée à 11 heures pour les artisans et à 10h pour les locataires.
Source : la maison de l’Artisan Taxi
On s’en doutait un peu, l’enquête de Bakchich le confirme : à Paris, les 16éme et 15éme arrondissements consomment 60 % de plus de taxis que les 19éme et 20éme, pourtant plus grands et plus peuplés. Le phénomène s’accentue si l’on compare Neuilly-sur-Seine et Boulogne-Billancourt à Saint-Ouen et Aubervilliers. Les communes de l’ouest consomment 70 % de plus de taxis que celles du Nord. Pas étonnant : les villes du 92 - le département le plus riche de France, faut-il le rappeler - ont plus de sièges sociaux que celles du 93.
Selon une employée de la CEGAT (un centre de gestion des Artisans Taxis), le salaire horaire d’un artisan taxi est de 7,63 euros nets de l’heure, à comparer au smic horaire brut, fixé actuellement à 8,44 euros. Les chauffeurs ne sont donc guère privilégiés côtés salaires. Ils ne subissent pas les lois de restriction du temps de travail et ont le droit de travailler 77 heures par semaine, à raison de 11 heures par jour, 7 jours par semaine. Le calcul est simple : un taxi, qui ferait le choix de ne jamais voir sa femme et ses enfants gagnerait 2350 euros nets par mois. Et cet exemple décrit le cas d’un artisan taxi, l’aristocratie de la profession. Les chauffeurs qui louent leurs véhicules ont des revenus encore plus faibles.
On est loin des « rentes » décrites par certains de nos confrères. Mais peut-être que la commission Attali pense que le fait de travailler est un privilège féodal. Et que la juste rémunération d’un travail est une rente.
Pour en savoir plus sur le rapport Attali, cliquez ci-dessous :
L’Autorité des marchés financiers aimerait faire un rapport sur Attali