Colombani viré, le conseil de surveillance du « Monde » (minc) propose le duo Jeantet-Patino pour le remplacer. Mais veut-il vraiment résoudre la crise ?
Dans la série « faites ce que je dis mais pas ce je fais », Le Monde est décidément imbattable. Comme chacun sait, le grand timonier du journal du soir, Jean-Marie Colombani, a vu sa candidature pour un nouveau mandat rejetée par la rédaction. Il faut donc désigner un nouveau président du directoire. Après avoir tenté de trouver un compromis pour permettre à « JMC » de rester en place – au moins trois ans -, les actionnaires externes, c’est-à-dire ceux qui apportent de l’argent nécessaire pour les fins de mois, ont décidé de trouver quelqu’un d’autre. Et là, la démocratie telle que pratiquée par Colombani et son grand pote Alain Minc, président inamovible du conseil de surveillance, fait des merveilles. En mettant la main sur Le Monde, en 1993, ce duo n’avait qu’un objectif : bétonner son pouvoir. Première mesure radicale : plus question que plusieurs membres de la rédaction s’affrontent pour obtenir les suffrages des journalistes. Seul le conseil de surveillance peut proposer un candidat. Quatre personnes ont sollicité Alain Minc : Pierre Jeantet, actuel directeur général, Bruno Patino, patron de Télérama, Philippe Thureau-Dangin, directeur de Courrier International, et Alain Genestar, ancien boss de Paris Match viré par Lagardère pour crime de lèse Sarkozy.
La Société des rédacteurs du Monde (SRM), qui dispose d’un droit de veto, a organisé une consultation interne le 12 juin et a attiré 116 votants. Résultats : Patino 42 voix, Thureau-Dangin 33, Jeantet 18 et Genestar 7. Le conseil de surveillance allait-il suivre cette orientation ? Vous n’y pensez pas ! Il a proposé le 15 juin un tandem constitué de Jeantet et de Patino, étant entendu que le premier démissionnera au bout de trois ans pour laisser la place au second. Autrement dit, on ne change pas une équipe qui perd. Arrivé en 2006, Jeantet ne peut évidemment pas être tenu pour responsable des difficultés financières du groupe. Mais il a promis la continuité. Or, Colombani n’a jamais su gérer quoi que ce soit. Alors que son journal donne des leçons de gestion au gouvernement et aux entreprises, il n’a pas réussi à réduire les pertes ni à présenter une stratégie de développement. Les journalistes du Monde vont-ils se laisser imposer leur choix par le conseil de surveillance ? La réponse est prévisible car les membres de cette auguste assemblée ont le pouvoir suprême : l’argent. S’ils refusent de remettre au pot, le journal, qui doit rembourser des emprunts très lourds dans les prochaines années, risque le dépôt de bilan. Alain Minc joue sur cette corde depuis quelques semaines. Il est aussi déterminé à conserver son poste de président du conseil de surveillance (les mauvaises langues assurent que cela lui permet de conserver les derniers contrats de consultant, richement rémunérés, qui lui restent). En proposant Jeantet et Patino, il pense rallier les suffrages de la rédaction et gagner du temps sachant que la rédaction réclame son départ. Si la situation se dégrade, il a déjà une solution toute trouvée, selon des patrons qui ne l’apprécient pas : Bolloré. De là à dire qu’il espère une nouvelle crise…