Chaque semaine, Jacques Gaillard ouvre son dico perso et taille un costard aux mots à la mode.
Reporters sans frontières a publié, le 3 mai, la liste de 40 « prédateurs » de la presse à travers le monde. De la sorte, j’aurai entendu, en une semaine, traiter de « prédateur(s) » : les financiers cupides qui ont étranglé la Grèce et permis au monde de savoir combien ce pays comptait de fonctionnaires ; les membres de je-ne-sais-quelle-compagnie de doux Jésus, soupçonnés par Tonton XVI lui-même de couvrir leurs jeunes brebis ; le mec à la nana ensachée qui s’est fait gauler pour conduite aveugle, soupçonné d’abord de polygamie, puis de vendre de la chair de moukère draguée à l’intégrisme radical ; dans le même ordre d’idées, mais côté client, un footeux gros consommateur de charia à saucisse ; un autre beau gosse, l’Espagnol qui raquette tous les tournois de tennis sur terre battue (elle aussi !) ; et même les pacifiques loups du Mercantour, qui saignent le broutard, espèce non protégée, avec la bénédiction des amis des bêtes mais au grand dam d’éleveurs qui se font sauter le caisson devant le charnier.
Oui, partout, des prédateurs, et même les végétariens sont, si l’on y réfléchit, les prédateurs de la carotte, dont le cri perçant reste bien trop souvent ignoré (il n’est pire sourd qu’un herbivore). Le top ? Les meufs défripées au botox, qui sont, aux Amériques, traitées de prédatrices quand elles bouffent du jeunot – on les appelle « cougars », ce qui veut dire, en français, « couguars ». Pour la presse, on retrouve le frère Castro, les narco-pouvoirs, les Russes (lire la presse rase Poutine), Mugabe, les tyrans d’Iran, mais aussi le mollah Omar-m’a-tuer, et, tiens donc, Kagame, le Rwandais de la « bonne » ethnie certifiée Kouchner. Ah mince, il y a dix-huit mois, une association française très droits-de-l’hommiste dans ses bottes empruntait les pantoufles et les avocats de ce monsieur pour traîner un mal-pensant devant le tribunal. Re-mince, c’était un journaliste, un certain Pierre Péan… Ouf ! On l’a relaxé !