Le peuple a pris l’habitude d’attribuer à la mémoire des grands hommes des rues et des boulevards. Quel lieu héritera du nom prestigieux de Sarkozy ?
Il faut toujours crocher dans du solide. Si j’étais le président Sarkozy, j’éviterais de faire fond sur une réélection problématique. Je m’attacherais à valoriser mon mandat présent, dont mes amis de l’UMP ont compris qu’il a constitué une des grandes époques du rayonnement français.
Grâce aux conférences grassement payées de par le monde, le futur immédiat des anciens présidents est assuré. Reste l’avenir plus lointain, la postérité. Et pour ce faire, le peuple a pris l’habitude d’attribuer à la mémoire des grands hommes des rues et des boulevards qui véhiculeront leur gloire à jamais. Le problème, c’est que nous sommes un vieux pays et que les meilleures places sont prises : l’Étoile, la seule digne de Nicolas, s’appelle désormais Charles de Gaulle. La Concorde ne serait pas mal non plus : mais sa dénomination actuelle, que les Parisiens, passéistes incorrigibles, continueraient à employer, s’harmonise mal avec la volonté de « cliver » qui caractérise l’action de notre guide.
Bon. Soyons Sarkozy. Commençons nos recherches. Par où ? Par Neuilly, bien sûr, lieu d’où nous prîmes notre envol. Las ! La plus belle avenue est déjà prise : De Gaulle, encore ! Celui-là, quel coucou ! Un boulevard qui a de la gueule, c’est Bineau, près de deux kilomètres de la porte de Champerret à la Seine. Cet ancien ministre des Finances (1805-1855) est assez oublié pour que nous puissions (c’est toujours Nico qui parle) lui piquer ses plaques. Aïe ! Wikipedia nous informe que Jean-Martial Bineau a laissé une empreinte, celle d’un carnaval annuel qui se déroule dans le Hurepoix, non loin de Paris, où son action demeure un si mauvais souvenir qu’on brûle son effigie en place publique après l’avoir promenée dans les rues.
Le meilleur de Neuilly, cela dit, longe le bois de Boulogne : la lisière en est claire, cossue, d’une largeur considérable. Manque de pot : tout le quartier est dévolu à la famille Barrès. La droite traditionnelle verrait d’un mauvais œil qu’on l’évince. La bonne idée, c’est le bois lui-même. Ces 873 hectares, qui contiennent des beautés comme le Pré Catelan, Longchamp ou le château de Bagatelle ne demandent qu’à devenir le bois Sarkozy. Mais patatras ! Tous ceux à qui j’en parle ont la même réaction : le bois Sarkozy ? Vous voulez dire, comme la forêt de Bondy ?