La crise des « subprimes » a provoqué la débandade financière et bancaire actuelle. Pour ceux qui n’auraient pas vraiment suivi depuis le début, voilà quelques explications simples sur leur origine : le rêve américain de la propriété pour tous qui vire au cauchemar. Et des voraces qui en profitent.
Tout a commencé par l’effondrement de la bulle Internet. L’économie avait besoin d’un autre relais de croissance. Alan Greenspan, le patron de la Réserve Fédérale américaine (la Fed), a baissé les taux d’intérêt et la machine est repartie. Cette fois ci sur l’immobilier. Dès que l’affaire a commencé à tourner, il a fallu la nourrir. Les classes moyennes ont été rapidement logées, il fallait trouver d’autres clients. Il ne restait plus que les pauvres. Alors les voraces y sont allés avec leurs techniques marketing pour alimenter la demande. Les pauvres sont nombreux aux Etats Unis, le gateau était appétissant.
Voilà le rêve des économistes réalisé. Une fin de l’histoire, ou plutôt une histoire sans fin. Un système qui s’auto entretient. Les théoriciens ont construit leurs discours. Le système permettait de dépasser les antagonismes. Moralement et politiquement, le système avait trouvé son aboutissement. Tout le monde pouvait participer à la fête, accéder à la propriété, même les plus pauvres. Le rêve américain se réalisait.. A l’époque où la valeur d’un individu se mesure à son patrimoine, tout le monde pouvait avoir de la valeur.
Jusqu’ici, seuls les riches pouvaient posséder. Les très riches possédaient un château et un compte en actions. Les riches possédaient un appartement et une voiture. Les pas très riches une voiture seulement. Et puis les autres étaient exclus de la société de l’avoir. C’était comme ça. Les pauvres pouvaient consommer, mais pas posséder. C’était inadmissible. Il fallait aussi trouver un moyen pour que les pauvres puissent acheter un bien, un appartement, une maison.
Pour acquérir, les plus pauvres devaient s’endetter, évidemment en respectant les sacro-saintes règles du marché. Ici, pas de garanties collectives, pas d’aides de l’Etat. Non, à gros risque, gros intérêt. L’intérêt permettant de rémunérer le risque. Et pour réduire encore le danger, il suffisait de généraliser les taux variables. Si les taux d’intérêt de la Fed augmentaient, la charge de la dette suivait. Tout ça, évidemment, écrit, comme il se doit, en petits caractères en bas de page.
Et puis on a crée une "novlang" comme chez Orwell. On s’est mis à parler du droit à la propriété. La force des mots prenaient ici tout son sens. On pouvait exiger d’être propriétaire. Comme si ce droit n’avait aucune contrepartie.
Pour conclure les voraces ont un argument choc : « Comment ça, vous êtes contre la participation des pauvres au festin ? ». Que répondre ?
La croissance de la demande entraîne une hausse des prix. Par un simple effet boulle de neige, le système s’est emballé. Sous l’effet de la demande croissante et de la difficulté de réaliser des projets immobiliers rapidement, les prix ont flambé. Les premiers souscripteurs ont alors fait fortune. Les banques ont trouvé leurs portes parole, leurs héros : des pauvres qui possédaient une maison. Le message était clair : plus vous achèterez vite, plus vite vous serez propriétaire, et les premiers seront les mieux servis.
Les banques ne se méfient pas. Dans la concurrence effrénée à la rentabilité, elles cherchent continuellement des produits à forte rentabilité. Avec leur taux d’intérêt élevé, les subprimes sont très rentables, et accessoirement très risquées. Pour les rendre présentables, les spécialistes des produits financiers les ont saucissonnés. Ils les ont noyés parmi d’autres titres moins risqués. Le tour était joué, les banquiers achetaient des avoirs très rentables et sans risques.
L’augmentation des taux a amorcé la crise. Pour lutter contre l’inflation, la Réserve Fédérale a remonté ses taux. Une fois, deux fois… quinze fois, et les plus vulnérables des souscripteurs ont de plus en plus de mal à payer les intérêts de leurs dettes. Certains veulent sortir de cet enfer. Ils sont peu nombreux au départ. Les premiers profitent de la hausse de l’immobilier et des derniers entrants sur le marché. Puis l’offre dépasse la demande, et le système s’emballe.
Aujourd’hui la déflation la nourrit. Cela n’a pas été la panique tout de suite. Non. Pas tout de suite. Même les pauvres sont attachés à leur patrimoine, si pauvres soient-ils. Mais la pression des fins de mois est la plus forte. Il faut se résigner à vendre. Il n’y a plus d’acheteurs. Dommage.
Dans quelques mois, les pauvres resteront endettés, bien peu seront encore propriétaires. Les voraces préparent leur prochain coup.
Il fallait trois ingrédients pour permettre au système de fonctionner quelques années. Un rêve : le droit à la propriété pour tous, le rêve américain. Des voraces qui n’hésitent pas à abuser des plus faibles, et des économistes qui, comme toutes les décennies, nous annoncent la fin de l’histoire.
Aujourd’hui on nous vente les bienfaits d’une « crise salutaire ». Mais n’est ce pas les mêmes qui hier nous annonçaient la propriété pour tous qui nous proposent maintenant du sang et des larmes ?