Frapper la banque de votre quartier pourrait bien sûr avoir l’effet escompté, mais c’est comme prendre votre banquier en otage, ça ne changera rien.
Eric Cantona a donné dernièrement la recette de bombe financière artisanale : il suffit qu’un nombre suffisant d’épargnants retire son argent de son compte.
On comprend facilement l’idée.
Ça marche comme une manifestation, selon le principe que seul on ne peut rien contre une machine d’état ou de pouvoir… mais à plusieurs, cela change la donne.
Le hic, c’est qu’Eric Cantona fait un amalgame que l’on rencontre souvent dans les conversations entre non-initiés : « Puisque tout le système est basé sur les banques, c’est là qu’il faut frapper ». Mais en désignant les « banques » au sens large comme l’agresseur, le fauteur de troubles, le responsable de la crise ; il se trompe de cible.
Le système bancaire et financier est bien plus complexe que cela. Frapper la banque de votre quartier pourrait bien sûr avoir l’effet escompté, mais c’est comme prendre votre banquier en otage, ça ne changera rien. Pourquoi ?
Parce que vous avez besoin de votre banque pour vivre.
Il faut comprendre une chose : la banque de votre quartier a deux facettes. Elle est responsable des dépôts et des crédits. C’est-à-dire qu’elle garde votre argent – qui ne dort pas dans un coffre mais qui est mis à contribution par la banque pour le faire fructifier, pour elle et pour vos taux d’intérêt – et elle vous prête de l’argent : dans le cadre d’un crédit par exemple.
Par ailleurs, là où se trompent généralement les gens quand ils réfléchissent à leur banque, c’est qu’ils sous-estiment le poids des entreprises à l’égard des banques. Pensez que si votre épargne et vos prêts rapportent à votre banque, ceux de votre entreprise rapportent bien plus à la banque.
Même si les salariés sont par définition plus nombreux que les banques, leur revenu total est moindre que les revenus des entreprises, c’est le moins que puissent désirer les entrepreneurs ! Quand on parle de consommation, c’est la même chose, une entreprise consomme nettement plus que la somme de ses salariés réunis. Donc première chose à faire : relativiser.
Autre point important, les entreprises sont au premier plan dans la course à la croissance. Ce sont elles qui créent les emplois, et qui investissent massivement dans le marché bancaire. Qui plus est, elles sont beaucoup plus engagées dans les valeurs mobilières que les particuliers, qui ont tendance à leur préférer l’immobilier ou plus généralement l’épargne.
Pour toutes ces raisons, l’impact d’une action des petits épargnants est à minorer.
Allons plus loin maintenant. Quelles sont les principales activités d’une banque ? Le dépôt et l’investissement. Le dépôt, c’est ce qui vous permet de mettre votre argent à l’abri (tant que votre banque ne fait pas faillite) et de pouvoir en jouir en tout confort. C’est ce qui vous permet également de faire un prêt pour acheter une maison et arborer une mine superbe de propriétaire endetté.
Cette branche d’activité est vitale pour l’économie puisqu’elle vaut aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Et qu’elle permet une circulation des biens, des services et des richesses – c’est le socle de la croissance.
Maintenant, et c’est là où ça se gâte, il y a l’activité d’investissement. En Europe, cette part est représente pour 25 ou 30% de la croissance économique. Aux Etats-Unis, la proportion s’inverse, cela veut dire que l’économie est tirée à près de 75% par l’investissement sur les marchés. Ces investissements sont plus ou moins risqués, et ce sont eux qu’il faut réguler à tout prix. Subprime, CDS, marché obligataire, tout ces termes qu’on a vu accolés à la crise financière sont issus de cette branche particulière de l’activité des banques. S’il y a une révolution à faire, c’est probablement plus sur ce terrain qu’il faut la mener, que sur le terrain du dépôt.
Je vous épargne les conséquences désastreuses que provoquerait un bank run massif… Et à vrai dire, heureusement pour nous tous, je doute qu’un seul homme puisse mobiliser plus de gens qu’une horde de syndicats ultra-entrainés n’arrivent à en réunir dans la rue.
Cet appel est symptomatique : il veut bien dire le ras-le-bol des gens quant à leur situation. Le ras-le-bol de voir qu’en matière de responsabilité, c’est deux poids deux mesures. Lorsque les banques sèment le désordre – un million de chômeurs en plus en France – et qu’on utilise l’argent du contribuable pour éponger les dettes, il y a de quoi être scandalisé.
Mais voilà, la finance a une botte secrète : sa complexité. Tant que les masses ne comprendront pas bien à quelle sauce elles se font dévorer, les coups ne porteront pas. Ou bien elles se tireront une balle dans le pied.
Rassurez-vous les États ont trouvé la solution pour ne pas mettre le feu aux poudres : ils n’augmenteront pas les impôts ! Comment augmenter les recettes fiscales d’un pays sans augmenter les impôts : la planche à billets.
Tout le monde pense que la planche à billets est une imprimante qui créée de la monnaie qui ensuite est distribuée ici et là… En réalité cet argent est créé par la banque centrale, puis confié aux banques, qui rachètent les emprunts d’état qui ne trouvent plus d’acquéreurs (Pourquoi ? Parce que les États se sont surendettés en rachetant les actifs pourris des banques, et qu’ils frôlent désormais la banqueroute).
Ce faisant, elles augmentent la masse monétaire en circulation, dopent la spéculation, soulagent les actionnaires et donne un semblant de reprise économique. Principal bénéficiaire de l’opération : les banques qui s’octroie des bénéfices en faisant fructifier ce nouvel argent frais. Le but de la manœuvre c’est de donner un semblant de relance pour dynamiser la consommation.
Principal dupé : vous et moi. Cette opération s’appelle l’inflation. Eh oui, inflation ne veut pas forcément dire augmentation des prix. La valeur de l’argent que vous avez dans votre portefeuille diminue mais chacun a le sentiment d’avoir gagné en pouvoir d’achat. C’est absolument faux. En réalité, les prix ont augmenté d’une année sur l’autre. Mais comme la masse monétaire a augmenté également, la valeur de vos biens vous semble plus importante qu’auparavant. Sauf qu’avec la même somme vous ne pouvez plus acheter autant de choses qu’avant, bref, vous perdez de l’argent un peu plus chaque jour.
Pour aller plus loin, on pourrait même dire que les banques centrales américaines et européennes impriment de la fausse monnaie, puisqu’elles impriment de l’argent qu’elles n’ont pas encore. Et plus elle va imprimer de cette fausse monnaie, plus vos billets ne vaudront plus grand-chose et plus les gens vont chercher à s’en débarrasser.
Alors… si aujourd’hui vous décidez de retirer votre argent de votre compte, demandez de vrais billets ! Comment les reconnaître des faux ? On ne peut pas. La seule solution actuellement est de changer votre épargne liquide en matières premières. Prenez de l’or ou de l’argent par exemple.
D’ici quelques mois, quand les États sont plein à craquer d’argent peu cher, tout le monde se ruera sur l’or et sa valeur de multiplier.
Vous pourriez même vous en tirer avec plus de richesse qu’avant… mais qui suivra ce bon conseil ? Voyons le nombre de personnes qu’a convaincu Cantona, et voyons le nombre qu’aura convaincu JDC !