Non, les Français n’ont pas découvert leur âme de résistants seulement en 1943 ou 44 , oui ils ont développé très tôt « une culture de combat » contre l’occupant nazi. C’est la thèse de Christophe Nick et de Pascale Bodet, réalisateurs du très passionnant documentaire intitulé « La résistance ».
Ceux qui ont raté la version courte diffusée par France 2 les 18 et 19 février ont droit à un rattrapage : la version longue sera diffusée par La Cinq en quatre épisodes (22/2, 29/2, 7/31,4/3). Et les retardataires auront en prime ces témoignages d’historiens qui manquaient sur France 2.
L’un deux explique que la résistance fut d’abord « un bricolage général », inorganisé, dans un pays sonné par la défaite et l’exode. Mais en quelques mois, l’aura de Pétain s’effondrant, les réseaux se constituent. En somme, il s’agit de montrer que « la France a été résistante même si tous les Français n’ont pas été résistants ». Avouons notre gêne : à vouloir recourber le bâton dans l’autre sens, les auteurs donnent une impression de simplisme. Les témoignages des historiens sont montés de façon à tous converger vers une thèse unique. Or l’histoire, c’est le débat.
Ce défaut se ressent dans les deux premiers épisodes. Heureusement, tout change dans les deux suivants. A propos de la déportation massive des Juifs de France planifiée par les nazis et Vichy, mais mise en échec par la « société civile », l’histoire compliquée se tricote enfin sous nos yeux. Tout devient plus emmêlé, et c’est tant mieux.
On passera vite sur les scènes de fiction, en couleur, avec comédiens et costumes bien repassés, parfois réussies, mais souvent nuisibles à la continuité du récit. Ne ratez pas le troisième épisode : le « sauvetage des juifs » par la France profonde, l’infiltration des camps (Gurs, Pithiviers, Beaune-la-Rolande etc.) par les œuvres religieuses et humanitaires, l’exfiltration des enfants dans les familles rurales illustrent « la banalité du bien », l’héroïsme tranquille de citoyens comme les autres écœurés par les rafles. Le quatrième épisode est à la hauteur. Beau récit, argumentation convaincante ! Aucun doute, ces deux derniers épisodes sont un chef d’œuvre de télévision… publique !
Car inévitablement, on repense à Marcel Ophüls. Réalisé en 1971, « Le Chagrin et la pitié », censuré dix ans par la télé officielle, faisait mal car il montrait une France pétainiste. « La Résistance » de Nick et Bodat ne l’efface pas, même s’il s’en veut l’antithèse.
En ces temps bizarres où un Sarkozy impose dans les écoles la mémoire du communiste Guy Môquet, célébrer la tradition rebelle et solidaire de ce pays, rappeler qu’ « une dizaine personnes seulement à elles seules peuvent modifier les équilibres » pourrait avoir des effets politiques imprévisibles. Des policiers de 42-43 raflant des gosses, des réseaux sans frontières protestant et s’organisant, cela résonne avec une certaine actualité.
Certes, Sarkozy n’est pas Pétain et sa famille a souffert des lois anti-juives. Mais dans l’expression « occuper la scène médiatique », il y a le très vilain verbe « occuper ». Plus de camps ni de convois, mais la survie cérébrale, la résistance mentale sont toujours des problèmes. Et la société civile, solidaire et résistante, n’est pas morte.