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La psychiatrie française est devenue folle

mardi 9 décembre 2008 par Christine GINTZ, médecin psychiatre à Grenoble
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Ce qui est sûr dans notre monde, c’est que les fous ne sont pas les plus dangereux. Que derrière le fou il y a la société et ce qu’elle fait de l’institution psychiatrique qui, elle, évolue suivant les priorités d’une époque. Quand cette société applique des solutions rapides et égoïstes, gère la psychiatrie par le management, estime que l’on peut rentabiliser la démence, elle devient plus folle que les fous, dangereuse.

Depuis que je suis psychiatre, je n’ai jamais eu de problème avec l’agressivité, ou la violence de mes patients. Je n’ai jamais eu le sentiment de faire un travail à risques. Le drame de Grenoble vient réveiller une « psychose » qui jette la suspicion sur les malades mentaux, alors qu’il devrait nous pousser à nous interroger encore sur l’évolution imposée à la psychiatrie depuis 20 ans, au nom du modèle économique universel dans lequel on l’a priée d’entrer.

C’est un progrès fondamental, la découverte de neuroleptiques, qui a permis de sortir les fous de l’hôpital. On en a pris ce prétexte du médicament, en allant bien au-delà du raisonnable, pour oublier le rôle d’asile que jouait et devrait toujours jouer l’hôpital psychiatrique : offrir à certains une place habitable, un refuge. C’est au nom du principe actif, celui du médicament, que bon nombre de schizophrènes qui devraient être soignés à l’hôpital se retrouvent SDF ou en prison.

Pour ne pas nous masquer, il est vrai qu’un schizophrène peut être sans recours devant ses « voix » qui lui imposent, parfois, des actes irréversibles… Mais nous savons surtout que lorsqu’on écoute cet homme ou cette femme, qu’on lui parle, l’autorité de ses « voix » se fait moins impérieuse, que c’est ainsi qu’un malade potentiellement dangereux cesse de l’être.

Mais à force de réduire le nombre de lits en psychiatrie, et le nombre de soignants attachés aux soins des patients, le souci n’est plus un projet thérapeutique, forcément long et complexe, mais l’obsession de produire une solution immédiate, donc prioritairement chimique. Il faut à tout prix atteindre un bon ratio, un bon « turn over » et libérer des lits aussi vite que possible. Les soignants n’ont plus de temps à consacrer au dialogue avec les patients. Pour endiguer agressivité et délire, ils n’ont plus le choix de la solution puisque la contingence impose le médicament et la chambre d’isolement.

À mesure que les moyens alloués à la psychiatrie se restreignent, celle-ci n’a pas d’autre solution que de se faire plus répressive. Les services, qui avaient ouvert leurs portes lors de la mise en place de la « sectorisation », les ont refermées. Petit à petit, insidieusement. J’ai récemment croisé une infirmière, elle reprenait le travail dans son service après une interruption de plusieurs années. Elle avait quitté un lieu ouvert. Le retrouvant fermé, elle demande « Qui a pris la décision de tirer les verrous ? De fermer, et pourquoi ? » Personne n’a pu répondre. Le fermeture s’est faite jour après jour, imposée par les critères économiques.

Aujourd’hui, sous la pression des « démarches qualités », lorsqu’un malade saute par la fenêtre, la question qu’on pose n’est plus « pourquoi en est-il arrivé là ? ». Mais : « la poignée de la fenêtre était-elle bien aux normes ? »

Le schizo meurtrier de Grenoble s’est échappé du service d’un psychiatre qui travaille remarquablement bien, mais contraint d’appliquer une politique de santé publique en harmonie avec le peu de moyens qu’on lui accorde.

Que nous demande-t-on aujourd’hui ? De mettre des brassards électroniques, de créer des unités fermées, d’ordonner des « obligations de soins ». Il faut remarquer que le patient évadé de Grenoble était justement en soins. Mais lesquels ? Et tout ceci, en terme comptables, ceux de la santé rentable, a maintenant un coût.

Pourquoi ne pas simplement revenir sur cette pénurie consciencieusement organisée, et se rendre à l’évidence que le nombre d’infirmiers en psychiatrie ne se calcule pas en faisant la somme du temps nécessaire à la distribution des médicaments, du repas, de l’aide à la douche, multiplié par le nombre de patients, et divisé par 35 heures ! Le temps de parole, celui des mots adaptés et des phrases qui sauvent n’existe plus.

J’ai connu la psychiatrie hospitalière dans les années 80 à 90. On venait d’ouvrir les portes des hôpitaux psychiatriques et les anciens témoignaient du fait que cela avait fait diminuer considérablement la violence. Il faut revenir sur ce mauvais sort fait aux malades et qui ne laisse plus que le choix d’enfermer et punir.


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  • La psychiatrie française est devenue folle
    le vendredi 10 juillet 2009 à 10:41, gwomako a dit :
    pourquoi cette chose monstrueuse s’appelle psychiatrie…est ce simplement parce qu’elle est potelée,ordonnée, manipulée par des psychiatres…des gens sans foi mais qui semblent avoir la loi avec eux….. l’on ne peut accepter que les soins dits psychiatriques soient restés tels quels depuis le moyen age…eh oui ces savants ne se mouillent pas les mains,ne touchent pas, ne marchent pas dans les rues, dans les allées, dans l’amour…avec des êtres en souffrance….non ils sont bardés de diplômes et viennent s’assoir derrière les bureaux bien astiqués, se font encadrer, protéger par des hommes de main,les infirmiers , et toisent l’homme le désignant comme fou, le malade…le rendant encore moins humain et coléreux….nous y voilà….l’unafam souffre…n’a été et ne sera toujours que des parents qui ont inventé la maladie et seront toujours du coté de l’autorité qui les délivrera de cette maladie…ce mal’amour. si sarkozy dans sa tentative de prendre de la hauteur se soucie de sa santé et de celle des français après faudra bien qu’il questionne ces gens là, ces psychiatres et autres psy qui vivent ainsi grassement sur la mise à l’écart du doux dingue, qu’il s’agisse encore et là aussi de réformer ce corps concentrationnaire…oui au vu et au su de la dégradation des rapports en ces lieux où de l’homme y entre…mis en monstre il ressort… il n’y a plus besoin de ces grands patrons psychiatres mettant le minimum d’être qu’on aurait à la disposition de la chimie…car seul cela compte hic et nunc pour eux….c’est pas une blague….on a jamais vu aucun médecin guérir un fou…comme un vieux rêve malsain de surcroit qui perdure…pourtant faudrait bien panser ce (mal)….sinon où aller……que faire….mr sarkozy stoppez cette psychiatrie là…réformez là….trouvez cette frange de la population qui ne voit pas que le récidiviste à écarter, qui accepte le dit semblable et l’aiderait encore…vous gagnerez de l’argent(votre souhait profond) et vous trouverez à ce moment là des gens compréhensifs qui aspirent à un monde plus ouvert et d’où une certaine idée de la relation à l’autre, dans l’acte… demeure une priorité…tout sera moins flou…tu seras moins fou aussi mon sarko… gwomako
  • La psychiatrie française est devenue folle
    le jeudi 12 février 2009 à 09:49

    A propos de la "formation" des infirmiers, et pas seulement en psychiatrie :

    http://www.serpsy.org/actualites/friard_accoyer.html

    "Depuis février 2000, la mission interministérielle de lutte contre les sectes signale que certaines techniques psychothérapiques sont un outil au service de l’infiltration sectaire et elle recommande régulièrement aux autorités sanitaires de cadrer ces pratiques. " Et si avant de mettre en carte psychanalystes et psychothérapeutes, l’état commençait par balayer devant sa porte. N’est-ce pas le gouvernement français qui dans le décret infirmier de mars 1993 puis dans celui de février 2003 se rend complice de l’église de scientologie en obligeant les infirmiers, les enseignants d’IFSI à se référer à la démarche de soins et aux diagnostics infirmiers élaborés, entre autres, à partir de certains concepts de la dianétique. N’est-ce pas le gouvernement qui laisse passer un diagnostic infirmier du nom de " perturbation du champ énergétique " où l’on recommande aux infirmiers de promener leurs mains cinq millimètres au-dessus du corps du patient pour déboucher ses chakras ? Cette aberration a été signalée à la mission interministérielle, on attend encore ses réactions."

  • ceux qui nous dirigent deviennent fous ,çà oui
    le samedi 20 décembre 2008 à 22:15, tyvier a dit :
    VOUS avez tout a fait raison ,car le tout sécuritaire ,et ,ne parlez plus que de cout dans l’institution hospitaliére,au détriment de prendre du temps et creer,des cellules de dialogues ,d’ecoute ,de remise a niveau psychologique ,et simplement de dire a un malade psychopatho : on est la pour vous aider ,on vous comprends ,vous pouvez comptez sur nous ,on ne vous abandonnes pas ,etc …, et prendre un peu de temps pour l’écouter s’avére tres positif et calme leur violence et souffrance intérieure ,parce que ,un grand sentiment de solitude s’installe a leur insu vu que notre société abandonne les humains a leurs propre sort et ,parfois la folie guette ,car les anxiolitiques ,antidepresseurs, psychotrope,etc… ,ne sont rien sans un réel rapport humain ,l’essentiel pour rétablir une personne qui va mal psychologiquement quel qu’en soit la cause ; george tyvier
  • patient en psychiatrie
    le jeudi 11 décembre 2008 à 22:25
    je voudrais aller tout à fait dans le sens de ce bon article. On n’arrête pas de fermer des petites unités à visage humains (type centre d’accueil et de crise de 10 lits) pour nous renvoyer vers des grands centres concentrationnaires de plus en plus violent. Nous en souffrons beaucoup et nous sommes incapables d’organiser notre lutte. Qui nous aidera, qui viendra écouter notre parole de manière citoyenne ? Des psychiatres avare de leur pouvoir ? des directeurs d’hôpitaux soucieux de leur carrière, une opinion publique manipulée et répressive ? Qui ? Une patiente
    • patient en psychiatrie
      le samedi 13 décembre 2008 à 09:07, C.G. a dit :
      Les psychiatres, et les médecins en général, ont de moins en moins de pouvoir : Celui-ci bascule du côté de l’administration. Ce qui peut avoir un certain pouvoir, ce sont les associations de malades ou de familles de malades. Seulement, comme toute association, elles rassemblent des opinions assez hétérogènes, et l’opinion qui l’emporte ressemble assez à ce que vous appelez "une opinion publique manipulée et répressive". Il suffit, pour s’en convaincre, de lire la position de l’UNAFAM dans Libération de jeudi. .. Elle ne risque pas de déranger trop la position du président de la République !
  • La psychiatrie française est devenue folle
    le jeudi 11 décembre 2008 à 14:52, clemento a dit :
    bravo, la lecture de votre article fait beaucoup de bien à l’infirmier que je suis. J’ai cessé de pratiquer la psychiatrie il y a longtemps pour une activité largement plus valorisé et valorisante, mais j’ai pu de loin, constaté les évolutions des conditions de travail de mes anciens collègues. Et je voudrais rappeler que la "sectorisation" (organisation des soins par secteur géographique, c’est-à-dire une carte psychiatrique comme la carte scolaire mais en plus respectée) est, ou était, une merveilleuse ambition d’égalité, de liberté et d’intégration des malades dans la société.
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