Michel Fourniret, tueur en série présumé, jugé actuellement aux assises de Charleville, a de la chance : la justice tient absolument à préserver son image. La journaliste de « Paris Match » qui couvrait le procès s’est donc vue retirer son accréditation après la publication d’une petite photo du tueur présumé dans l’hebdo. Avant même le résultat de l’enquête lancée pour identifier le photographe fautif.
Ah la justice… Une photo de Michel Fourniret publiée dans Paris Match de ce jeudi 3 avril permet à des magistrats, au nom d’une loi interdisant la prise de son ou d’image, de retirer son accréditation à la journaliste de l’hebdomadaire, Delphine Byrka, couvrant le procès. C’est ce qu’a décidé, montant sur ses grands chevaux, la cour d’assises de Charleville. « Ce matin un hebdomadaire a publié une photographie de Michel Fourniret. Ce cliché a été réalisé dans une salle d’audience et au cours d’une audience, en violation de la loi et en dépit des instructions très claires faites à l’ouverture du procès par le président de la cour d’assises » des Ardennes, explique un communiqué de Christophe Aubertin, le magistrat chargé de la comm’ du parquet général.
A coup sûr, l’enquête annoncée par l’avocat général pour tenter de dénicher le photographe fautif permettra de désigner un coupable. Encore que : le crédit photo signale la photo comme « DR », droits réservés. C’est-à-dire auteur anonyme, à moins de perquisitionner le journal, ce qui ne déplaît pas tant que ça aux juges… Dans l’hypothèse où Fourniret attaquerait le journal sur la base du droit à l’image, il trouverait probablement des juges pour lui garantir des dommages et intérêts conséquents. Pour condamner la presse, il y a toujours des juges zélés. Mais qui n’ont pas eu la jugeotte de renforcer les mesures de sécurité dans les salles réservées au public après l’incident…
Manque de bol, l’avocat de Michel Fourniret, maître Blocquaux, a fait savoir à la journaliste que son client n’attaquerait pas le journal pour atteinte à son image ! Il l’a même invitée à déjeuner le jour même… Quant à la loi qu’il s’agit – légitimement - de ne pas violer, peu importe qu’elle date tout de même de 1881. Et peu importe encore que Fourniret apparaisse dans un coin et non pas sur une pleine double page. Si Match a régulièrement frôlé la ligne jaune pour publier des clichés, retirer l’accréditation à la journaliste frôle le ridicule. Car comme le souligne le directeur de la rédac Olivier Royant, « notre journaliste (…) ne peut même pas être soupçonnée d’avoir pris le cliché puisqu’elle se trouve dans la salle d’audience » alors que le cliché a été « apparemment pris dans la salle vidéo du tribunal puisqu’il s’agit d’une capture d’écran ». Le procès du couple Fourniret, jugé pour son implication dans une bonne douzaine d’affaires de femmes violées et tuées et encore au coeur de plusieurs enquêtes non terminées, est en effet suivi par les journaux et les télés dans la salle d’audience, ainsi que dans deux salles annexes dotées d’un écran géant. On remarquera que la journaliste qui physiquement n’était pas en mesure de prendre la photo est désignée coupable avant même les résultats de l’enquête. Comble du ridicule pour le Parquet.
Mais bon le parquet général a décidé de retirer aussitôt à Byrka les deux badges nécessaires pour assister aux débats, et en public s’il vous plait : en l’annonçant aux confrère lors d’un point presse, sans même l’avoir prévenue au préalable. Devant la grappe de confrères éberlués, on a solennellement exigé d’elle qu’elle remette les précieux sésames. Sans retirer leur accréditation aux trois agences photo qui travaillent lors de ce procès, alors que Match n’avait pas de photographe attitré sur place.
L’incident s’est déroulé après feu vert du cabinet de Rachida Dati. Comme l’a confié à la presse le président de la cour d’assises, qui le matin même, à la reprise de l’audience, ne s’était pas opposé à la présence de la journaliste, il n’avait pu aller contre la volonté de la Chancellerie. Ce que le cabinet de Rachida Dati dément.
Paris Match connaissait les risques juridiques en achetant cette photo et en la publiant alors qu’ils assument.
L’accréditation a été retirée à PARIS MATCH en tant qu’organe de presse et en l’espèce à tous les journalistes représentant ce journal.
Les commentaires sont assez unanimes donc il me semble nécessaire de rajouter une couche.
Pourquoi faudrait-il attendre de trouver le photographe fautif avant de retirer l’accréditation ? La publication de la photo me semble justifier la décision, ou alors on pourrait publier toutes les photos qu’on veut tant qu’on ne sait pas qui les a prises. Et le temps de trouver les fautifs, les Paris-Match et autres auront gagné en multipliant leurs ventes contre la loi et le respect des droits des accusés.
D’autre part, s’il faut attendre que la photo fasse une double page et non juste un ridicule coin, alors pourquoi ne pas attendre que la photo fasse la couverture ?