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L’Idiot, le camarade du malheur

samedi 21 mars 2009 par Louis Poirier
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Le théâtre sert d’exorcisme à Vincent Macaigne, jeune metteur en scène de Idiot de Dostoïevski au théâtre du Chaillot.

C’est l’histoire terrible mais inachevée de L’Idiot. De ce texte intemporel de Dostoïevski en deux « époques », la mise en scène de Macaigne, colorée et sensible, fait en quelque sorte un livret d’opéra baroque, un peu touffu mais d’une pénétrante clarté d’analyse politique et psychologique. Certes, les personnages sont très typés et les situations liées à la narration du monde actuel, mais on ne peut s’empêcher d’y voir la naissance d’un grand metteur en scène version Théâtre national Populaire (TNP) revisité.

De Fernando Arrabal à Vincent Macaigne, c’est le même refus de la langue traditionnelle de la scène, trop pompeuse chez les classiques, trop triviale chez les contemporains. Au théâtre de créer un langage qui tiendra compte de la fonction magique du fait théâtral.

Le théâtre traditionnel s’attache à développer une action qui sollicite chez les personnages des réactions que la raison ou le sentiment sont supposés dicter. L’étude des comportements individuels face aux situations produites par le hasard ou voulues par le destin décide ainsi du talent de l’auteur.

Macaigne s’oppose radicalement à cette conception du fatum théâtral et à la cohérence dramaturgique qu’il implique : l’homme étant absurdement jeté en ce monde absurde, il est imprévisible, aussi imprévisible que sa propre destinée. Aussi montre-t-il des êtres ébahis d’exister, envahis de néant, déconcertants et déconcertés.

Une vision pessimiste

Le jeune dramaturge s’exprime sur le ton de la colère plus encore que Ionesco ne se servait de l’appareil de la dérision. Sa philosophie repose sur une vision pessimiste de l’homme, sur la fascination du nihilisme. D’où la révolte qui habite le metteur en scène, choisissant de tourner en dérision ce monde incohérent et moribond, cette société désaxée qui bavarde pour oublier son triste sort, la mort qui guette tous et chacun. D’où aussi la qualité de son humour noir, son sens d’un tragi-comique sulfureux.

Tout autant que Fedor Dostoïevski, son modèle, Macaigne dresse un acte d’accusation contre la société bourgeoise, l’hypocrisie des mœurs, les tricheries morales et intellectuelles. La colère, le délire, le rire jaune : autant d’armes pour combattre le fléau de la bonne conscience.

Mais Macaigne, c’est aussi (et surtout ?), la tentation symbolique. Son théâtre abonde en symboles. L’absence de héros, la déconstruction dramatique, la fonction de la colère, tout ceci aboutit à évacuer le sens immédiat au profit d’un sens second plus fécond pour l’imaginaire. Par là, l’auteur de Requiem nous rappelle Adamov dont l’œuvre théâtrale lui permet d’exorciser ses obsessions et ses répulsions, de former son imaginaire, montrant des personnages occupés à se persécuter avec délices, c’est-à-dire un théâtre fortement imprégné de l’influence brechtienne, et volontiers engagé dans le combat social et politique.

Un théâtre d’engagement

Le théâtre doit mener à la prise de conscience et la prise de conscience à l’action politique : telle est une des constantes de la pensée de Macaigne. Assignant ainsi au théâtre un rôle didactique, pédagogique, il incite le spectateur à chercher une solution aux problèmes de la société moderne.

Par là encore, Macaigne se rappelle ses origines : Alfred Jarry. La dramatisation, n’est-ce pas le lieu où, en amont de toute transposition intellectuelle, fantasmes et rêveries se donnent à nous sous la forme d’une représentation imagée, à égale distance de la réalité d’où ils émergent, et de la conceptualité à quoi ils tendent ?

Cette contestation se souvient aussi d’Antonin Artaud qui voulait « en finir avec les chefs-d’œuvre » et trouver un style qui devait stupéfier les spectateurs, comme le feraient la peste ou d’autres fléaux. Ou encore la réhabilitation d’un Dieu que l’on sait maintenant aussi paumé que nous.

Une pièce n’a de sens que jouée. Le spectacle obéit à une dynamique interne qui déshumanise les personnages (par l’accélération chez Macaigne). Le sens est évacué au profit d’une situation exagérée et symbolique. La colère passe par la cruauté. Même si ce théâtre refuse l’idéologie, ce vide est un plein message. Il met à nu l’angoisse humaine, l’impossibilité de notre condition, la niaiserie de nos espérances. Le monde incohérent et moribond s’étourdit de son propre néant.

L’homme, cet être aberrant

En revanche, le théâtre de Macaigne tend vers la tragédie. Chez lui l’agonie du langage traduit l’agonie de l’être, et l’éternelle question de la tragédie reparaît : pourquoi ce mal sans coupable ? pourquoi cette culpabilité sans crime ? L’ Idiot !de Macaigne, incapable de se connaître et incapable de supporter de ne pas se connaître, suggère un responsable, celui qu’autrefois on appelait commodément Dieu.

Qui d’autre aurait pu inventer ce phénomène aberrant qu’est l’homme dans le monde ? N’importe quel tailleur est capable de fabriquer un pantalon, mais Dieu a créé un homme qui ne s’ajuste pas au monde. L’univers aux lois immuables que le dramaturge parcourt du regard, où la souffrance, la persécution, la torture sont naturelles, semble avoir été créé par un Dieu qui n’a pas les mêmes conceptions que nous. Est-ce un Dieu fou, ou un Dieu sportif, qui s’amuse à boxer sa création ?

C’en est fini de la révolte athée dont Camus a orchestré le dernier soupir. Dieu n’est plus moqué, ni accusé, ni condamné. Entre l’homme et lui, après tant de contestations qui ont viré à la curée, s’est tissée une sorte de camaraderie du malheur. Le mal est plus grand qu’on imaginait, et, à la limite, on pourrait se demander de quoi Dieu lui-même est coupable.

Une espèce de commisération fraternelle monte, ou plutôt descend, vers ce créateur maladroit. Avec Macaigne, Dieu meurt ainsi une seconde fois, non plus de l’orgueil de l’homme, mais de son rabaissement, non plus de l’ubris de Prométhée, mais de l’espérance indéracinable des victimes attendant Dieu, de l’humilité pieuse d’un « idiot » qui « fait ce qu’il peut pour sourire chaque jour ». Une belle leçon de vie et d’acceptation de l’autre, c’est-à-dire aussi de soi-même.

Idiot ! de Vincent Macaigne, librement inspiré de L’Idiot de Fedor Dostoïevski, avec Christian Bouillette, Servane Ducorps, Antoine Herniotte, Thibault Lacroix, Pauline Lorillard, Vincent Macaigne, Emmanuel Matte, Thomas Rathier, Pascal Reneric.

Renseignements : 01 53 65 30 00 (Théâtre National de Chaillot)

Calendrier de tournée. Théâtre National de Chaillot – Paris, 4 au 21 mars 2009 ; Théâtre Nationale de Bretagne – Rennes, 25 au 28 mars 2009 ; CDDB – Lorient, 1er et 2 avril 2009 ; Centre Dramatique national – Orléans, 8 au 10 avril 2009 ; MC2 : maison de la culture – Grenoble, 21 au 30 avril 2009 ; L’Hippodrome, Scène Nationale – Douai, 6 et 7 mai 2009 ; Centre dramatique de Lorraine – Thionville, 13 et 14 mai 2009

Sur la colline de Chaillot…

Un parfum d’après-guerre continue de régner sur le Paris des années 50 : à Saint-Germain-des-Prés, à Montparnasse, acteurs, auteurs, menteurs et metteurs en scène fréquentent les mêmes cafés, les mêmes scènes, échangent leurs réflexions sur l’art théâtral, commentent leurs expériences d’hommes de spectacle. Les Noctambules, le Théâtre de la Huchette, le Théâtre Montparnasse, le Théâtre la Bruyère : autant de salles peu connues qui deviennent les hauts lieux de l’avant-garde dramatique. Avant-garde magistralement encadrée par une cohorte de créateurs scéniques attentifs à servir les textes, en pleine intelligence et complicité avec les auteurs : Roger Blin, Jean-Marie Serreau, Jorge Lavelli, etc.

Mais qui sont-ils, ces auteurs qui renouvelleront ainsi en quelques années l’art dramatique, et qui, au-delà de ce renouvellement, nourrissent l’extrême ambition d’en redéfinir la forme et la fonction ?

Ils ont pour noms : Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Jacques Audiberti, Georges Schéhadé, Jean Genet, Jean Vauthier et, pour nous, surtout Arthur Adamov. Leurs successeurs immédiats sont Fernando Arrabal, Kateb Yacine, Aimé Césaire, René de Obaldia, Roland Dubillard, l’oublié Serge Rezvani.

Tous se distinguent de la génération antérieure, celle des Giraudoux, Anouilh, Salacrou, et des existentialistes, les Sartre et Camus, par leur rupture revendiquée avec la tradition humaniste et littéraire, par leur investissement radical de la modernité sous tous ces aspects, par leur goût de la subversion, par leur esprit contestataire.

Ainsi naquit le T.N.P

Alors que s’élabore le Nouveau Théâtre au cœur ou aux abords du Quartier Latin, une immense salle, le Théâtre National Populaire, le T.N.P., accueille sur la colline de Chaillot des foules d’amateurs qui se laissent fasciner par les grandes mises en scène signées Jean Vilar, et le talent prestigieux de Gérard Philipe, qui, sûrement, incarne à lui seul un héroïsme moderne.

Cet appel aux foules ne s’oppose pas au phénomène du Nouveau Théâtre : il l’appuie et le soutient, il rend un large et jeune public sensible à la force créatrice de la théâtralité. Le théâtre, échappant au magistère et à l’académisme de la Comédie-Française (vous n’y songez pas ? Feydeau au Français !), à la médiocrité d’invention et de jeu du « Boulevard », retrouve sa puissance cérémonielle et magique, sa compétence à libérer les forces de l’imaginaire social.

Avec Chaillot, le choc théâtral des années 50 peut être comparé au choc poétique des années 20, provoqué par les surréalistes. Dans les deux cas, les créateurs retournent aux sources profondes de leur art, dans le souci de lui rendre sa totale efficacité.


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11 MESSAGES
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Forum

  • L’Idiot, le camarade du malheur
    le mardi 6 octobre 2009 à 12:14, sorour macaigne a dit :
    je suis la mère de M.Vincent Macaigne, je suis fière de mon fils ; Vincent est un artiste complet, sensibles vers tout être, il est aussi peintre et il dessine très bien.Il est très créatif, avec son théatre il a su changer les scènes habituelles dans notre théatre français. N’hésitez-pas à me demander sur mon fils. Sorour Macaigne
  • L’Idiot, le camarade du malheur
    le mardi 8 septembre 2009 à 09:42, aime a dit :
    vincent macaigne, encore dévoillez-nous avec votre don d’artiste, metteur en scène, comédien les actes horibles de nos aînés sur nos enfants innocents. Nous attendons votre prochaine pièce de théatre. On vous aime, vous êtes précieux et la fierté pour nous et notre théatre.On vous attend au théatre ;
  • L’Idiot, le camarade du malheur
    le mercredi 27 mai 2009 à 11:38
    Un mot à celui qui a rédigé cette critique (Macaigne lui-même ?) : C’est un peu gonflé de prendre un texte de Jean-Marie Domenach, dans Le Retour du tragique (1967),en changeant simplement "Beckett" par "Macaigne" !!! La honte.
    • L’Idiot, le camarade du malheur
      le jeudi 11 juin 2009 à 11:29, sarah a dit :
      Avant tout bonjour à vous qui lit mon message : oui ! Vincent Macaigne est doué, sensible, amoureux de l’être humain,il a beaucoup de talents, il est un artiste complet : écriture,peinture,dessin,mise en scène,auteur et surtout aime le théatre qui nous permet de découvrir en directe nos actes de tous les jours. La jalousie de nous les êtres dit "humains" n’a pas de limite, allant jusqu’à suprimer la vie de nos plus chers aimés (nos enfants) ? On ne peut plus s’étonner d’autres interprétations mesquines … ? à ceux qui sont capables de toutes sortes de mesquinneries de leurs jalouisies, je vous rappelle que la vie a été une éternelle répétition de nos ainés et nos passés. Merci à jeune Vincent MACAIGNE, créateur de nouvelles scènes théatrales dans notre théatre contemporain français. Bravo ! continuez-à nos étonner de nos actes.Sarah
    • L’Idiot, le camarade du malheur
      le samedi 13 juin 2009 à 00:23, SC a dit :
      oui ! Vincent Macaigne est un grand homme du théatre contemporain français il a osé de changer les scènes traditionnelles . Dommage ! et triste ! à ceux qui restent égoistes et utilisent les mots mesquins ; sans doute qu’ils se reconnaissent dans les actes méchants des pièces de notre grand homme du théatre Vincent Macaigne homme sensible,humain,travailleur,amoureux des êtres et du théatre . je m’adresse à ceux qui interprétent avec des mots mesquins : sachez ! que le monde est une répétition de notre passé. Continuez VINCENT, vous êtes formidable et talentueux, aussi votre équipe est formidable. On vous aime tous.
    • L’Idiot, le camarade du malheur
      le jeudi 25 juin 2009 à 18:43, jean louis a dit :
      adressé au message du 27 mai, que la jalouisie est capable de faire ? honte ! avoir tant de jalouisies et mots aussi misérables. Vincent Macaigne est un grand homme de notre théatre contemporain, un artiste complet, auteur, metteur en scène, créateur des nouvelles scènes théatrales françaises ; merci à lui et son équipe, continuez vous êtes aimé.Bravo ! et merci pour vos pièces . jean louis
  • L’Idiot, le camarade du malheur
    le lundi 30 mars 2009 à 00:41, jeanlouis a dit :
    COMPRENEZ LES COLERES DE L’AMOUR DE NOS JEUNES : Une oeuvre unique des scènes théatrales, vincent macaigne le jeune metteur en scène et tout l’équipe ont fait un immence et impressionant travail de l’amour des scènes du théatre, et ils nous ont fait découvrir les maux que nous essayons de nous cacher derrière. Une société en 2 divisions : les anges avec l’amour considérés "IDIOT !" Et les égoistes ne voulant pas voir les misères qu’ils font aux gentils, qu’il considérent des "IDIOTs". Merci aussi au théatre CHAILLOT de nous avoir donner l’occasion de découvrir ces nouvelles scènes ; et merci à nos jeunes artistes du spectacle "IDIOT !" Vous êtes tous formidables ARTISTES avec vos cris pour nous faire comprendre les misères existantes et que nous vous faisons, mais, que nous voulons fermer les yeux et préferons vous considérer des "IDIOTs !" Nous sommes trop personnels et égoistes pour ouvrir nos yeux de vous voir ou entendre vos cris. Vincent Macaigne est un créateur et un grand homme de notre théatre contemporain.Bravo !vos scènes sont aussi excellents pour le cinéma .
  • L’Idiot, le camarade du malheur
    le dimanche 29 mars 2009 à 23:43, Suzane a dit :
    vincent macaigne veut nous ouvrir les yeux sur notre société de souffrances ; division, 2 modes de vie : ceux qui ont l’amour dans le coeur, comme les anges, mais considéré en "IDIOT !" et ceux qui ont l’égoisme, pour jouer "l’idiot" ne voulant pas voir les soffrances existantes, juste devant nous et près de nous. La colère d’aimer vincent macaigne éclaire les terreurs de notre société, s’il vous plait ! comprenez les misères que vous avez fait et vous faite à vos jeunes qui ont l’amour l’espérence dans le coeur ; "nos jeunes sont les représentants de l’avenir de nos sociétés" pensez-y ! l’oeuvre de vincent macaigne est UNE INNOVATION dans notre théatre français,(s’il n’y a pas de jalousie !pour comprendre cette présentation nouvelle.) merci à ces jeunes amoureux de leur art du théatre. vincent macaigne est un artiste complet ; bravo ! à tout l’équipe de "idiot !"et merci au théatre CHAILLOT de nous avoir donner l’occasion de découvrir cette nouvelle scène théatrale française.
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