Caroline Fourest écrit comme une patate, heureusement elle pense bien. Le problème de cette « essayiste-journaliste », c’est le sérieux des choses. Et le sérieux c’est elle. Elle ou ses amis. Pour le contrôle du vrai, cette jeune femme de 33 ans est bien partie, elle prospère au cœur du réseau idéal de la bonne croyance : Le Monde, France Culture, Charlie-Hebdo. Impossible de faire mieux et je propose, pour conforter sa parole et améliorer son retentissement, que soit créé par décret présidentiel un organisme de diffusion de sa pensée et de celle de ses amis, c’est-à-dire la même chose, genre « L’œuvre pour la Propagation de la Foi », qui faisait jadis la fierté du Vatican. Peut-être que pour mener à bien cette primordiale mission on pourrait utiliser le nouvel ORTF ?
Pourquoi Fourest et ses penseurs convenables nous agacent encore ? Et bien c’est que dans Le Monde daté du 5 décembre (ma servante esquimau achète ce merveilleux quotidien pour la qualité de ses mots croisés et comme je l’ai déjà dit, elle expie en portant la burqa), Caroline reprend la charge contre nous pauvre caravelle égarée, Santa Maria du journalisme sur Internet. La jeune Fourest, journaliste (même si sa biographie démontre qu’elle n’a jamais traversé le périphérique pour connaître la réalité du monde), la jeune Fourest donc, écrit :
« Moins la Toile est adossée à quelques grands médias indépendants et crédibles capables de maintenir cet espace critique commun, plus les internautes s’habituent à s’informer sur le mode de la rumeur et du complot ».
Ca y est, c’est la rechute. Elle tape sur le même clou que celui enfoncé par Val (qui vient de se voir remettre un prix à la fois par Delanoë et une organisation religieuse, c’est-à-dire la même chose), enfoncé par Olivennes, ce parachutiste doré nommé patron du magazine de Perdriel et dont on attend qu’il nous fasse le Nouveau Nouvel Obs, clou rivé aussi et bien sûr par les merveilleux BHL et Elkabach. Et pardon pour ceux que j’ai oubliés.
Caroline chérie veut donc que le journalisme sur Internet soit réservé à ceux qui s’expriment sur un site « adossé à quelques grands médias indépendants et crédibles ». Elle a raison. Le problème est qu’elle écrit ça dans Le Monde qui, à un doigt de fiction près, est la propriété de Lagardère. « Dis-moi Caro, où as-tu vu, en France de grands médias indépendants ? Veux-tu parler du Libération de Rothschild ou du Figaro de Dassault ? Parles plus fort, je n’ai pas bien compris. » C’est justement parce que les grands médias indépendants n’existent plus que des journalistes – ayant, eux, déjà franchi le périphérique- ont créé des journaux sur Internet, je pense que, même à l’EHESS, avec Sylviane pour guide, on doit pouvoir comprendre ça !
Quant à l’existence ou l’émergence de ces groupes, ne rêvons pas. Jonathan Randal, mon camarade de combat au Liban et autres guerres inutiles (pléonasme) et vedette du Washington Post, vient de me faire un état de la presse américaine qui n’est pas peuplée de « grands médias indépendants ». Caro, c’est parce qu’ils se sont accrochés à la bien pensance qui est la tienne que les « grands médias indépendants » sont morts. Ceux où existeraient le débat plutôt que l’excommunication, la compréhension plutôt que la haine et la dénonciation.
Par parenthèse je me demande comment on peut encore écouter France-Culture qui est devenu l’aquarium de types et typesses comme Fourest ? France-Culture, impossible à écrire au pluriel, que personne n’écoute et qui coûte cher, était-elle une radio « opéable » ? Autrement dit, je paie ma redevance pour me faire maltraiter et il ne vient à l’idée de personne de lever le doigt pour dire : « Et si on laissait entendre une autre musique… ». « Quoi, celle des fascistes, des rouges-bruns, des islamos-gauchistes ! Plutôt se crever le tympan ». Et c’est ainsi que meurent les idées et les « grands médias indépendants », du poison qu’ils distillent.
Mon petit père,
Mes yeux sont ouverts. Si tu as encore un clic de libre, tu trouveras dans les archives un papier signé de ma main impure sur le double langage du bon Tarik. Pas besoin de Fourest, amie de Val qui vient de recevoir un prix d’une organisation religieuse, pour m’ouvrir la pensée.
JM Bourget