Une bonne petite leçon d’éthique par GDF Suez dans le théâtre de verdure de l’Amazonie.
L’art de conter des histoires n’est pas le plus nouveau qui soit. En langage moderne – et donc d’entreprise –, on appelle cela « storytelling ». On peut aussi considérer que c’est une manière de raconter des salades. Des cabinets spécialisés planchent par exemple sur le passé de telle transnationale et découvrent – ô miracle – qu’un gentil lutin a posé les premières pierres de l’édifice. Que des fées ont accompagné l’irrésistible développement de la grandiose affaire. À l’arrivée, le client dispose d’une petite mythologie maison qui permet de croire ensemble au bel avenir.
GDF Suez est un groupe qui pèse son poids, avec 83,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2008. Il va de soi que son éthique et sa « compliance » sont au-delà de tout reproche. Traduction accélérée, selon le groupe lui-même : « L’éthique a pour définition l’application concrète de ce qui est moralement acceptable, conforme aux valeurs, dans une situation donnée. La compliance regroupe l’ensemble des dispositifs à mettre en œuvre pour parvenir à l’objectif de conformité. » On en mangerait, non ? Eh bien, non, merci bien.
Ce même groupe mène en réalité, loin des yeux français, une politique dont la « compliance », restons poli, ne saute pas aux yeux.
Parmi d’autres exemples, celui du barrage de Jirau, dans l’Amazonie brésilienne. L’ethnologue Jean-Patrick Razon, l’écrivain Jean-Marie Gustave Le Clézio rapportent des faits d’une extrême gravité. Le barrage de Jirau, dans le bassin de la rivière Madeira, fait partie d’un ensemble de quatre retenues qui menacent non seulement la diversité biologique exceptionnelle d’une zone à l’écart du fracas, mais aussi des peuples et une culture qu’on ne rencontre plus beaucoup sur Terre. Certaines des tribus indiennes de la région goûtent déjà les nombreuses joies de notre civilisation, comme le dirigeant indien Oceolio Munoz, qui a déclaré, apparemment peu sensible au storytelling : « GDF Suez ne tient pas compte de nos communautés et ne respecte pas la rivière. Nos vies sont détruites par un modèle de développement qui traite le fleuve et la terre comme des marchandises. »
Il reste, pour Suez, d’excellents garçons, prêts à défendre l’éthique. L’association de Yann Arthus-Bertrand, Good Planet, s’honore de compter parmi les membres bienfaiteurs de la fondation Suez Environnement. On applaudit.