Deuxième tranche de notre enquête sur les boulangers : alors qu’il existe une loi – plus ou moins respectée – interdisant la pratique du surgelé pour les pains de nos belles boulangeries, rien n’empêche les boulangers-pâtissiers de vendre des croissants congelés achetés aux industriels, réchauffés en boutique sous les yeux des clients. Et ils s’en donnent à coeur joie, ces anciens pétrisseurs du matin.
Dupont et Dupond se promènent un matin. Dupond a faim.
_ Mmm, qu’il sent bon ce croissant que le gamin est en train de s’empiffrer, je le mangerais bien, pas toi ?
_ Ben oui, sauf s’il est surgelé. Tu sais qu’il y a 30 à 40 % de chances pour que ce soit le cas ?
Pour le pain, il y a bien une loi (du 25 mai 1998) sur la protection des boulangers, qui précise que les pains des boulangers « ne peuvent à aucun stade de la production ou de la vente être surgelés ou congelés ».
Si certains boulangers, marginaux, prennent des libertés avec cette disposition, une autre pratique se développe à grande vitesse sans que le client s’en aperçoive : la vente de viennoiseries surgelées achetées aux industriels. Et cuites dans les boulangeries, sous les yeux écarquillés et les narines dilatées des gourmands.
Les croissants surgelés fleurissent dans les boulangeries françaises
Aujourd’hui, selon une étude du GIRA Foodservice (centre d’études des marchés de la Restauration), 30 à 40 % des croissants seraient des produits surgelés. Et les prévisions ne sont pas bien optimistes : la même étude précise que le nombre de croissants surgelés risque de représenter la moitié des demies-lunes feuilletées des boulangeries françaises.
Très oecuménique, la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (représentant officiel des fédérations de boulangers-pâtissiers) ne s’oppose pas à la pratique du surgelé, à condition que les clients en soient informés. Or, aujourd’hui, il n’y a pas d’obligation d’étiqueter « croissant surgelé, produit industriel » comme cela devrait pourtant être le cas, en démocratie…
Les mauvais boulangers peuvent roupiller tard le matin, la qualité du "pain" sera malgré tout au rendez-vous, il paraît…
Pour le boulanger, l’intérêt de faire du congelé est indéniable. D’une part, parce que grâce à la congélation, les gourmandises peuvent être cuites dans la journée, au fur et à mesure. Le pauvre pétrisseur n’est donc plus forcé de se lever à l’aube.
D’autre part, avec les produits industriels, plus besoin de personnel qualifié et coûteux – nécessaire pour la fabrication de la viennoiserie. Faudrait toutefois pas trop rechigner sur la qualité du produit, parce que la viennoiserie rapporte : elle représente 25 % du chiffre d’affaires des pâtissiers.
Ce surplus de flexibilité dans le labeur pâtissier met pas mal de monde d’accord. Pour les industriels comme les journaux professionnels, le surgelé, c’est aussi une meilleure qualité du produit. En voilà une bonne nouvelle pour les mauvais boulangers : ils peuvent désormais se faire passer pour des génies de la pâtisserie.
Les meuniers, eux, ne dorment pas
D’autres piliers de la chaîne de fabrication du pain se frottent les mains. Les grands meuniers par exemple. Tout grand meunier digne de ce nom possède, au moins en partie, une filiale surgelée. Soufflet, maison mère de Baguépi, est ainsi actionnaire de BCF ; les Grands Moulins de Paris contrôle Coup de Pain – qui propose une gamme très étendue de produits (dont des pains).
Quelques pôles résistent encore et toujours…
Les partenaires traditionnels des boulangers, tels que Banette, distribuent aux boulangers des farines qui permettent de réaliser facilement et plus rapidement (et de façon traditionnelle s’il vous plaît) des pains aux chocolats, pains aux raisins, des chaussons aux pommes, et autres feuilletés.
Mais surtout, un certain nombre d’artisans indépendants souhaitent que la loi de 1998 s’applique aussi à la viennoiserie. Dans ce cas-là, les amis boulangers, bons ou mauvais, ne pourraient plus vendre de croissants surgelés. Monsieur Raffarin, qui a l’air de s’ennuyer ces temps-ci, devrait y songer. Au prochain remaniement ministériel, demandez un maroquin des PME et de l’artisanat. Ministre des baguettes et des croissants, voilà qui serait des plus chics.
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Yop,
Ce qui m’étonne étonnamment (ah bah je me la permets celle-là), c’est que le métier de boulanger est "normalement" assez lucratif (en tout cas s’il est doué). Je ne vois donc pas l’intérêt pour un boulanger de se lancer dans la vente de surgelés, si ce n’est la fainéantise ou l’appât du gain à court terme.
Moi-même j’ai arrêté d’acheter des pizzas (à 12 euros pièce !) le jour où j’ai découvert que j’en faisais des meilleures avec mon four, et pour moins cher que les surgelées (un peu de farine, de sel, d’eau, une tranche de jambon, une tomate… Y a un truc cher dans cette liste ?! Moins de 2 euros au total, en vérité je vous le dis :-). Jusqu’à ce que je découvre un vrai pizzaiolo (rare) qui a justifié le prix de son travail d’artisan.
Donc : Tout est relatif. On trouve rarement meilleur, par contre, on trouve TOUJOURS pire. A chacun de placer la barre très haut ou très bas.
Perso je me suis baladé dans pas mal de régions, et chaque fois c’est la surprise : On passe du bon pain (stricto sensu) au pain dégueux (stricto mon cul). Mais le plus dramatique c’est que dans des petits villages où l’on s’attend à de la qualité, on se retrouve avec des pains visiblement décongelés, vendus comme ceux d’un artisan.
Des pains qu’un lyonnais comme moi jeterai à la geule de la vendeuse (Malheureusement payée au SMiC). Façon : "vous plaisantez ? Surgelé ça !".
Certains ’"BOULangers" qu’on devrait appeler plutôt "BOUL-imique" (de pognon) arrivent à s’imposer car les gens (qui n’ont pas le choix là où ils vivent) oublient à force le bon goût du pain.
Le palais humain à ça d’extraordinaire qu’il a une mémoire limitée dans le temps. Le mauvais peut devenir bon à force d’imposition (Y en a bien qui, faute de mieux, mangent des insectes).
En résumé : Il y a des gens qui sont persuadés que la purée "mousseline" ou "vico" (déshydratée) "dite à l’ancienne" est bonne (alors que ça n’a rien à voir avec une bonne purée faite à la main, épluchage de patates et tout le tintouin)(c’est long, mais plus c’est long, plus c’est bon ;-)…
… le palais des consommateurs commence à s’habituer à ces produits congelés pour la simple et bonne raison qu’ils ne trouvent pas de point de comparaison "standard" à acheter, plus de boucherie, poissonnerie, boulangerie ?… ça se terminera par : "le surgelé, c’est bon, et puis, de toute façon, y a rien d’autre".
Triste.
La question n’est pas de savoir si c’est bon ou pas. Evidemment qu’il y a des croissants surgelés tres bons.
ARTISAN ca veut dire qu’on fabrique avec ses mains les produits que l’on vend. Ca ne veut pas dire qu’on ouvre des cartons pour sortir de la marchandise faite en usine. sinon on ne se dit pas ARTISAN. Ca s’appelle tromper la clientèle sur le produit vendu. En plus ces boulangers vous vendent ces viennoiseries au meme prix que ceux qui les fabriquent eux meme. c’est de l’arnaque pure et simple. autant aller au supermarché où les viennoiseries surgelées sont vendues 3 euros les 10 !!!
Les artisans qui vendent du surgelé trompent leurs clients. La question est tres méconnue. dites autour de vous qu’un boulanger sur deux a paris vend des croissants surgelé et vous verrez les réactions. Ca se retournera un jour contre ces "artisans" imposteurs.
D’où le mérite de cet article de parler du sujet.