« GQ », vous connaissez ? Le titre est imprononçable, certes. Mais il s’agit de la future arme fatale (sortie le 20 février) du groupe de presse Condé Nast pour séduire les lecteurs mâles, à coups de papier quadri et de chroniques variées, tel Beigbeder qui interviewe Bayrou sur le thème : « le Béarnais n’est pas bling-bling ». Les magazines concurrents préparent la résistance, comme « Optimum », qui questionne David Martinon !
La presse écrite, même titillée par l’incontournable Bakchich et les autres sites d’info, vit toujours, ses tonnes de papier inondant chaque jour les kiosques à journaux. Et si l’Allemand Bild a préféré, l’été dernier, renoncer à la création en France d’un quotidien populaire de grande ampleur, le groupe américain Condé Nast vient bouleverser le secteur plan-plan de la presse magazine pour hommes.
L’éditeur de Vogue, Vanity Fair, The New Yorker, Glamour et autres Wired – quelques fanzines sans prétention alignant des centaines et des centaines de milliers de copies vendues – lance le 20 février son nouveau bébé : GQ (prononcer Dgiquiouuu bien sûr). Déjà présent dans 13 pays, le « magazine qui parle aux hommes sur un autre ton » est vendu à 1 million d’exemplaires aux Etats-Unis. En France, où nos compatriotes se jettent avec voracité sur tout ce qui ressemble à du papier en quadrichromie, que ce soit pour lire jardinage, déco, informatique ou sexe, GQ tirera à 410 000 numéros par mois. De l’artillerie lourde.
Avec son budget d’investissement global de 10 millions d’euros, ce rouleau compresseur haut de gamme, soutenu par une énorme campagne de pub, se prépare à écraser le marché. Nourri de toutes les pubs de luxe possibles et imaginables, de Dior à Lacoste en passant par Cartier, mais aussi plus, disons, moyenne gamme, avec les chaussures André, le magazine squatté par des anciens de Libé (Anne Boulay, rédac chef, et Emmanuel Poncet, son adjoint, Philippe Azoury), se veut décalé mais pas trop, léger mais pas trop, politique mais pas trop, mode pas mal et branché beaucoup.
Le chroniqueur mondain désormais connu de la police Frédéric Beigbeder sera chargé de la longue interview pour le mensuel. Bayrou déclare ainsi dans le numéro 1 de GQ que « le Béarnais n’est pas bling-bling ». On savait, merci. Mais – c’est une info - le centriste du Modem surprend néanmoins. Questionné sur l’écriture littéraire, qui selon Beigbeder se doit d’être simple au possible, il a cette réplique : « Comme disent les Anglais : « Life is a bitch, and then you die ». Pas donné à tout le monde.
Dans le camp d’en face, un adversaire va tenter de résister : L’Optimum, des éditions Jalou, propriétaire de L’Officiel, éternel concurrent de Vogue, qui occupe le secteur depuis 13 ans. Il y a bien aussi FHM, l’adaptation du magazine britannique (édité par Mondadori France). Mais avec ses pépées à moitié à poil, ses cours de gym illustrés, ses couvertures « pratiques » (« Testez le QI de votre copine… »), ce journal ne boxe pas dans la même catégorie. De même pour H for Men et ses 18 leçons pour avoir des biceps en acier… Quant à Men’s Health et les autres, après une éclosion en fanfare, ils ont carrément disparu du marché.
Alors pour contrer la machine à écraser qui se met en marche, L’Optimum a rajeuni l’équipe, écrasé temporairement son prix de vente de 3,95 euros à 1 euro, créé une section Culture dans le journal, affiné le format, quadruplé le nombre de points de vente où le magazine est présent, tiré à 300 000 exemplaires. Un peu d’urbanité (un focus sur la ville de Liverpool), du people-culturel, avec une Cover sur le chanteur Raphaël, un zeste de politique avec un reportage « exclusif et inédit » intitulé « 24 heures avec Bertrand Delanoë », ainsi qu’une interview de David Martinon.
De l’actu aussi, si tant est qu’il soit possible d’en faire dans un mensuel, avec un retour sur le métier à risque de trader, et sur « les 10 plus gros coups de l’histoire » avant Kerviel. Et bien sûr de la mode, de la mode et de la mode. La nouvelle formule en vente le même jour que GQ sera elle aussi soutenue par une intense campagne de pub radio télé, avec un budget de 2 millions. Un nouveau slogan , « L’Optimum, le masculin civilisé », remplace l’ancien : « Tout pour les hommes ». Dire que des gens sont payés pour trouver ça…
Rien de tel qu’une saine émulation. Finalement, quand elle évite de faire de l’info « chaude » et dérangeante, la presse a de sacrés biceps.