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Fleur de comptoir

portrait / lundi 13 août 2007 par Anthony Lesme
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Série portrait : acte II. Après avoir croqué un voiturier, place à Denise, la barmaid la plus âgée de Paris, qui après plus de 50 ans de métier fait toujours le bonheur de ses habitués.

Enseigne Jupiter collée à son flanc, le juke box en panne et des vieux tableaux sur les murs, le bar le Petit Ornano ne joue pas la révolution. Situé dans le 18ème arrondissement de Paris, tout près de la Porte de Clignancourt, ce petit troquet de rien du tout est dans les mains d’une petite merveille. Lunettes roses, deux boucles d’oreille en forme de cœur, des barrettes vertes et rouges dans les cheveux, Denise, 75 ans, est là, coquette et souriante. Sa petite voix caresse le réveil, ses yeux pastels adoucissent aussi les mauvaises tremblotes du matin.

« Une noisette s’il vous plaît ? » Denise, de ses deux mains, serre le tasseur dans la vieille machine. Le geste quotidien est devenu un peu difficile mais pas question de s’arrêter. « J’aime bien travailler » se justifie-t-elle, et puis « sinon, je me sentirais vieille, un pied déjà dans la tombe ». Serveuse par nécessité, le métier, à force, lui colle à la peau. 37 ans qu’elle tient ce bar, tant d’histoires, tant de gens, difficile de décrocher. Le plan télé, toute seule à la maison ne la fait pas rêver, elle « préfère les gens en vrai. Quand le les vois pas, je m‘ennuie », ajoute-t-elle. Alors Denise travaille cinq jours sur sept, de 9h du matin jusqu’à minuit, parfois plus tard. Le week-end, elle part se reposer dans sa maison de Fontainebleau. Enfin se reposer… Denise adore les fleurs et le jardinage, aussi tous les week-ends, elle les passe à entretenir ses merveilles. Elle a même obtenu deux prix pour la beauté de son jardin. Elle en rigole.

Denise, toujours fraîche - JPG - 42.8 ko
Denise, toujours fraîche
© GB

Un autre petit bout de femme pointe alors sa frimousse sur le perron de l’établissement, « Comment ça va Denise ? Tu veux que je te ramène quelque chose du marché ? » « – Oui, s’il te plaît, des patates douces et des tomates si tu peux » « – Ok, à tout à l’heure ». Au Petit Ornano, chaque habitué y va de son coup de pouce. Tous les matins, à 9h, un client vient lever le rideau du bar ; en échange, il boit un café ou deux, les livreurs aménagent les bouteilles dans la cave et les clients lui font des courses ou des cadeaux. Denise n’est plus seule. Plus jamais. Elle l’a été. Quand on évoque son enfance, elle change d’un coup d’expression. Les années remontent comme un vague à l’âme. Orpheline, elle grandit en Bretagne jusqu’à 21 ans. De ses années de souffrance, qu’en reste-t-il ? Un silence puis elle trouve « l’amour des gens. Rien ne me fait plus plaisir que la gentillesse. »

Et pourtant, arrivée à Paris en 1953, rien ne lui est offert, elle travaille sans arrêt. Serveuse, elle dort trois, quatre heures par nuit. « Tout ce que j’ai, c’est moi qui me le suis donné, je ne dois rien à personne ». Son bar est une fierté, elle se l’est payée toute seule et le fait tourner jusqu’à aujourd’hui. De ce métier, il en resterait peut-être une phrase « tout entendre et rien dire ». Parfois, bien sûr, ça dérape. Un soir, elle a même été frappée puis ligotée. Le lendemain, elle ouvrait. « Faut pas avoir peur, dit-elle, ce qui doit arriver arrive. » Certains soirs, l’alcool aidant, un client peut mal lui parler, « le lendemain, il s’excuse et m’offre des fleurs, ils me connaissent… »

Pas question de faire du mal à Denise, ici, à Porte de Clignancourt, beaucoup l’appelle « maman ». « Même les noirs, remarque Denise en riant, j’aurais jamais pensé avoir autant d’enfants noirs dans ma vie ».

Un client se lève, plante son chapeau sur sa tête et demande à Denise une bise. Elle offre sa joue et ajoute : « Une bise, ça peut pas faire de mal. »

Le Petit Ornano : 67, 69 bd Ornano, métro porte de clignancourt


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3 MESSAGES

Forum

  • Fleur de comptoir
    le mardi 30 juin 2009 à 19:03
    la prochaine fois que je monte a paris avec seb on rèpare le juke boks ….cètait que du bonheur dans son bar a denise…steph la rochelle.donnez nous vite des news…
  • Fleur de comptoir
    le mardi 21 août 2007 à 18:15

    Parfois, retournant éreintés et vaguement hagards d’une séance d’escalade dans un stade proche, nous nous arrêtons dans ce minscule troquet qu’on ne remarque presque pas. Là, dans une douce quiétude seulement dérangée par le grésillement de la radio et parfois par une mouche tenace, on boit goulument la blonde mousse servie par Denise. Alors, fourbu mais heureux, on se prend à la regarder tenir son bar, malgré les handicaps de son grand âge, avec une sorte de fatalisme qui confine à la sagesse.

    Chez Denise, on est bien.

    • Fleur de comptoir
      le vendredi 26 juin 2009 à 18:29, Iench a dit :
      Est ce que quelqu’un peut me donner des nouvelles de cette chère Denise ? Je n’habite pas Paris et je ne l’ai pas vu depuis 2 ans environ .J’ai toujours 2 photo d’elle et de son bar qui me suivent …JE SUIS FAN Sébastien le-iench@hotmail.fr
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