Les métastases et Leïla, sa femme, rongent doucement l’ami Ben Ali.
À peine les dernières pâtisseries de la fête de l’Aïd avalées, le président Ben Ali, « Bac moins trois », réserve à ses sujets une grande surprise : la nomination d’un nouveau Premier ministre. Ce replâtrage gouvernemental ne changera rien à la situation : le pays s’enfonce dans la crise, les classes moyennes s’endettent, l’essence augmente, la valeur du dinar chute ( 1,7 dinars contre un euro alors que le taux était à un pour un il y a encore deux ans). Seul l’emploi dans la police se porte bien : sept cent flics sont utilisés à la caserne Salambo près de Tunis pour surveiller et interdire Internet (dont naturellement le site de Bakchich). Autrement dit, ce « modèle tunisien » vanté par Jacques Chirac est un des derniers pays du monde à entraver la libre circulation via le net.
Le candidat pour le « Premier Ministère » le plus crédible est l’actuel ministre du Commerce et de l’Artisanat, Mondher Znaidi. L’été, on le surprend le dimanche en train de gueuletonner, l’air réjoui, à l’hôtel « The Residence » à Gammarth. Là où le président de la Cour des Comptes française et grand ami du régime, Philippe Seguin, se voit offrir quelques séances de thalassothérapie par ses amis tunisiens. Le monde est petit. Dans une autre vie, Znaidi était le directeur de cabinet du ministre des Finances Mzali, qui ne passe pas pour un grand ami de Ben Ali. Mais le futur Premier ministre a l’échine souple. Tellement que lors d’un récent conseil des ministres, il a montré tout son art du louvoiement. Les industriels sont découragés actuellement par la contrefaçon qui arrive de Chine, avec la bénédiction du clan Trabelsi, celui de la présidente, Leïla Ben Ali. « Alors, monsieur le ministre du Commerce, j’entends dire que des containers de contrebande arrivent de Chine », l’interroge un Ben Ali apparemment pas au courant des frasques de la famille de sa chère Leïla. « C’est à dire, monsieur le président, lui répond Znaidi, je ne suis pas au courant, les douanes dépendent du ministère des Finances ». Au pays d’UBU-Ben Ali, mieux vaut savoir botter en touche.
La bande des Trabelsi est fort inquiète de l’avenir. Le cancer de la prostate du Président s’aggrave. Des métastases ont attaqué le système osseux Et Ben Ali ne se fait plus soigner en Allemagne mais à Malte, à l’hôpital flottant que possède là bas la VI ème flotte américaine. Or notre admirable « Bac moins trois » ne verrait pas d’un bon œil la famille de Leïla prendre toutes les commandes. Ceux là sont tellement fous qu’ils pourraient bien s’en prendre à lui. Il a donc projeté de nommer un vice-président en la personne de Kamel Morjan, actuel ministre de la Défense et ancien ambassadeur de la Tunisie auprès des Nations Unies. Du coup, Leïla et les siens ont fait courir le bruit que Morjan avait l’intention de prendre le pouvoir. Ben Ali a diligenté une enquête qui innocentait son ministre. Saine ambiance ! Reste que Leïla joue son Hillary et cherche à occuper le terrain. Lors de la journée de la femme, sa photo traînait dans toute la presse libre, forcément libre, de Tunisie. On l’a découverte à la une du magazine Arabies, avec Ben Ali en médaillon, affublé d’une cravate beige et noire, les couleurs de la marque Burberry. Avant le chef de l’Etat portait des cravates et des pochettes assorties du plus mauvais goût. Leïla veille au grain, elle pense que cette marque est du dernier chic. Le petit Zine, héritier du trône, ne porte plus que ces couleurs. On sent que la Tunisie est gouvernée. Leïla se prend pour Marie de Médicis, mais on ne voit toujours pas dans son entourage de semi délinquants et de petites frappes qui pourra jouer le rôle du Duc de Richelieu. Devra-t-on, un jour, proclamer : « Par pitié, rendez-nous Ben Ali » ?