Dans la Principauté, il ne fait pas bon critiquer ouvertement les autorités. Un écrivain et une journaliste ont été priés de se calmer. Et ce n’est pas l’arrivée d’un nouveau procureur qui va changer les choses
En parlant de cirque et de liberté, on en revient forcément à Monaco, où l’heure est au bâillonnage collectif de la presse. Après le licenciement expéditif, en 2006, du rédacteur en chef d’un hebdomadaire local, au ton jugé trop impertinent, après le scandale Giacone (du nom de l’organiste qui, cet été, a failli se retrouver sous les verrous pour avoir mis un nez rouge à Albert et avoir caricaturé les barons du pays), la censure continue.
C’est aujourd’hui au tour des sites Internet d’être caviardés. Fin décembre, sur monaco.mc, le portail de Monaco Telecom, qui appartient à 45 % à l’État monégasque, une interview d’un écrivain du cru, Bernard Vatrican, a tenu… 20 minutes en ligne. Et comme par hasard, suite à un coup de fil du président du Parlement monégasque, le site a calmé ses ardeurs sur les sujets politiques. Ce qui a déclenché la foudre de ses opposants qui ont créé sur des blogs des posts dédiés à la journaliste qui a publié l’interview, mise au placard depuis.
Pourquoi tant de bruit ? Crime de lèse-majesté, l’écrivaillon a eu l’audace d’affirmer qu’Albert manquait cruellement d’envergure et surtout, que la réélection du président du parlement, Stéphane Valeri, « affilié à des intérêts économiques puissants » (et par ailleurs sous le coup d’une triple inculpation), « serait une catastrophe pour le pays ».
Bref, pas de quoi fouetter un chat. Mais les propos sont mal passés en pleine campagne électorale, les élections ayant lieu le 3 février. Soit à peu près en même temps que l’arrivée du nouveau procureur général, Gabriel Bestard. Une nomination sulfureuse qui ne devrait pas contribuer à résoudre le schmilblick : ancien Procureur général de Paris, Bestard a la réputation d’enfouir parfois les dossiers gênants.
Pour la petite histoire, nommé par Toubon à Paris en 1995, c’était lui qui avait classé l’affaire de la maison louée modérément par les époux Chirac à un organisme contrôlé par une structure de l’Hôtel de Ville. Et qui avait sous le coude un dossier concernant le fiston Tiberi…
Auteur de l’ouvrage incriminé, je voudrais d’abord remercier Emma Riobros de son papier car c’est en dénonçant les tares de ce pays qui est le mien que l’on pourra le faire évoluer.
Je voudrais surtout répondre au premier commentateur qui accumule les contre-vérités : 1. voici les "propos autrement calomnieux" qui auraient pu m’attirer des ennuis (merci MM. les censeurs) : " Notre Souverain peut être un grand souverain s’il a derrière lui un grand peuple. mais s’il a les Monégasques qu’il a aujourd’hui, Monaco est foutu. Parce qu’il ne fera pas ce qu’a fait Rainier III. Ce n’est pas lui qui va sauver Monaco tout seul. Manifestement, Albert II n’a pas cette envergure là, et je ne pense pas que cela soit un mal. Car ça nous oblige à cesser d’être un peuple assisté et à prendre en main notre destinée." Voilà ! Ca vaut bien un nez rouge ? Je persiste et signe. Une phrase du bouquin : "En étant "moins grand" Albert II leur rend (aux Monégasques) un grand servie : il les oblige à grandir."
2. Quand au livre "sans grand intérêt par ailleurs" (je cite toujours), voici quelques commentaires reçus de la part d’anciens "ministres", ambassadeurs, chefs de cabinet du Souverain (qui m’a adressé un mot manuscrit de remerciements) : "Votre ouvrage fera date, il restera une référence, un point d’appui pour toutes les personnes soucieuses de vraiment connaître Monaco sous l’aspect politique que vous avez choisi de traiter." - "Je suis emballé à la fois par le style et par la justesse de l’analyse…. Il s’agit à mon sens d’un ouvrage majeur." - "Un livre époustouflant d’intelligence politique, historique, institutionnelle. On vous lira encore dans 50 ans." - "Bravo d’avoir eu le courage de faire cet ouvrage que les Monégasques (et les résidents) se doivent de lire… Ce livre est passionnant." -"Je suis très admiratif de la profondeur et de la pertinence de votre analyse de la situation constitutionnelle de Monaco… J’apprécie également la cohérence de l’ouvrage… Je pense que vous avez semé pour le long terme… Je vous félicite aussi pour la présentation, la structure et la rédaction toujours attrayante."
A Monaco, essayer de servir son pays c’est toujours suspect aux yeux de ceux qui ne pensent qu’à en profitter et qui tirent sur tout ce qui bouge…
Qui me pose cette question ?
Non, mon deuxième ouvrage "Monaco, une monocratie démocratique" porte, comme son nom l’indique, surtout sur les institutions ; le premier "La mémoire vivante ou Le mal monégasque et comment en guerir" est plus historique et sociologique, plus pamphlétaire aussi.
bernard vatrican
Bonjour,
L’auteur d’"Autonomie et Hétéronomie", Bernard Vatrican, conserve toute mon estime et mon amitié. Ces épisodes monégasques m’ont permis de retrouver la trace de ses interactions, mais je ne dispose plus de son e-mail ou N° de téléphone depuis son départ de l’Ile de france. Pourriez-vous SVP réparer cette lacune ?
Par avance je vous en remercie Patrick Curran 06 98 65 93 25
Votre billet a de quoi surprendre car il se fonde sur des données inexactes concernant la soi-disant censure d’une interview de Bernard Vatrican sur Monaco Info. La vérité est que ce monsieur devrait remercier la rédaction de Monaco Info d’avoir effacé cette interview qui aurait pu lui causer de graves ennuis car il y tenait des propos autrement plus calomnieux que dans son livre.
Son livre est d’ailleurs en vente libre dans différentes librairies de la Principauté et a bénéficié récemment de deux critiques, l’une parue dans l’hebdomadaire Monaco Hebdo, l’autre dans le quotidien Nice-Matin, édition "Monaco-Matin". Preuve, justement, qu’il n’y a aucune censure à l’encontre de l’auteur ou de son ouvrage (au demeurant, sans grand intérêt d’ailleurs).
Autre inexactitude dans votre texte : tant qu’à parler du "scandale Giacone" alors qu’il s’agissait plus précisément de l’affaire "monaco politic circus" (c’est sous ce nom qu’on la connaît) pourquoi omettez-vous de rappeler qu’elle s’est soldée par une relaxe pour l’auteur ?
Alors, arrêtez, s’il vous plaît, d’accuser la Principauté de Monaco de pratiquer la "censure" et vérifiez vos sources avant de faire des dissertations trompeuses.