Une jeune collaboratrice de « Bakchich » raconte à sa façon son voyage vers « l’endroit le plus sensible au monde ».
Tout à l’heure à 14 h, nous avons rendez-vous à Ramallah avec un jeune Palestinien francophone. Il est 13 h. De Jérusalem, on prend un taxi israélien. On sera sûrement un peu en avance. Entre les montagnes, la route sinueuse devrait être belle, mais sur le bas côté, les fossés débordent d’immondices. Cadavres de bouteilles, boîtes alimentaires et autres détritus couvrent la vue de façon passagère. Ici et là, des habitations, parfois face à face une colonie juive et un bantoustan palestinien. En arrivant à Ramallah, la voie est en travaux. Je me demande d’où vient l’argent. Plus tard, on me répond que « c’est grâce aux aides internationales ; et sans elles, on n’a plus rien ». Avec notre taxi israélien, nous avons passé les trois checkpoints sans difficulté. 13h40. Après une courte négociation avec le chauffeur (qui voulait nous faire payer 380 shekels – soit environ 70 euros – prétextant que pendant Shabbat c’est plus cher), nous descendons de voiture.
Quel contraste avec la Jérusalem d’hier soir ! La ville semble pleine à craquer, les piétons défilent, les boutiquiers s’agitent, les hommes se retrouvent en groupe là, comme ça, au hasard de la rencontre, ou un peu plus loin dans un café, ou bien là-bas, sur les sièges extérieurs du bistrot. Les hommes fument dans les rues. Et les femmes ? Attends d’en voir une avant d’allumer ta clope.
On entame un tour dans la ville, et pour attendre le Palestinien du rendez-vous (A.), on s’installe à une terrasse. Deux thés à la menthe s’il vous plaît m’sieur. Ben tiens, y’a qu’des monsieurs ici, je dois faire un peu tache d’huile, j’me dis. Est-ce que les gens me regardent bizarre ? Non. L’air d’abord un peu surpris de voir une femme en terrasse, les regards sont bienveillants. J’allume ma clope. Un gars s’approche, il essaye de nous vendre ses cartons d’herbes et d’épices, il comprend pas que ça va là on n’en a pas besoin, enfin il décolle, va voir nos voisins, mais il revient le bougre, alors le gars qui vend ses brochettes en face il lui dit que ça suffit, et le patron du bistrot finit par le virer parce qu’il embête le monde, et « qu’il est fou ».
Ça va ? T’es bizarre. C’est juste que j’ai envie d’aller aux toilettes depuis tout à l’heure. Et j’ose pas trop, y a que des mecs normalement. Hé bien vas-y, il est sympa le patron, il va te montrer. J’y vais, (pas trop l’choix), et je bredouille « Restrooms ? Toilets ? Please ? ». C’était pas si terrible finalement. On commence à avoir faim. On s’enfile deux brochettes du gars d’en face pour le déjeuner.
Bon, il est toujours pas là l’ami A. Et aucun moyen de le joindre, son portable ne répond pas. Deuxième petit tour dans Ramallah. On grimpe un peu, on entre dans une librairie pleine de vieux bouquins usés. Une jeune femme lit un livre de géopolitique sur la Chine. On ressort, et on continue à grimper un peu. On tombe sur le mur. On redescend. Tout en bas de la rue, il y a le mall. C’est fou ces malls distillés un peu partout dans le monde. C’est la touche nord américaine.
Un peu plus de 16h30, A. arrive enfin. Il s’excuse au moins trois fois pour le retard. Il est resté bloqué plus de deux heures au checkpoint obligatoire pour sortir de Jérusalem, parce qu’il porte le même nom qu’un « terroriste » du Hamas. D’habitude il passe pas par Jérusalem, « c’est trop lourd », mais là y’ avait pas trop le choix.
Ambiance. On part presque immédiatement pour Naplouse.
Demain, suite du reportage.
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