Camélia et Ravelovitch. Un texte brillant pour une création ravissante de la Compagnie Plume la Poule.
Que j’aime ces soirées totalement underground dans des théâtres sordides qui fleurent bon l’ancienne maison close… Ces nuits pour initiés où votre enquêteur théâtre se lance à l’aveugle à la recherche de talents méprisés par la grande presse courtisane. Paris est une marmite à création tout à fait délirante. Tous les soirs se produisent des anonymes brillantissimes ou nullissimes dans des caves qui ont la prétention de s’appeler théâtres… Un silence poli s’impose sur beaucoup de pièces, on cherche la perle rare, on la poursuit, et un soir, au fond d’une cour dans une rue sombre de l’est parisien… Le trésor.
Elle s’appelle Floriane Attal, est jeune et inconnue, est toute sourire et fulgurance. Elle crée des pièces. Il s’appelle Fabio Araujo, est brésilien depuis 31 ans et en France depuis deux. Il défend son texte comme un coq sa basse cour. Elle s’appelle Kristelle Largis, est parisienne comme dans les films de Renoir et a un jeu qui semble avoir traversé le vingtième siècle en trottinette. Elle joue Camélia, il joue Ravelovitch. Ils sont enfermés. Où ça ? Où vous voulez, le texte est ouvert, Floriane Attal sait que vous êtes intelligents et vous laisse libre : j’suis pas sûre de vos interprétations. C’est après la révolution et avant le « Pouch’ ». Y’a une pièce lumineuse en bas où sont les ennemis, chez une prostituée. Et ils l’espionnent. Pourquoi ? S’ils le savaient eux-mêmes… Vous êtes dans une BD, dans un univers burlesque, le langage est tout à fait neuf, l’histoire est revisitée avec une candeur orwellienne. Ils sont deux, s’aiment mais ne le peuvent pas. Le monstre totalitaire n’existait que parce que la cause était belle, ils y ont cru et tournent en rond autour d’une illusion. Une petite histoire d’amour dans une grande histoire du monde. Avec des cartons mobiles qui jouent au légo et un langage qui se déconstruit petit à petit comme les personnalités broyées par un État absurde suggéré par une boîte à image plus triste que nature. Lui, il y croit à sa mission, c’est le visage du débile grâce à qui les régimes de méchants tiennent. Elle veut croire en la vie, en dépit de la grande mascarade de l’existence. Elle y survivra même, à la vie. Au nom de l’intelligence qui résiste dans de petites bulles qui s’échappent de la « mémoire de poisson », parfois il vaut mieux être idiot, pour ne pas se rendre compte ? L’amour est un mensonge de la littérature, une construction théâtrale au quotidien et c’est la plus belle pièce qu’on se joue tous, car la vie est à ce prix, on ne vit pas sans la quête du bonheur, ou la mascarade serait odieuse ? Tristan et Iseult, 1984, la synthèse par l’absurde. Un texte périlleux. Vraiment. Mais des acteurs d’une témérité confondante qui prennent tous les risques qui se présentent à eux. Heu… comment dire ? Ah oui, c’était juste génial, le truc rare, le truc qu’il faut voir et raconter avec des trémolos dans la voix.
Camélia et Ravelovitch. Compagnie Plume la Poule. Théo Théâtre 20, rue Théodore Deck, 75015 Paris
http://www.theotheatre.com/
http://www.plumelapoule.com/
Samedi 7 mars à 20h ; Dimanche 8 mars à 15h
Samedi 14 mars à 20h ; Dimanche 15 mars à 15h