Bordel fête ses cinq ans ce w.end ! Et on ira. Bordel, c’est une revue co-créée par Stéphane Million et Frédéric Beigbeder, publiée par Stéphane Million. Chapeau bas Stéphane. Car publier une revue rassemblant des nouvelles de jeunes auteurs contemporains n’est pas un défi facile. Mais le bonhomme a de la bouteille. Million découvre, conseille et relit les jeunes auteurs depuis des années.
Le principe de la revue ? Tous les textes sont les bienvenus. Si le récit plaît à l’éditeur, il est publié. Million suit son instinct, c’est tout. Mais surtout, chaque numéro accueille de nouvelles plumes, en sus des fidèles anciennes, qui constituent le socle de Bordel.
Nous avons déjà eu le bonheur de dévorer Bordel au Stade (n°5), Bordel spécial Patrick Dewaere (n°6), Bordel et les voyous (n°7). Aujourd’hui, ouvrons le numéro 8, qui vient de sortir. Il raconte « La jeune fille ». Un hommage à Montherlant, Proust, Baudelaire et Nabokov. Incarnation du désir, la jeune fille, associée à la virginité, est également souvent supposée innocente. Mais Bordel laisse, là encore, libre la plume des auteurs. Ce qui nous permet de lire des versions très personnelles de la féminité. Et remet, du même coup, les adeptes des clichés à leur place (magazines féminins et consorts), puisque ici, aucune jeune fille ne ressemble à une autre.
On y croise une jeune beauté, dont le visage « a des airs de friandises existentielles » (Jérôme Attal), Léa, la fonceuse, qui n’a plus de temps à perdre, car elle « se sait proche de la date de péremption » (Louis Lanher). Mais aussi Emma, l’escort girl, devenue Mademoiselle O et qui, le soir, « se couvre de ce nouveau personnage et l’enlève après le travail comme on le fait d’un uniforme » (Gaudéric Grauby-Vermeil). La jeune fille nous intrigue. « Je m’intéressai à Jeanne à cause de sa drôle de voix râpeuse, cette façon de parler bas qui, précisément, me forçait à me rapprocher d’elle » (Denis Parent), nous déçoit aussi. « Longtemps j’ai pris ses silences pour de la sagesse et ses grands yeux pour de l’étonnement, là où il n’y avait que désert et myopie » (Laurent Richioud).
La Jeune fille traverse le temps. Et évolue, toujours en phase avec son époque. Qu’elle subie aussi.
De celle dont on a toujours su que c’était Elle (« Le cœur en berne », nouvelle de Renaud Santa Maria dont l’écriture, lorsqu’elle nous plonge dans l’Histoire, remue aussi certaines plaies). A celles dont on sait que ce ne seront plus elles, « Je me suis réveillé au matin de juin, un soleil indécent marquait le ciel, Louise avait perdu son rire d’enfant, et, à coups de méthadone, de ses 17 ans pointés, elle avait fini par se sculpter des yeux d’ivoire » (Roxane Duru). Somme toute, la Jeune fille n’est pas si légère…
Certains choisissent de l’habiller en fantôme et de promener leur âme autour du sujet (« On ne joue pas avec les épées » de Fanny Salmeron – « Sous des cieux plus beaux » de Denis Parent), d’autres nous emmènent sur les rives de la part sombre de l’être humain (« Délit de grossesse » de L&L Boscq – « Le rêve a toujours une fin » de Valérie Tong Cuong), du désespoir (« La 11e saucisse » de Lucie Maréchal).
Dégagé de tout code d’identité stylistique commun, Bordel se laisse lire dans un espace de liberté, de découvertes et surtout de plaisir. Si le but de la revue est de piquer notre curiosité, de découvrir de nouvelles plumes, le pari est une nouvelle fois réussi !