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« Bamako », film d’action et de justice

Opinion / jeudi 19 octobre 2006
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Bakchich publie un joli texte de Damien Millet et Olivier Lorillu sur le film Bamako, dont nous avions fait la critique

Il a déjà fait parler de lui au festival de Cannes 2006, il sera à l’affiche dans les cinémas à partir du 18 octobre : le film « Bamako » est un évènement cinématographique majeur de cette rentrée, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les choix artistiques de son réalisateur, le Malien Abderrahmane Sissako [1] , en font un vrai film d’auteur. Tour à tour, ils étonnent, ils émeuvent, ils amusent, ils secouent, autant dire qu’ils ne laissent jamais indifférents. Insistons ici sur le premier de ces choix, l’idée de base du scénario qui donne au film sa colonne vertébrale : mettre en scène, dans la cour d’une maison malienne où la vie quotidienne continue de s’écouler, le procès du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à propos de leurs responsabilités dans la situationéconomique africaine.

La Cour, les avocats, le public, les témoins sont là, sur la terre battue malienne. Loin d’être des boucs émissaires, les deux institutions mises en cause doivent effectivement rendre des comptes pour leur rôle central dans l’impasse actuelle pour le continent noir. Qu’on en juge.

Créées toutes les deux à Bretton Woods (États-Unis) en juillet 1944, elles sont les héritières du rapport de forces issu de la seconde guerre mondiale. Installées à Washington, à proximité de la Maison blanche, elles constituent un dispositif clé pour les Etats-Unis et les puissances alliées dans leur mainmise sur l’économie mondiale.

Après l’accession à sa présidence en 1968 de Robert McNamara, ancien secrétaire d’État à la Défense des États-Unis (alors empêtrés militairement au Vietnam), la Banque mondiale a utilisé l’endettement dans un but géopolitique : déstabilisation de gouvernements progressistes et démocratiques en leur supprimant toute aide (Soekarno en Indonésie, Kubitchek puis Goulart au Brésil, Allende au Chili…) pour contrer les velléités d’émancipation ; soutien aux alliés stratégiques du bloc occidental, notamment des régimes dictatoriaux responsables avérés de crimes contre l’humanité (dictatures brésilienne et argentine, Pinochet au Chili, Mobutu au Zaïre, régime d’apartheid en Afrique du Sud, Suharto en Indonésie, régimes dictatoriaux en Corée du Sud et en Thaïlande, régimes dissidents de l’ancien bloc soviétique comme Ceaucescu en Roumanie et tant d’autres [2]).

Une très grande quantité des prêts octroyés par la Banque mondiale a servi à mener des politiques qui ont porté préjudice à des centaines de millions de citoyens. Elle a systématiquement privilégié les prêts pour des projets néfastes pour les populations concernées et pour leur environnement : grands barrages souvent inefficaces (plus de 10 millions de personnes ont dû être déplacées à cause de tels projets soutenus par la Banque mondiale, souvent privées d’indemnisation suffisante), industries extractives (mines à ciel ouvert, oléoducs), politiques agricoles favorisant le « tout à l’exportation » au prix de l’abandon de la souveraineté alimentaire, centrales thermiques (grandes consommatrices de forêts tropicales), etc.

En violation des principes du traité de Versailles de 1919, les prêts accordés par la Banque mondiale à des métropoles coloniales pour l’exploitation des ressources naturelles de leurs colonies ont été transférés à la charge des États au moment de leur indépendance. Voilà comment des pays comme la Mauritanie, le Gabon, l’Algérie, le Congo Kinshasa, la Zambie, le Kenya, le Nigeria et d’autres ont hérité d’une véritable dette de l’indépendance avec l’aval de la Banque mondiale.

Après la crise de la dette au début des années 1980, le FMI est intervenu à la demande des créanciers pour organiser et sécuriser le remboursement de la dette. Il a conditionné ses prêts aux pays surendettés à la signature de programmes d’ajustement structurel (PAS) qui correspondent toujours au même schéma : production agricole tournée vers l’exportation ; austérité budgétaire et baisse drastique des budgets sociaux (santé, éducation, infrastructures…) ; suppression des subventions aux produits de base ; licenciements dans les services publics et gel des salaires ; fiscalité souvent réduite à une TVA frappant surtout les plus démunis ; privatisations ; libéralisation de l’économie, ouverture totale aux capitaux étrangers et mise en concurrence déloyale des producteurs locaux avec les transnationales… Le FMI a donc complété l’action de la Banque mondiale dans le sens d’une colonisation économique. En effet, tant le FMI que la Banque mondiale soutiennent une politique de captation des richesses des pays du Sud au profit d’une poignée d’entreprises multinationales, de quelques individus fortunés et des proches du pouvoir, dont les choix s’imposent cruellement à la majorité des habitants de la planète.

Le caractère nocif de ces prétendus remèdes a été démontré dans les multiples crises qui se sont succédé à partir du milieu des années 1990, du Mexique à l’Asie du sud-est, de la Russie au Brésil, de la Turquie à l’Argentine… Le résultat de ces politiques est une profonde dégradation des conditions de vie des populations du Sud, particulièrement en Afrique : le nombre d’Africains devant survivre avec moins de 1$ par jour a doublé entre 1981 et 2001, plus de 200 millions de personnes souffrent de la faim et l’espérance de vie est en chute (pour 20 pays d’Afrique, elle est passée sous la barre des 45 ans).

Depuis quelques années, ces deux institutions internationales font des annonces tonitruantes sur l’annulation d’une partie de la dette des pays les plus pauvres. Mais elles oublient de préciser que peu de pays sont concernés et que cet allégement s’effectue en contrepartie de longues années de réformes économiques draconiennes, dans la droite ligne de l’ajustement structurel. En termes de réduction de la dette, de lutte contre la pauvreté, de respect des droits humains, le FMI et la Banque mondiale ont indéniablement échoué et les dégâts qu’ils ont provoqués sont considérables.

Aucune institution ne bénéficie d’immunité si elle est impliquée dans des crimes contre l’humanité, pour lesquels n’existe aucune prescription. Au motif de crimes contre l’humanité, le FMI et la Banque mondiale doivent être traduits en justice. « Bamako », film d’action et de justice, film d’action en justice soutenu par le CADTM, vient révéler cela au grand jour.

Olivier Lorillu et Damien Millet sont des animateurs du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM France, www.cadtm.org).

[1] Auteur récompensé notamment au festival de Cannes en 2002 par le Prix de la critique internationale pour En attendant le bonheur

[2] Voir Eric Toussaint, Banque mondiale, le coup d’état permanent, CADTM/Syllepse/CETIM, 2006.


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