C’est la curée, c’est l’hallali ! Après Le Monde 2, après les mensuels CQFD et Le Plan B, après Daniel Mermet sur Inter, après les Grolandais de Canal, voilà que mon site internet préféré (Bakchich) tourne en dérision l’immense, le colossal, le « Marne de la pensée » (il habite Champigny), le Kim-Il-Sung de l’édito, j’ai nommé Philippe Val de Charlie-Hebdo. Il est donc temps de voler au secours de ce géant attaqué par des nains, encore que Val et ses Valets (ses jeunes affidés du journal) soient de taille à se défendre tout seuls.
On sait que le petit Val, dans la boucherie paternelle, a été très tôt familiarisé avec le goût du sang, ce qui l’a puissamment aidé à manager son équipe avec la délicatesse d’un André Breton. La liste des impudents qui furent victimes de ses oukases ferait concurrence à celles des monuments aux morts de 14-18 !
Personne ne devait faire de l’ombre à cette réincarnation de Voltaire, Montaigne et Zola réunis. Était-ce d’ailleurs possible ? Lorsqu’il entrait aux réunions de la Grosse Bertha en 1990, où j’ai eu le privilège de le voir penser avant de démissionner rapidement, l’ombre portée de ce cerveau considérable obscurcissait les murs. Il avait, à l’époque, tourné le dos à son avenir de chansonnier (le fameux duo Font et Val) et répudié les Maisons des (très) Jeunes et de la Culture où sa carrière avait commencé. C’est là, en 1990, que lui vint sa vocation de maître-penseur. L’humour étant, par définition, allergique à toute analyse politique manichéenne, l’ex-petit Val s’engagea résolument aux côtés des damnés de la terre à la brasserie Lipp et au Flore, où ce porte-coton cauteleux se lia d’amitié sincère avec BHL, et autres Joffrin, éditorialistes comme lui, mais d’une moindre envergure toutefois. Son pote Jean-Luc Hees lui ouvrit les micros de France-Inter où ses diatribes au premier degré concurrencent celles du regretté Savonarole !
Dans l’affaire, évidemment, Charlie-Hebdo perdit illico sa réputation de journal satirique pacifiste « qui se rit du malheur des autres ». Mais Val que nous appellerons PV, veillait à ce que l’humour desprogien et choronesque n’entre pas dans ces pages militantes. PV défendit les justes guerres dans les Balkans et en Irak, les armes (dialectiques seulement, le guerrier est fragile) à la main ! Mourrez, nous écrirons le reste !
Mieux : devait-il réserver la puissance de ses fulgurances à un petit hebdo ? Non ! PV accoucha alors d’un manuel de savoir-vivre à l’usage des lycéens (Traité de savoir-survivre par temps obscurs) qu’un infâme Christophe Donner assassina dans Le Monde 2. Où s’arrêtera la vindicte de ces asticots qui rongent les ailes de cet albatros ?
Depuis ce massacre, PV a perdu le goût de l’effort intellectuel. À quoi bon écrire pour ces sagouins ? On le voit errer en regardant dans son dos pour éviter les entartages de Noël Godin. Auto-proclamé héros de la liberté d’expression depuis l’affaire des caricatures islamiques (récupérée avec à propos alors que c’est France-Soir qui les avait sorties le premier), PV se contente de dîner en ville avec les colosses à sa taille. Son journal piétine certes dans les mauvais tirages. Mais l’espoir demeure : Jean Daniel a plus de 80 berges et une place sera bientôt vacante au Panthéon des comiques involontaires. Courage, mon petit PV, nous sommes derrière toi : les occasions de rigoler sont si rares de nos jours !