Raymond Barre mort, c’est un témoin précieux dans l’affaire Boulin qui disparaît…
Dans le concert de louanges qui accompagne, en France, la mort d’un homme politique, quelques bémols se sont glissés dans les éloges adressés à Raymond Barre, comme si, à la fin de sa vie, il devenait, avec son excellente mémoire, gênant. Giscard a ouvert le bal en soulignant combien son refus de plaire à l’électorat n’était pas indispensable à la réussite d’une politique de rigueur, d’autres se sont opportunément souvenus qu’il avait rendu hommage à Maurice Papon… Mais personne n’a mentionné que l’ancien Premier ministre venait carrément de dynamiter la version officielle du « suicide » de son ministre Robert Boulin.
Dans son livre d’entretiens, paru en février 2007, qui fait désormais figure de testament, Barre affirme avoir été réveillé avant 3h du matin le 30 octobre 1979 car on lui annonça avoir retrouvé le cadavre de Boulin. (Officiellement le corps de Boulin a été découvert à 8h40). Cette révélation écrite fait suite à une interview avec le journaliste Benoit Collombat, auteur du livre Un homme à abattre, au cours duquel Raymond Barre s’est dit prêt à réviser son jugement sur le suicide de Boulin « s’il y a des éléments précis ».
Or, le fait de découvrir deux fois à 7h d’intervalle le corps d’un ministre en exercice, est en soi un fait nouveau et de taille, qui fait partie du dossier de réouverture de l’instruction sur le meurtre de son père remis par Fabienne Boulin le 26 avril dernier entre les mains du procureur général de Paris, Laurent le Mesle. Une des particularités de la justice du pays des droits de l’Homme fait du procureur général – et de sa hiérarchie – le seul juge de la validité des faits nouveaux présentés lors d’une telle demande. Il n’y a aucune possibilité de recours contre sa décision, ni de délai imparti pour la rendre…
On ne saurait imaginer que la Garde des Sceaux Rachida Dati, et le président Sarkozy – dont le Mesle est le subordonné –, qui montrent quotidiennement tant de compassion pour les victimes et leurs familles, pourraient laisser d’autres témoins disparaître – et il y en a – sans qu’un juge d’instruction puisse les auditionner. Fabienne Boulin attend la vérité sur la mort de son père depuis 28 ans…