Sarkozy n’apprécie guère le rap, « flambeur de banlieues ». Il le détesterait peut-être moins s’il était réalisé par un gardien de la paix. Rencontre avec un rappeur engagé, Patrick Prunier, CRS.
Il en avait plein les rangers et ras le casque, Patrick Prunier, gardien de la paix en CRS, d’entendre ici ou là la complainte anti-flic sur la bande FM. Il a voulu chanter son indignation : non, tous les policiers ne sont pas racistes, ni tous fachos ou alcoolos, après l’avoir écrit dans une sorte de pamphlet : « 50 raisons valables de péter les plombs ».
Et, en ces temps de froidure et de mise en examen de poulets galonnés, on se prendrait à rêver que le cynisme policier ambiant soit frappé d’une extinction de voix radicale. A défaut de cette improbable fortune, l’exercice d’admiration est un baume salutaire. Surtout lorsqu’il s’applique à des personnalités atypiques comme Patrick Prunier alias « Mister 2xP », CRS rappeur, fan de Johnny Hallyday (chapitre 42) autant que du service militaire (chapitre 41), inlassable pèlerin de l’oreillette musicale.
Policier le jour, « Mister 2xP » exerce ses fonctions à la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) de Troyes, ville administrée par l’ancien ministre de l’Intérieur François Baroin, un poste où on ne badine généralement pas avec l’ordre public et surtout avec son rétablissement. Mais c’est la nuit qu’il compose ou taquine les muses.
« Mon chef, écrit-il, s’appelle Narcisse. Les chefs sont ceux qui ont toujours raison même quand ils ont tort. D’où, l’avantage d’être chef. Devenir chef est un aboutissement dans la vie de certains, le rêve suprême qui devient enfin la réalité. Il y en a même qui tueraient père et mère, qui se mettraient une plume dans le cul, poursuit-il poétiquement, qui se feraient greffer une langue supplémentaire ou qui supporteraient de passer des heures sous (voir sur) un bureau, pour devenir chef. » On appelle cela la recherche absolue du pouvoir, et ce, afin de ressentir des sentiments uniques. Comme le plaisir intense de commander (même sans capacité). En effet, un comble pour un chef CRS. « La jouissance extrême d’avoir des personnes sous ses ordres » (sauf vos femmes devant lesquelles vous vous faites tout petits). Et plus loin, ironique : « Les frissons dont se délecte le corps à chaque ordre donné » – un peu pour vous venger de ce que vous subissez quand vous rentrez à la maison. Ce sentiment d’impunité qui grandit dans un cerveau de génie (on n’en doute pas une seule seconde). Cette force soudaine qui vous suit comme votre ombre (un peu comme votre femme à chaque fois que vous l’ouvrez un peu trop à la maison. L’éternelle conviction du devoir accompli – même quand vous ne foutez rien.
Au pilori, le chef ? Pas si sûr. C’est l’incompétence que l’auteur vise là. « Le chef est quelque part un dieu, une icône autoproclamée qu’il ne faut pas toucher. Un être supérieur, toujours autoproclamé, à qui on a confié une mission, un peu comme Jésus, sauf que lui, faisait du bien. Si on lit La Bible, le Jésus, bien que faisant du bien, a fini par se faire rouler dans la farine, par un des douze potes de la bande dont il était le chef… Paraît que c’était pour une histoire d’argent ?! » (chapitre 36)
« Issu de la France d’en-bas », comme il aime à se définir, « dont la famille se tapait un F3 dans une cité à fort mélange ethnique », « Mister 2XP » (c’est son deuxième pseudonyme après « Patrick Nasseem » utilisé à l’occasion de la sortie en librairie, en 2005, de son livre, le volume I de ses réflexions), fait un tabac auprès de ses collègues depuis la sortie sur le Net de ses deux titres « Police représente » et « A tous mes potes du ministère ». Le CD est une pure auto-édition. On est loin, très loin même, du monde d’Universal Music. D’autant que 50% des bénéfices vont à l’orphelinat de la police. Un beau geste qui honore encore plus sa démarche : Patrick Prunier n’est jamais là où on l’attend car il est déjà ailleurs.
Ce portrait inaugural chargeable sur MP3 n’a rien d’un embaumement hagiographique de l’institution policière. Ce flic de terrain, pétillant de malice harmonique qui fait honneur à la maison Poulaga est tout simplement saisi dans ses combats quotidiens, au fil de ses patrouilles et de ses rencontres avec les modestes de ce monde, en contrepoint de la vision médiatique du maintien de l’ordre public généralement admise.
Résistant au manichéisme ambiant (les bons jeunes d’un côté, les méchants flics de l’autre), torturé par la notoriété facile des « sauvageons », Mister Prunier est de ces êtres dont la part de douleur et de désespoir a été jugulée par un formidable désir de vie, de justice, de réparation. La poésie mélodique, qu’il pratique sur plusieurs rythmes, est sa potion magique pour regarder l’avenir avec confiance.
Espérons que la Place Beauvau se montre autant « à l’écoute » de la bande son de Mister 2xP que les gamins des cités qui ont déjà adopté, au moins musicalement, le rap du keuf.
Pour écouter, c’est ici :
Les gentils CRS qui se posent de grandes questions existentielles et qui chantent de douces mélopées …
J’ai rigolé quand j’ai vu cet article classé sous le thème Culture. Les CRS sont tellement philosophes et, surtout, philanthropes, qu’ils tentent de faire passer ça aux jeunes :
http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/522673/mil/
Et ces petits cons, hermétiques à toute forme d’intelligence et de savoir, ingrats par nature, n’ont pas mesuré leur immense chance et se plaignent encore et toujours, comme à leur habitude. A vous dégouter d’être CRS.
Il a bien raison de s’exprimer, mais la médiocrité de la musique, du texte et du flow me rappèlent plus "les inconnus" que NTM … je lui conseille donc d’écouter des artistes avec des textes intélligents et une forme séduisante : Kerry James, La Rumeur ou Kalash …
Plus sérieusement, le rap est devenu le dernier médium crédible pour les déclassés des quartiers, mais aussi toute une jeunesse rurale qui se construit avec le rap ; il serait donc certainement utile de promouvoir un message différent.