Oeuvre satirique gauchiste, "Tout doit disparaître" expose néanmoins des idées à même d’inspirer le gouvernement.
Une BD de science fiction, encore une. Qui plante une société bien sympatique mais tellement exotique qu’on se demande où ses auteurs (bolcheviques) sont allés pêcher ça. Jugez plutôt : en 2042, le pays est dirigé par les actionnaires des principales entreprises multinationales ; une profusion de publicités mettant essentiellement en scène des femmes nues a envahi l’espace ; l’appel à la consommation est le principal souci du gouvernement. Face à ce gouffre culturel, le lecteur peu féru d’anticipation sera tenté de refermer immédiatement l’ouvrage, mais le devoir du critique est d’aller jusqu’au bout.
Dans ce monde impossible, une jeune illustratrice prénommée Satya (islamo-gauchiste ?) à qui on a déjà légitimement enlevé un bras, fuit un groupe de policiers qui veut maintenant lui retirer ses jambes – juste sanction face à son crime : elle n’a pas acheté de voiture cette année. Elle rencontre alors le groupe des « Sous Réalistes », une bande de chevelus (probablement drogués) qui vient, très subversivement, de taguer « non à la consommation » sur un mur. Un acte aussitôt récupéré par un chanteur crétin.
Album carré, illustré de manière anarchique (un dessinateur fait les personnages et l’autre, qui a sainement intégré les canons publicitaires, réalise décors et affiches), Tout doit disparaître [1], de Guillaume Podrovnik, Boris Fleuranceau [2] et Antoine Silvestri n’est pas complètement mauvais. Certains des concepts qui y sont développés pourraient inspirer notre gouvernement, certes, sur la juste voie des réformes, mais qui parfois manque de punch. À commencer par le principe du marché des organes, retirés des délinquants dont l’entrain à consommer laisse à désirer. Le sponsoring des tribunaux, des façades, des rues ou encore de la police comblerait avantageusement certains besoins de financement.
Quant aux religieux, ils pourraient prendre exemple sur le syncrétisme total présenté dans l’ouvrage, où les prêtres, sponsorisés eux aussi, font enfermer les femmes dans des caisses et tabasser ceux qui menacent leur part de marché : la charité. De bonnes idées, donc. Si les auteurs avaient choisi pour héros les sympathiques publicitaires plutôt que des babas-cool mollassons, le livre aurait pu prétendre à une véritable valeur pédagogique. Dommage.
[1] Publiée aux éditions Danger Public, la bédé se décline aussi en radio sur Internet (sousrealisme.org), en CD, et devait être un dessin animé : une louable stratégie commerciale.
[2] Mort du palu le 30 août, le scénariste était journaliste à RFI.