Histoire de filiation compliquée pour un film noir en panne d’idées. Guillaume Canet et un casting d’enfer n’y peuvent rien.
Le cinéma français semble décidément en mal d’inspiration (et de méthode ?) lorsqu’il s’agit pour lui de faire naître des films de genre, et noirs en particulier. Après les récents "Deuxième souffle" d’Alain Corneau (octobre) et "La Chambre des morts" d’Alfred Lot (novembre), films d’intrigues aux acteurs à vraies gueules qui ne font guère plus que la gueule, rien que la gueule, le dernier long-métrage de Guillaume Nicloux, "La Clef", ne parvient pas à contredire ce constat déplorable. Pire, il le confirme.
Dans "La Clef", Guillaume Canet est Eric Vincent, un trentenaire mal dans ses baskets en passe de devenir père. Avant même d’apprendre la nouvelle de sa jolie mais bien insipide compagne, son père à lui, absent, inconnu, ressurgit par le biais d’un coup de fil anonyme. En cendres. On propose à Eric de récupérer l’urne qui les contient, et, avec, l’héritage des magouilles et crimes scabreux auxquels son paternel a été mêlé. Il accepte.
S’en suit alors toute une série de sales histoires, d’affaires sordides, de règlements de comptes sinistres. Vanessa Paradis lui roule une pelle sur l’aire d’autoroute où il se voit bloqué par la pluie (normal, son essuie-glace est cassé…), Marie Gillain le plaque sans appel, pour se protéger, parce qu’il "sent la mort" lui dit-elle et qu’elle "veut vivre", elle. Quantité de moments de cet accabit se succèdent, et jamais le protagoniste ne réagit, neurasthénique ou presque, choqué, tourneboulé, ne réagissant que par un manque avéré de certitude quant à sa paternité prochaine… pauvre bougre.
Si la fable patriarcale laisse peut-être espérer d’abord une progression plausible de l’intrigue, le flottement hagard du personnage agace et entraîne finalement le spectateur avec lui dans cette torpeur, virant crado-beauf. Les physionomies sont blafardes et fatiguées. De la couleur des cendres d’un père à jamais inconnu. Que faire de cette urne maudite qui n’attire que des ennuis ? Pas grand-chose, d’après Paradis, puisqu’une fois qu’on est impliqué, il est trop tard, même s’il y a eu erreur sur la personne.
Ce cauchemar familial à tiroirs (polichinelle à la clef, donc) rassemble de grands noms français comme ceux de Rochefort, Bonitzer, Lhermitte, Balasko, Lebrun, mais le collage ne prend pas, personne ne communique, nul ne semble s’amuser. Si le filmage se révèle audacieux (caméra à l’épaule), le résultat d’ensemble est glauque, sombre, pour la mauvaise cause. Ni clous, ni clef au bout du tunnel, sinon un film qui plombe une fois de plus le genre franco-noir. L’héritage patrimonial doit peser trop lourd, peut-être…
"La clef"
de Guillaume Nicloux, avec Guillaume Canet, Marie Gillain, Vanessa Paradis, Josiane Balasko, Jean Rochefort…1h55, 2007, Fr.