Sarkozy l’a annoncé, la Poste sera une société anonyme, ouverte uniquement aux capitaux publics. Les syndicats dénoncent une privatisation rampante. Au guichet, le service public est déjà enterré.
Papier déjà publié le 23 septembre
Ce mardi 23 septembre, les fédérations syndicales de la Poste se mettent en grève pour protester contre l’ouverture du capital prônée par leur patron, Jean-Claude Bailly. Ce dernier martèle dans la presse qu’il a besoin de trois milliards d’euros pour renflouer les caisses de l’une des dernières entreprises postales publiques d’Europe, et faire face à la concurrence étrangère. Les caisses de La Poste sont vides, tout comme celles de son principal actionnaire, l’Etat. Du coup, le Patron de la Poste ne voit comme issue que la privatisation d’une partie de son capital. Un préambule que beaucoup de salariés craignent de voir déboucher sur une privatisation pure et simple. Un scénario qui déplait à une majorité de français. Selon un sondage IFOP, paru ce dimanche, 56% des sondés se déclarent opposés à l’ouverture du capital de La Poste.
Mais sur le terrain, la privatisation semble déjà bien engagée et les méthodes employées aux guichets sont bien souvent borderline. Une véritable stratégie de « forcing commercial » est mise en place aux guichets, quitte à traiter l’usager comme un simple « client ». Une mutation considérable qui risque bien de s’aggraver. Voyez plutôt.
Les ordres viennent « d’en haut » et dans ce système de responsabilité en cascade, il serait ingrat de blâmer les guichetiers. Contraints d’obéir à leurs supérieurs, nombre d’entre eux vous proposent désormais systématiquement les produits les plus chers même s’il faut « mentir par omission ».
Dans l’esprit des cadres, il faut remplir, sans barguigner, les paniers virtuels de la clientèle avec des « lettres prêt à poster », des Chronopost et autres colis en tout genre, des packs « Ma Nouvelle adresse », ou encore des recharges téléphoniques pour tous les opérateurs présents sur le marché…
Chaque bureau de Poste compte désormais son espace « Boutique », véritable échoppe où l’on trouve un peu de tout : les produits cités précédemment mais aussi des sacs estampillés « Bio », des sacoches de facteur et même des objets pour décorer son chez-soi. « Développer l’espace commercial est désormais la priorité de la Poste, au détriment du service à la personne », estime Philippe Fouillon, délégué Sud PTT et ancien guichetier. « Il y a quelques jours, j’ai visité une Poste qui se trouvait en sous-effectif suite à des arrêts maladies d’une partie du personnel. La direction a préféré fermer les guichets dits « toutes opérations » pour privilégier l’espace commercial », s’indigne le syndicaliste.
Un changement de cap qui a de quoi rendre timbrés les usagers, désormais assimilés à de vulgaires consommateurs à qui il faut refourguer sans vergogne un maximum de produits lors de leurs passages aux guichets. Mais bien entendu, « la Poste vous garantit la confiance »…
Quant aux salariés, ils ont plutôt intérêt à ne pas broncher. « Ceux qui jouent le jeu de la Poste gagnent évidemment la paix. Ils évitent les menaces et les harcèlements qui saccagent les conditions de travail des employés », lâche Jean-Louis Frisulli, secrétaire fédéral de Sud PTT. Des menaces ? Christian, « guichetier brigadier » dans le département de Seine-Saint-Denis ne les subit pas car, en tant que remplaçant, il change toutes les semaines de Poste et dit « passer outre ». Toutefois, il observe attentivement le changement de ton des cadres. « Les menaces sont variées. Ne serait-ce que de vous faire convoquer par la direction ou encore de vous menacer de mutation dans une autre région. De même, ils peuvent bloquer toute augmentation », explique ce vétéran des PTT.
Selon les témoignages recueillis par Bakchich, la direction accentue la pression sur les guichetiers pour qu’ils « fassent du chiffre » et a tendance à dénigrer, parfois avec virulence, les récalcitrants. Chaque guichetier doit rendre des comptes sur l’état de ses ventes. Les courbes sont affichées avec ostentation dans la salle du personnel histoire de mettre en compétition les employés et d’exciter leur appétit de vente. « Nous refusons cette logique de business qui est incompatible avec la mission de service public de la Poste », déplore sans surprise M.Frisulli. Il est bien loin le temps béni du service public.
Lire ou relire dans Bakchich :
Faisons le jeu des devinettes.
Combien la Poste fabrique-t-elle de lettres "pret à poster" ? réponse quelques centaines de millions par an.
Question suivante : combien la Poste vend-elle de lettres "pret à poster" ? Réponse : beaucoup moins que sa production… le surplus, soit quelques millions d’enveloppes finit à la poubelle tous les ans.
Cette incohérence reflete la gestion actuelle de La Poste : volonté de "faire du chiffre" de gonlfler le chiffre d’affaires sans tenir compte de la rentabilité économique ni du service au client.
des dizaines d’exemples pourraient être donnés sur une gestion totalement incohérente.
Le départ annoncé de son plus haut dirigeant va-t-il signifier une évolution de la gestion ?
Si seulement cela pouvait servir à la fin d’un mythe opposant public/privé (fainéant/fayot).
L’attaque du service public n’est pas motivée uniquement par l’envie de récupérer un marché public (pas toujours très rentable) mais aussi par l’envie de casser cette partie du salariat qui pour diverses raisons était plus facilement mobilisable. Les avancées gagnées par les travailleurs du public profitaient à l’ensemble du salariat (ne serait-ce que pas le simple jeu du marché).
C’est cela que nous sommes en train de perdre mais peut-être allons gagner en cohésion : Tous ensemble…