Tabou, adj. : sur quoi on fait silence (Le Robert)
Est dit « tabou », de nos jours, ce dont on parle à tire-larigot. L’inceste ? on en fait un problème de société chez Delarue ou une autofiction pour illettrés. Le sexe ? les magazines pour dames vantent la sodomie entre la recette du chou farci et les collections d’automne-hiver, et un centenaire auvergnat célèbre en prose chuintante la gérontophilie des anglaises. Au fait, les auvergnats, un ministre peut dire que s’il y en a beaucoup, bonjour les dégats, pas de tabou, c’est rigolo. L’argent ? vive le Fouquet’s ! La pédophilie ? trois cents émissions par an et un procès de temps en temps. Soit beaucoup plus que les accidents du travail, sauf ceux de France Télécom, qui bousculent le tabou du suicide.
Un tabou qui a bien valdingué, c’est le pipi-caca : on a vu Véronique Sanson chantant sur scène une impérieuse envie de péter et de chier, peut-être inspirée par Copé, qui, un peu gêné, mais obscène tout de même, s’exhibait près du piano. Pas grave : le mot « chiant » est entré dans le langage parlementaire comme le croc de boucher dans le discours présidentiel. Même au J.T., sur Arte ou chez F.O.G., on dit « merde » et « con ». Et dans Secret Story (que sponsorisent un déodorant et des capotes, c’est dire l’élégance…), on lâche des caisses plus souvent qu’on ne cite Camus. Hélas ! certains s’imaginent que pour être dans le vent, il faut en faire : voilà où conduit le fayotage.
La nudité ? Banalisée d’été en été, de film en film, de calendrier en calendrier, on nous en rebat les oreilles, puisqu’ elle sert désormais, bite et foufoune au vent, à militer pour une cause noble - l’interdiction des corridas, la protection des phoques, que sais-je ? pour dénoncer le réchauffement climatique. Ah, ces sujets dénudés agitant leurs attributs dans des vignes de pinot bourguignon, ça nous change de l’ours polaire agonisant sur son glaçon ! Mais à force de s’adresser aux yeux plutôt qu’à la pensée, le message le plus juste se noie dans le spectacle : même s’il faut montrer son cul pour attirer les caméras, on se croit original, et on est exhibitionniste.
Reste la religion. Certes, La Vie de Brian a bien fait rire, sauf dans les pays où l’on ne descend pas du singe, mais de la croix, et l’on peut soutenir sans aller en taule que Jésus fricotait avec Madeleine. Mais il serait maladroit de rappeler que la troisième épouse d’un autre prophète avait, selon les hadith, quatre ans de moins que la jeunette de Polanski : cherchez le tabou…