Les gitans d’Andalousie vivent un racisme au quotidien, entretenu par la pauvreté, le manque de travail et des modes de vie différents. Les pouvoirs publics avaient promis de l’aide mais la crise est passée par là.
Suite du reportage Les oubliés de Torre del Mar (I)
Juan, l’époux de Pledad, raconte que le responsable d’un vidéo-club a refusé de lui louer un film en voyant son adresse. « On nous juge seulement parce qu’on habite ici » , déplore-t-il. Une forme de racisme quotidien : « Bien sûr, dit Pledad, si on n’était pas gitan, beaucoup de choses seraient plus faciles. On nous aide moins parfois à cause de cela. Et, souvent, j’ai honte de dire où je vis… » Côté mairie, José Maria Montero, directeur des services sociaux, donne son avis sur la situation : « C’est un problème clairement lié à l’absence de logements, explique-t-il. Ces familles viennent de différents endroits de Malaga, mais aussi d’autres villes en périphérie. Ils viennent ici car ils n’ont nul part ailleurs où aller. Parmi ces familles, certaines ont d’autres maisons mais restent là-bas car on leur a fait des promesses de logements à venir. » Il précise que « ce sont des gens d’origine gitane, qui vivent de la vente ambulante et d’autres petits boulots non qualifiés. Les enfants sont scolarisés, ils n’ont pas de gros problèmes d’absentéisme. Il existe même des programmes d’aide pour les plus jeunes, avec des colonies d’été. Par ailleurs, ajoute-t-il, des bus assurent le trajet depuis Las Casillas jusqu’à l’école. En revanche, il y a de gros soucis côté hygiène. »
Il confirme l’insalubrité des logements, même si « chaque logement est différent : certains sont bien faits, d’autres sont de piètre qualité de vie. » La responsabilité de la mairie ? « Cela relève de nos compétences, on ne peut le nier bien que cela relève aussi de celles du gouvernement régional d’Andalousie et du Ministère du Logement à Madrid. Je suis ici depuis novembre 2008, mais je ne comprends vraiment pas pourquoi ce problème n’a pas été réglé plus tôt. De l’argent provenant du gouvernement devait arriver à la mairie pour aider, mais on a apparemment estimé en haut lieu que cet argent serait insuffisant, et on ne sait pas ce qu’il en est advenu. Aujourd’hui la mairie a décidé d’y remédier, mais on ne comprend pas comment une telle situation peut encore exister de nos jours… »
Il nous fait savoir que quatre réunions ont déjà eu lieu avec le gouvernement de la région à ce sujet. Une solution envisagée pour y mettre un terme ? « Nous avons comme projet un programme d’éradication de Las Casillas qui consiste à donner à ces familles de nouvelles maisons, un plan d’intégration car il faut les intégrer dans une situation plus normalisée, dans des quartiers normaux puisque pour l’instant ils sont en dehors de la ville et dans une situation difficile. Leur situation est comparable à celle de migrants arrivant dans un pays : il faut les aider à comprendre le fonctionnement du pays, quelles sont les lois, etc. Notre projet concerne également l’éducation, le travail, le sanitaire. Si à la fin de l’année, cela ne fonctionne pas, on considèrera cela comme un échec. Peut-être serons-nous critiqués, mais nous devrons assumer ces critiques », dit-il en toute franchise avant d’ajouter que « c’est un problème ancien, mais on va essayer de le régler avec le peu de temps dont on dispose. On sait que déjà quelques familles sont parties car elles ont pu obtenir un logement en location et se sont très bien intégrées dans leurs nouveaux quartiers ».
Ces logements de fortune, en face d’immeubles en majeure partie inutilisés, et derrière une station-service : n’est-ce pas un peu dangereux ? « Oui, c’est évident et on ne peut pas le nier. En face, il y a des constructions hors de prix. On est tous coupables de cela, dans une période de crise économique qui prend à la gorge toute l’Espagne. Si ce parc de logements était moins onéreux, nombre de familles auraient moins de difficultés et pourraient s’y installer. Il faut remédier à cela. » La « crise économique » : l’un des principaux noeuds du problème. La mairie planche actuellement sur des solutions alternatives : un système de location pour que ces familles disposent d’un logement et qu’elles en soient responsables. « Un logement adapté à leurs revenus, précise-t-il. On pense à une location sur 20 ou 30 ans à des prix adaptés. Ces habitations appartiendraient à l’administration et devraient être remises à d’autres familles, si celles qui l’occupaient jusqu’alors partaient. » José Maria Montero reste néanmoins très amer sur le fait que « c’est un très mauvais moment économiquement. Avec l’argent qui avait été envisagé, cela aurait permis de faire quelque chose… » Là aussi : un vrai parcours du combattant.