Le tango n’est pas mort. En tout cas il ne l’était pas cette semaine à Paris avec les concerts de Daniel Melingo, dans le cadre du Festival Paris Quartier d’été. Quatre jours de scène à guichet ouvert, dans les parcs de la capitale avant de reprendre sa tournée en Europe et surtout à travers la France au mois d’août.
Le chanteur argentin est un ex-rockeur qui s’est reconverti sur le tard dans le tango. Et c’est une franche réussite. Mais pas question pour ce musicos cinquantenaire de s’en tenir aux rythmes traditionnels du genre. À l’occasion de la sortie de son dernier album de Melingo, « Maldito Tango » en mars, le très sérieux hebdomadaire Télérama qualifiait même sa musique de « tango destroy ». Daniel Melingo, sans oublier son âme de rockeur, voire de rock star, opère donc un savant mélange de chant poétique, un des piliers de la danse argentine, et des sons plus surprenants, tel son petit appeau rose sur lequel il se déchaîne.
Melingo, vêtu tout de noir, d’un costume avec chapeau et chaussures vernies s’est produit au parc de Belleville, jeudi 24 juillet, plus d’une heure durant, alternant gravité et clowneries. Est-ce utile de rappeler le lancer de chaussettes puantes dans la foule ? En revanche, en tête à tête, il la joue plus sérieux. Derrière ses fantaisies de scène se cache un homme avide de réfléchir à son art. « Je dois sentir le chant, les mots. Le tango fait appel à des références métaphoriques, c’est la recherche d’un état idéal » tient-il à préciser. Et quand on lui demande pourquoi malgré toutes les références au passé, il ne raconte pas le sien, celui de citoyen argentin qui a dû fuir la dictature, il assure qu’il n’y a pas de place pour ce type de récit dans le tango. « Il n’y a pas d’antécédents d’engagement dans le tango, le but est de maintenir un imaginaire, une vision nostalgique ». Comme celle de Montmartre et du IXème arrondissement de Paris dans sa chanson au titre paradoxal : « Montmartre de hoy » [1].
Melingo ne fait pas partie de cette catégorie d’artiste engagé. Il refuse même de parler de la nouvelle présidente argentine Cristina Kirchner. Pourtant, au cours de son concert, il joue l’un de ses titres qui reprend un poème de Federico Garcia Lorca [2], assassiné par le régime franquiste en 1936, autrement dit mort pour la République espagnole. L’engagement politique de Melingo se lit donc en filigrane. Au rappel du public, avec standing ovation de rigueur, il entonne le refrain : « Del barrio me voy » [3]. Souvenir d’exil ? Possible. Reste que l’aficionado du tango s’en défend et préfère chanter sa nostalgie des quartiers populaires ou la misère des déshérités de Buenos Aires, en lunfardo, l’argot del pueblo, le peuple.
À écouter, le myspace de Daniel Melingo
À visiter, le site du festival Paris Quartier d’été