Aujourd’hui, le dessert ! A base d’amande et de fleur d’oranger, pour passer le réveillon en toute volupté.
Selon Nicolas Lémery, apothicaire et chimiste du XVIII e siècle, les amandes douces augmentent l’humeur séminale. Il savait de quoi il parlait, puisqu’il est aussi l’auteur d’un Dictionnaire des drogues qui fait encore autorité.
Ainsi, pour une épouse attentionnée, mettre son mari à l’amande deviendrait alors une sorte de… gentillesse !
Un autre ouvrage ancien précise que manger à jean quatre ou cinq amandes amères développe les seins . Pourtant, les amandes passent pour être toxiques en raison de l’acide prussique qu’elles contiennent. mais qu’importe ! Surtout si le Monsieur fait l’amour "à la hussarde" ou "à la prussienne"…
L’amandier est vieux comme le monde. La Genèse nous apprend que Jacob, lorsqu’il envoya ses enfants présenter ses cadeaux à Joseph, Premier ministre du Pharaon, les chargea d’amandes, fruits les plus précieux du pays de Chanaan.
Dans un Dictionnaire de cuisine de 1770, il est mentionné vingt recettes à base d’amandes, dont une assez incitatrice :
Amandes en massepain en lacs d’Amour
Ayez une demi-livre d’amandes douces échaudées, que vous laissez tremper pendant 24heures dans de l’eau fraîche ; après les avoir égouttées et essuyées, vous les mettez dans un mortier, pour les piler en les arrosant d’eau de fleur d’oranger ; mettez-les dans une demi livre de sucre cuit à la grande plume, pour les faire dessécher sur un petit feu, jusqu’à ce qu’elles soient en pâte maniable ; et vous les mettez sur une feuille de papier blanc, poudrez d’un peu d esucre fin ; abattez la pâte avec le rouleau, de l’épaisseur d’un écu ; coupez-en de longs filets carrés d’égale longueur, pour les tourner comme un " 8 " de chiffre, en laissant passer un bout de chaque côté ; ce qui formera vos lacs d’Amour ; ensuite, vous les trempez dans un sucre délayé avec du blanc d’oeuf ; poudrez-les partout de sucre fin, et dressez-les sur des feuilles de cuivre, pour les faire cuire dans un four doux.
Les « lacs » dont il est question sont des noeuds coulants pour capturer le gibier. Mais quel gibier autre que l’homme gourmand la cuisinière amoureuse pourrait-elle prendre avec ces lacs en massepains ?
Revanche du destin coquin : le Diable utilise le lait de ces mêmes amandes pour capturer en ses lacets les filles coquettes. Le lait d’amandes que nous aimions en cuisine, la femme l’emploie en… lait de beauté. Sans doute pour mieux attirer ses proies !
Et que dire du pouvoir de séduction d’une femme aux yeux en amande ? Irrésistible ! Tout comme ce délice craquant et fondant du nom de coucougnetttes du Vert Galant , élaboré par ce coquin de confiseur qu’est Francis Miot, dans la région paloise.
Il prend soin de préciser que coucougnettes évoque aujourd’hui les choses de la vie, que faire une coucougne signifie « câliner, cajoler, caresser, chouchouter, » en deux mots c’est « offrir un peu d’amour ».
Les coucougnettes (synonyme de « bijoux de famille » pour les mâles) les plus célèbres sont sans doute celles du roi Henri IV, à qui les historiens attribuent 57 maîtresses et 24 enfants.
La coucougnette de confiserie est fabriquée à base d’amandes broyées au sucre de canne, mélangée à des amandes grillées caramélisées avec une larme d’eau-de-vie de gingembre et une rasade d’Armagnac. Le coeur de cette douceur est une amande douce entière grillée et enrobée de chocolat noir. Elle est entièrement roulée à la main et trempée dans su jus de framboise pour lui donner une belle couleur rose.
Dans le même registre, Francis Miot a créé les Tétons de la reine Margot dont la forme se passe de commentaire et qui se dégustent comme des… tétons, en prenant soin de laisser fondre en bouche cette mignardise composée de chocolat, d’abricot, de raisin et de Grand Marnier.
Francis Miot a encore élargi sa gamme en créant les galipettes , un bonbon vraiment renversant, voire culbutant ! Il marie l’amande d’Andalousie et le cacao de Chuao (Venezuela) considéré comme l’un des plus savoureux du monde. Le coeur des galipettes est constitué d’un fin praliné à l’amande, enrobé d’un chocolat de Sao Tomé (ile portugaise du Golfe de Guinée), puis roulé dans une feuilletine de crêpe dentelle.
Ainsi, ceux qui pêcheront par gourmandise auront-ils l’occasion de faire amande honorable !
Allemande ? Flamande ? Normande ?
Je bande, je contrebande, j’en redemande !
Qu’elle zappe sur la télécommande de ma glande,
Et elle aura, en folie, son amande !
Dans Bakchich, les précédentes odes cul-inaires de Bernard Planche, journaliste, écrivain et président de l’Association Française de la Presse Gastronomique, qui présente "La cuisine amoureuse des grands chefs" (éditions Blanche), un livre qui permet de passer allègrement de l’assiette à la couette et vice-versa.