Le tabou des élections municipales est fiscal. Comme le révèle « Bakchich », les recettes perçues par les communes et les intercommunalités ont progressé de 46% en 6 ans. Principale explication : la création d’un nouveau niveau d’administration, sans que les municipalités réduisent leur budget. Des chiffres qui devraient peser lors des élections de mars.
Il y a des chiffres qui ont l’effet d’une bombe, et que l’on préfère passer pudiquement sous silence. Mais ici, on aime faire du bruit… Tenez-vous bien. Dans un livre à paraître en mars prochain [1] , René Dosière, universitaire, député apparenté PS de l’Aisne, spécialiste des comptes publics, révèle que l’augmentation des impôts locaux s’est élevée, entre 2001 et 2007, à 46%, au bénéfice des communes et des intercommunalités… Alors même que l’inflation, comme la croissance, n’ont pas dépassé les 10% de hausse sur l’ensemble de la période… Cette progression vertigineuse représente un bonus de 16 milliards d’euros dans les caisses de ces collectivités locales dites de proximité. De quoi construire quelques crèches…
Mais surtout, de quoi rémunérer les doublons de fonctionnaires qui apparaissent aujourd’hui comme le véritable mal français. Ce ne sont pas – seulement – les libéraux qui le disent : « On a, depuis 20 ans, décentralisé de nombreuses compétences de l’Etat vers les collectivités locales sans réduire le nombre de fonctionnaires d’État, déplorait récemment René Dosière, à la tribune de l’Assemblée nationale. « Parallèlement, depuis 1999, on a créé en France un nouvel échelon administratif, l’intercommunalité, qui a recruté massivement, sans réduire, dans le même temps, la taille et les moyens des communes… », poursuivait-il.
1999… date de la loi Chevènement sur l’intercommunalité. Le bon Jean-Pierre connait les élus locaux. Petits et grands ducs se montrent toujours réticents à partager leur duché, fût-il plus vaste : pour assurer le succès de sa loi, il décide de récompenser les maires qui se regroupent au sein d’une intercommunalité, en doublant les dotations financières que verse l’État à leur territoire. Un argument parlant. Entre 1999 et aujourd’hui, le nombre de structures intercommunales est passé de 0 à 200 pour les communautés d’agglomération de plus de 50 000 habitants, de 1347 à 2500 pour les communautés de communes. Et les impôts collectés par l’ensemble de ces intercommunalités ont augmenté de 405 % entre 2001 et 2007, passant de 1,8 à 9,1 milliards d’euros…
Cela n’aurait rien eu de choquant si les communes avaient réduit leur voilure à proportion. Car ce n’est pas le principe de l’intercommunalité qui est en cause. Bien au contraire. Au XXIe siècle, on ne gère pas une politique de transport, de développement économique ou de logement social au niveau communal. En particulier à la campagne, où le périmètre des 36 000 communes françaises est bien trop étroit. De même, il est logique de regrouper, à l’échelon intercommunal, les services de voirie, la gestion des médiathèques, ou celle des déchets. Mais encore aurait-il fallu réduire les services communaux à mesure que l’on transférait des compétences au niveau du groupement de communes… Or les budgets communaux ont continué de croître, les impôts communaux augmentant de 26 % entre 2001 et 2007, passant de 33 à 41,5 milliards d’euros ! CQFD…
« Pas question de supprimer l’échelon départemental, ni la commune, auquel les Français restent attachés »… Circulez, y a rien à voir, ont répondu les squatteurs de l’Élysée et de Matignon en excluant d’entrée de jeux les propositions du rapport Attali allant dans ce sens… Les doublons administratifs, si coûteux en personnel, ont donc de beaux jours devant eux. Pourtant, les cartes de la France intercommunale sont prêtes depuis longtemps au ministère de l’Intérieur. La France est couverte par des intercommunalités à près de 90% aujourd’hui. Il suffirait d’obliger, par la loi, quelques irréductibles villages gaulois à franchir le pas, et les choses pourraient basculer, en cascade, au plus grand bénéfice des comptes publics. Le périmètre des intercommunalités remplacerait celui, désuet, des cantons. Les communes deviendraient des arrondissements de proximité des intercos et le département l’assemblée des présidents d’intercos… Las, proposer une telle réforme, c’est se mettre à dos une bonne partie des 500 000 élus locaux, vissés à leurs fauteuils comme des moules sur leur rocher. Des élus locaux qui peuplent le parlement, cumul des mandats oblige. Un cumul auquel Sarkozy, grand amateur de rupture médiatique, ne veut surtout pas toucher…
« La réforme de 1999 a été coûteuse si l’on prend en compte, outre la dotation supplémentaire distribuée par l’État, la pression fiscale supplémentaire sur le contribuable, écrivait la Cour des comptes fin 2005, pression fiscale qui risque de s’accroître dans les années à venir si les communes regroupées continuent de fonctionner sans prendre suffisamment en compte la logique de mutualisation des objectifs et des moyens à l’échelle communautaire »…
Qu’en termes choisis ces choses là sont dites !
Par gentillesse, on ne s’attardera pas ici sur la création des pays, autre échelon d’administration locale issu des lois Pasqua et Voynet relatives à l’aménagement du territoire… Ni sur l’existence de quelque 18 000 syndicats intercommunaux, préexistant au regroupement communal façon Loi Chevènement, et que les élus n’ont pas crû bon de supprimer non plus…
Lire la suite de l’enquête de Bakchich : « C’est le contribuable pauvre qu’on égorge ».
Lire le reportage de Bakchich dans le village le plus riche de France, Marnes-la-Coquette
Et dans Bakchich Hebdo vendredi prochain, une plongée croquignolette dans les Hauts-de-Seine et la suite de nos enquêtes sur les élections municipales.
[1] Le maire et les finances communales, de René Dosière, est cosigné par le directeur des études de la très sérieuse banque Franco-belge Dexia crédit local.
ah d’accord, merci ! résumé : si on paie trop d’impôts quand on est pauvre, c’est encore une fois la faute des fonctionnaires ! on peut déjà lire ça dans le figaro ou le voir sur tf1.
en fait le problème dont vous parlez me semble bien plus complexe que cela.
on peut aussi se poser la question : que gagnerait-on vraiment à supprimer les communes ou les départements, comme on supprime les écoles partout pour entasser les enfants à 30 par classe ? ça aussi ça fait moins de fonctionnaires, mais je ne m’en réjouis pas.
n’est-ce pas plus un problème de justice face à l’impôt ?
on peut toujours gérer mieux, dépenser moins, c’est sûr.
mais à quel coût social ?
bonne continuation et bravo pour votre site
amicalement
nico
Ces hausses de prix delirantes montre bien que le laisser faire laisser passer du liberalisme a des limites. Il parait que les villes qui n’ont pas privatisé leur gestion de l’eau s’en sorte mieux.
On se fait taxer de toute part et personne ne se revolte. Comme les numeros surtaxé. Appelez n’importe quelle adminstration ou service quelconque et vous vous voyez faire les poches le plus tranquillement du monde pendant que l’on vous parle au telephone…si vous avez de la chance. La plupart du temps c’est une machine qui repond.