Dans les couloirs du Monde, le vin ne coule plus à flots depuis longtemps. La faute au patron, Jean-Marie Colombani, au train de vie frugal. Et au talent commercial indéniable.
Vanter un pays aux vertus démocratiques incertaines, économiquement exsangue et au niveau de vie disons, bas, est possible dans un grand journal français. Le Cameroun de Popaul Biya le prouve, loué sur quatre pages du Monde, pudiquement baptisées publi-reportage. Les Camerounais ont, grâce au journal du soir, appris qu’ils étaient les premiers consommateurs de champagne d’Afrique centrale. Sûr que ça va les inciter à buller. Un tel exploit n’a même pas nécessité de bakchich, même pas l’organisation d’une soirée arrosée avec la direction du journal.
Car au Monde, on ne bulle pas, on boit peu, surtout dans les hautes sphères du journal. Une information révélée grâce à une truculente affaire.
Depuis quelques mois, un phénomène inexpliqué frappe le service courrier. Livres et matériels disparaissent dans les limbes des couloirs de l’immeuble du boulevard Blanqui. Plutôt que de faire appel à un marabout-magnétiseur, qui aurait chassé les mauvais esprits responsables du phénomène, le très cartésien Groupe Le Monde a porté plainte en juin, en l’absence du grand patron Jean-Marie Colombani. La justice n’a pas traîné. Dès juillet les premières auditions commencent, les rumeurs enflent autour de la machine à café, les mises en examen tombent en août. Et l’on retrouve dans la mire de dame justice un certain Philippe Marceau. Parangon des garçons d’étage du Monde, dont la grève, il y a une dizaine d’années, avait été largement médiatisée, l’ami Marceau aurait, selon la justice, « rentabilisé » le département courrier. Une idée simple, revendre une partie des livres arrivées gratuitement à la rédaction. En ces temps de crise pour la presse, le processus aurait pu être salvateur, sans ces pisse-froids justiciers. Bien heureusement pour le bon Philippe, la plainte a été retirée. Peu bavardes sur l’affaire, les diverses personnes contactées au journal, entre deux « je préfère ne pas vous en parler », nous l’ont confirmé. Une volte-face peu étonnant. Philippe Marceau, en bon commerçant a su se diversifier. En sus des bouquins, son entreprise recycle aussi les vins du patron.
Trop peu connu pour sa frugalité, Jean-Marie Colombani n’abuse pas du goulot. Pas glouglou pour un sou. Et plutôt que d’empiler au fond d’une cave incertaine, les bouteilles offertes ci et là au big boss du Monde, Colombani écoulait tranquillement ses surplus, via Marceau. Le tout dans la ligne éditoriale du journal : Un récent article expliquait doctement que pour bien tenir sa cave, il convenait d’en vendre une bonne partie…
Sitôt la plainte découverte et son associé démasqué, Jean-Marie oeuvre à faire stopper la procédure et parvient à faire retirer la plainte. Seul petit souci, le parquet n’a pas l’air de vouloir abandonner son enquête. En ces temps de Sarkozisme, le risque serait trop grand d’être taxé de laxisme.
Dans les minuscules salles fumeurs de la rédaction, l’opération est suivie avec attention. Un temps menacé, Philippe Marceau ne devrait pas être renvoyé. Selon un ponte du journal, « l’épilogue du roman devrait intervenir d’ici la fin du mois ». Un épilogue que d’aucun espèrent non-judiciaire. D’autant que les élections et l’assemblée générale des actionnaires se profilent.
Les affaires de Chirac faisaient « pschittt », Colombani espère que les siennes feront « glouglou ».
Les vins français malades de leur œnologie
François TATARD (1932) a participé, dans les années 1960, dans une grande maison de Champagne à l’expérience suivante : Des bouteilles, prêtes à être munies de leur bouchon de commercialisation habituel ont été goûtées, puis capsulées en deux lots. Le premier avec des capsules en inox et joint de liège, le second avec ces même capsules mais joints en polyéthylène à garantie alimentaire. Après dégustations comparées, il apparut nettement, avant une semaine, que les vins à joint polyéthylène de bouchage, avaient rajeuni et perdu toutes leurs qualités mûries par vieillissement. On constate que les vins, actuellement bouchés par des polyéthylènes expansés serrés, deviennent acides, aigres et sans saveur en assez peu de temps. Les vins chiliens en font la triste expérience imitée, comme d’habitude, par les vins français. Les chimistes de RHONE POULENC autant que les responsables des grands laboratoires œnologiques n’étaient pas surpris de ces résultats qu’ils expliquaient par la migration bien connue des éthers aromatiques au sein de la matière de synthèse. Ces éthers, en traces non mesurables, ont un pouvoir dissolvant au contact des macromolécules artificielles.
1960 – achat d’une bouteille de vin chez l’épicier de quartier
La recette était simple quand on connaissait les habitudes du commerçant. Lorsque le casier à bouteille était en voie d’épuisement, le livreur venait recharger en empilant sa livraison sur ce qu’il restait au fond du casier. Il fallait, discrètement, fouiller vers le fond et mirer le flacon poussiéreux à l’étiquette défraîchie. Si l’on constatait la présence d’une « queue de renard », bien collée sur le verre, on pouvait être certain du bon choix. Ce dépôt adhésif était le résultat d’une fermentation de vieillissement favorisée par un bon taux d’alcool. Le vin blanc y prenait un goût de Xeres et le vin rouge atteignait des performances de qualité exceptionnelles. Bien sûr, les vins au litre ne permettaient pas cela, mais des bouteilles de vins d’Algérie, très bon marché, étaient capables de ces prouesses. Les professionnels, œnologues avertis, expliquaient que le bas prix de ces vins ne justifiait pas les tripotages des vins « chics ». C’est, peut-être, parce qu’on avait laissé faire la nature qu’on arrivait à cet idéal.
Nos vins sont malades de notre oenologie et de nos vinifications "scientifiques". On citera comme causes de la dégradation de leurs qualités ancestrales : Les mélanges abusifs de raisins noirs et blancs, les filtrages excessifs, les ajouts d’acides tartriques, les excès des bisulfites, les fermentations malo-lactiques artificielles prématurées. Ainsi, les vins de Bourgogne ne sont plus tout à fait des vins rouges. Les Beaujolais semblent oublier que le Gamay ne donne pas un très bon vin sans l’alcool nécessaire. J’ai acheté un excellent VIOGNIER du pays d’Oc, le producteur justifiait sa qualité par l’intervention d’un "wine-maker" australien. Alors, soyons modestes et reconnaissons que les anglo-saxons sont les meilleurs oenologues du monde.