Les errances de l’âme d’un petit dealer tokyoïte. Un maelström hypnotique orchestré par Gaspar Noé. Plus qu’un film, un trip.
Au sein d’un cinéma français gangrené par des faiseurs cacochymes et des zauteurs prétentiards, Gaspar Noé fait figure de sale gosse, de rebelle surdoué, ricanant de ses mauvais coups du fond de la classe.
Depuis ses débuts, Noé fait du cinéma comme on prépare un cocktail Molotov. Il goupille ses petits trucs dans son coin et balance ça sur les écrans : du sang, de la haine, des larmes, et surtout une puissance de feu extraordinaire. Mais attention, Noé n’est pas seulement un fan de gore provoc, c’est aussi et surtout un grand cinéaste, un immense formaliste, un obsessionnel qui signe des oeuvres impossibles à aimer et impossibles à oublier. Fils de peintre, il éclabousse la toile – comme Jackson Pollock – d’hémoglobine et réalise inlassablement le même film : une dégringolade vertigineuse, qu’elle soit sociale ou familiale.
Présenté l’année dernière à Cannes, "Enter the Void" est littéralement une descente aux enfers puisqu’il raconte la mort d’un petit dealer et l’errance de son âme qui refuse d’abandonner sa sœur et le monde des vivants. S’ensuivent plus de deux heures hallucinantes tournées en caméra subjective, pulsion de visions altérées de la conscience où la caméra en apesanteur virevolte au-dessus des toits de Tokyo, un maelström psychédélique où le passé, le présent et le futur s’imbriquent et se délitent.
Avec ce film radical, hanté par le 2001… de Stanley Kubrick, Noé vous plonge dans un au-delà cinématographique, un monde hypnotique de sensations, de drogue, rythmé par la musique anxiogène du Daft Punk Thomas Bangalter. Bien sûr, Noé fait son intéressant avec des plans ouvertement provocs (la scène de l’avortement, la pénétration du pénis filmée de l’intérieur du vagin…) et ne parvient pas à trancher dans les scènes de défonce et de baise, laissant filer quarante-cinq minutes de trop. Néanmoins, "Enter the Void" est un des plus beaux trips de l’histoire du septième art, une virée cathartique dans le continent cinéma, le 2001 de la came. Simplement définitif.
Kick-Ass de Matthew Vaughn
Un ado timide enfile une panoplie plastoc de super-héros pour rendre la justice à coups de pompe dans la gueule, accessoirement défendre la veuve et l’orphelin. Problème, il n’a aucun super-pouvoir ! Harcelé par une bande de mafieux, il va se faire épauler par deux « vigilantes » en costume, Hit Girl, 11 ans, tranchante comme un katana, et son papa parano, Big Daddy. Adapté du comics de Mark Millar (Civil War, Wanted), Kick-Ass est une bonne surprise, comparé à toutes ces daubes décervelées genre Spider-Man, X-Men ou Iron Man. C’est pop, violent, cool et mal élevé, comme la BD. Pour la subversion ou le politiquement incorrect, il aurait fallu un vrai réalisateur derrière la caméra. Néanmoins, en l’état, le film vous colle une belle baffe.
Greenberg de Noah Baumbach
Le prototype même du film intello américain, prétentieux, chiant et insupportable. Scénariste de Wes Anderson, réalisateur du magnifique Les Berkman se séparent, Noah Baumbach se prend maintenant pour Woody Allen et nous lâche une diarrhée cinématographique sur un quadra dépressif, antipathique et misanthrope. Comment s’attacher à un perso pareil, même s’il est incarné par Ben Stiller ? C’est simple, on ne peut pas !
Comme les 5 doigts de la main d’Alexandre Arcady
Dans son nouveau film, Alexandre Arcady raconte le destin de cinq frères d’une fratrie juive, dont un, Vincent Elbaz, tombé dans le banditisme. Comment Arcady peut-il continuer à produire de telles daubes, c’est la grande question.
hello Mr G.
pas d’accord.
Il arrive à Noé ce qui est arrivé à Dantec : bouffés par leur étincelle de génie, qui les a cramés de l’intérieur à mesure qu’on leur donnait toujours plus de moyens. Ne reste qu’une intéressante mécanique qui tourne sur elle-même, en roue libre, égrenant les images-choc (et d’un crade-chic, ma chèèèère, qui dût faire glousser d’indignation satisfaite dans les cocktails encanaillés, sur la Croisette) mais ne parvenant plus à enrayer l’incommensurable ennui que fait naître leur contemplation. Que c’en devient, si on ne s’est pas endormi, ridicule. Puis triste. Puis agaçant.
Et puis, vient la colère. À force de vouloir épater le bourgeois, G Noé met des plombes à faire semblant de réinventer l’eau tiède, et recycle sans vergogne l’imagerie de la défonce arty qui émaille le cinéma (au moins) depuis les seventies, avec talent mais sans âme.
C’était déjà le problème d’Irréversible, encore défendable comme pur exercice de style. Mais ce coup-ci c’est officiel : à l’instar de son copain Nicloux, Gaspard Noé, en plein trip paranoïaque, n’a (plus) rien à nous raconter. Et on s’emmerde en regrettant le réalisateur de Seul contre tous, qui avec un budget de misère, nous avait scotchés au fauteuil.
amicalement
S