Du temps de sa splendeur, l’avocat de la Françafrique, Robert Bourgi, jouait les postiers de luxe pour Jacques Toubon, alors ministre de la Justice. On ne se lasse décidément pas des aventures de cet infatigatiguable missi dominici.
Tel le chat, un intermédiaire des réseaux françafricains a au moins sept vies et un miaulement charmant. Mais il sait surtout retomber sur ses pattes. Et la robe d’avocat de maître Robert Bourgi, parangon des missi dominici de la République en Afrique, ne l’a jamais gêné dans ces difficiles exercices de grand écart. Surtout dans les années 90. Principal animateur du trop souvent oublié Club 89 (un club de réflexion politique) avec l’aide de Michel Aurillac et du disparu politique Jacques Toubon (toujours président de cet organisme), l’ami Robert était à l’époque le bras ballant de la Chiraquie en Afrique, fidèle disciple de feu Jacques Foccart, créateur des réseaux françafricains.
En bon « réseauteur africain », Bob n’a pas oublié de travailler l’amont et l’aval de ses relations, comme fait plus que le suggérer les deux documents exhumés par Bakchich. Ainsi, en 1995, dans un Congo-Brazzaville en proie à la guerre civile depuis 1992, le tout nouveau ministre de la Justice français, le sieur Toubon, envoie une missive datée du 7 juillet et émue au président congolais acculé Pascal Lissouba. « Vous savez que l’aide à l’Afrique constitue une priorité essentielle pour le Président Jacques Chirac. (…) Sachez Monsieur le Président que je reste votre ami fidèle et dévoué et n’hésitez pas à faire appel à moi chaque fois que vous le jugerez utile » peut-on y lire. C’est y pas mignon de la part d’un Garde des Sceaux dont le champ de compétence englobe bien entendu l’Afrique ? Preuve de sa grande amitié pour Lissouba, le petit Jacques T. charge leur « ami commun Robert Bourgi de vous faire tenir ce message ». Ci-fait l’ami Bob Bourgi joue les facteurs pour Toubon, au nom de la France il s’entend. Voilà pour l’aval. Fin loustic, l’avocat Bourgi n’oublie pas de facturer l’amont, soit Pascal Lissouba, pour son rôle de postier… et plus si affinités. Une jolie convention d’honoraires entre « la République du Congo, agissant par son ministre des Finances, dûment en vertu d’un pouvoir régulier à cet effet par Madame Claudine Munari, directeur de cabinet de son excellence Pascal Lissouba » et le sémillant Robert. Objet : « assistance de conseil juridique », qui « recouvre les conseils relatifs aux incidences juridiques, administratives, fiscales et douanières à toutes opérations envisagées ou commises tant sur le plan national que sur le plan international ». Comprenne qui pourra ce que cela recouvre.
Le prix du boulot est en revanche tout à fait compréhensible par tout un chacun. « La rémunération de Maître Bourgi est fixée de façon forfaitaire à 125 000 francs français hors taxes par mois ». Le tout à compter du « 1er avril 1997 jusqu’au 31 mars 1998 ». Et sans compter les frais s’il vous plaît… Las, le contrat n’a pu être exécuté à son terme par le besogneux Robert. Et pour cause : le 15 octobre 1997, Lissouba est renversé par Denis Sassou Nguesso. Quoique beau-père du président gabonais Omar Bongo – et grand ami de Bourgi –, le père Sassou n’a pas prolongé ce contrat du bon Bourgi au service du Congo… Sans doute a-t-il trouvé un facteur moins gourmand.