Excellente idée d’avoir mis face-à-face, sur le même plateau de « Chez FOG » (France 5, samedi dernier), Claude Allègre, qu’on ne présente plus, et Jean Jouzel, glaciologue, membre du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) et, à ce titre, lauréat du prix Nobel de la paix !
A peine dans l’arène, Allègre charge comme un mammouth furieux, qualifiant les thèses de Jouzel et de ses amis « d’escroquerie intellectuelle ». Jouzel renvoie le compliment et traite à son tour Claude Allègre d’ « escroc ». Quoique Giesbert jubile devant ce pugilat, ce n’est pas que du spectacle.
L’enjeu, c’est de savoir si le réchauffement climatique -et son irréversibilité- sont une certitude scientifique ou une hypothèse parmi d’autres. Opposé à la mobilisation mondiale contre le réchauffement planétaire, Allègre est-il un héros du scientifiquement non-correct ? Une victime comme Galilée en son temps… ?
Sur le plateau, sa brutalité est inouïe. L’ex-ministre socialiste attaque carrément au portefeuille aussi bien Jouzel et son laboratoire qu’Al Gore qu’il accuse d’enrichissement personnel (« il engrange des milliards grâce à son film »). Traitant les experts du GIEC de « Nostradamus », il nie qu’on puisse établir une relation de cause à effet entre le réchauffement climatique et la fonte des glaciers. Tout cela éructé en coupant la parole à ses interlocuteurs… Présent sur le plateau, son ex-camarade socialiste Vincent Peillon essaie de le calmer (« Voyons, Claude ! »). Mais en prenant ses distances.
Soulignant les contradictions politiques d’Allègre, qui, tout en se proclamant « toujours homme de gauche », a aujourd’hui pour Sarkozy et son ministre Darcos les yeux de Chimène, l’agrégé de philosophie Peillon se demande à voix haute si quelqu’un qui ne respecte pas le principe de non-contradiction en politique peut être crédible en matière scientifique. « Un homme ne se découpe pas en rondelles » fait-il remarquer. Autrement dit, Monsieur Allègre, vous avez scientifiquement tort parce que vous êtes politiquement incohérent !
Argument plus roublard que fondé ! Qu’Allègre trahisse la gauche et rejoigne Sarkozy n’invalide pas forcément ses thèses sur le climat… C’est comme si on disait que Peillon, sous prétexte qu’il est pour Ségolène Royal, a tout faux sur Merleau-Ponty… Plus agile en tout cas que le Mammouth, il lui décoche cet uppercut ultime : « Claude, une utilisation abusive du « je » n’est plus possible ». Traduisez : c’est ton orgueil blessé qui inspire la totalité de tes positions, en politique comme en science. C’est le même narcissisme qui te fait choisir la majorité chez les politiques et la minorité chez les scientifiques…
Est-ce le cas de cet Allègre si peu sympathique ? Télévisuellement parlant, il a tort puisqu’il qu’il se fâche. Et Peillon a raison puisqu’il garde son calme. Sur le fond, c’est autre affaire et on ne peut exclure qu’Allègre, ivre de lui-même, ait gardé du flair pour débusquer les lacunes et les pointillés des discours adverses.
Un bon débat donc, ou plutôt une esquisse de débat car Giesbert le cynique se fout de tout cela : du réchauffement, des glaciers, de la science et du reste. Seul l’intéresse le spectacle. Au temps du procès Galilée, il aurait d’abord commenté la couleur des pantoufles.