Il est vraiment le plus… snob des aphrodisiaques ! Une ode au grain noir, à déguster avant le réveillon (pp. 65-66)
Comme tous les oeufs de poissons, ceux d’esturgeonnes (ne soyons pas sexistes) sont très riches en matières azotées et en phosphore, jusqu’à 40 % dans le caviar pressé.
C’est dire leur valeur nutritive et revigorante.
Mais le caviar est quasiment en voie de disparition, remplacé au même moment par le Viagra, un petit bleu qui n’a tout de même pas les mêmes avantages gustatifs que ces petits grains noirs.
On peut être dubitatif (ce qui n’a jamais signifié éjaculateur précoce) quant aux réelles qualités aphrodisiaques du caviar : la production confidentielle étant désormais inversement porportionnelle à l’importance des coûts on peut conclure que le caviar ne fait grimper… que les prix !
Donc, seuls les privilégiés de la bourse peuvent encore vérifier ce que disait Raymond Olivier : Dans un repas amoureux, la plus belle portion de caviar doit aller au sexe fort.
Il n’en a pas toujours été ainsi et l’anecdote suivant contée par Curnonsky passe pour être authentique. Catherine II, qui n’était encore que duchesse de Russie, ne pouvait avoir d’enfant de son époux, petit-fils de Pierre le Grand. Le chancellier Bestuchef (prononcer Baises-tu, chef) vint un jour trouver Catherine et lui dit : Madame, il faut à l’Empire un héritier, d’une façon ou d’une autre.
La duchesse fut révoltée d’un tel discours, mais le chancelier ajouta que c’était l’unique moyen de consolider sa puissance et qu’il s’agissait seulement d’avoir un fils. Se calmant alors, elle répondit avec dignité : Puisqu’il faut absolument un successeur à l’Empire, apportez-moi du caviar, et dites à mon chef de préparer un bel esturgeon. Et ce soir, à l’heure du souper, envoyez-moi Soltikoff.
C’était un brillant officier de ses gardes, un preux des combats de toutes natures… La nuit d’amour qui suivit ce repas donna, au bout de sept mois, trente jours et quatre semaines… un magnifique héritier au trône !
Pour un dollar et du caviar,
Elle baissait le falzar du tsar
Et lui mâchait son balthasar
Comme un vulgaire… Malabar !
Par Philippe Legendre " Le Cinq" - Hôtel Georges V - Paris
Crème de cresson de source au caviar sevruga
Pour 10 personnes : 5 g d’ail 3 bottes de cresson 200 g d’oigons 2 L de crème fleurette 1,5 L de fond blanc de volaille 100 g de caviar sevruga poivre en grains Temps de cuisson : 30 minutes
dans une petite casserole en cuivre, faire revenir l’oignon au beurre à feu doux ; ajouter la cuisson de fond blanc de volaille ; cuire 10 minutes et mouiller avec la crème fleurette ; continuer encore la cuisson pendant 10 minutes
passer la crème au chinois fin
au couteau, tailler le haut des têtes des 3 bottes de cresson ; les cuire à l’eau salée bouillante ; après la cuisson, rafraîchir à l’eau bien glacée, puis égoutter le vert de cresson et le passer en purée
mélanger la crème et la purée de cresson ; porter à ébullition
servir très chaud
à table au dernier moment, poser une grosse cuillère de caviar dans la crème de cresson
Astuce : en même temps que le caviar, servir un peu de crème fouettée très fraîche
Piège à éviter : après avoir ajouté la purée de cresson, porter à ébullition et ne pas laisser bouillir pour éviter l’oxydation du vert de cresson qui devient marron
Dans Bakchich, les précédentes odes cul-inaires de Bernard Planche, journaliste, écrivain et président de l’Association Française de la Presse Gastronomique, qui présente "La cuisine amoureuse des grands chefs" (éditions Blanche), un livre qui permet de passer allègrement de l’assiette à la couette et vice-versa.