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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

Y’a ayayaye binational !

Chronique du Blédard / vendredi 7 juillet 2006 par Akram Belkaïd
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C’est un repas qui, à sa création, se voulait annuel mais qui, au fil du temps, a vu sa périodicité se distendre. La faute aux obligations des uns, aux déménagements des autres, à la fatigue, aux (mauvaises) humeurs et à tous les impondérables d’une vie quotidienne banale. Mais il arrive parfois que le rendez-vous soit tenu. Alors, une dizaine de blédards, pour la plupart anciens du lycée El-Mokrani de Ben Aknoun, s’attablent - en compagnie de quelques pièces rapportées - dans un petit restaurant « bien de chez nous » même si - outrage suprême à l’art culinaire maghrébin - la carte de l’endroit n’évite pas le « couscous-merguez » et refuse d’offrir du l’ben à ceux qui ne boivent pas de vin. Souvent, ces retrouvailles sont l’occasion d’une profusion de propos « nostalgériques », de rappels de polissonneries qui firent grand bruit à l’époque (un poulet acheté vivant au marché du 1er Mai et libéré en plein cours de géographie, des pétards allumés en devoir de langue française) ou de bagarres mémorables pour les beaux yeux de celles que, par dépit ou méchanceté, la gent masculine avait fini par appeler « Aïcha, un dinar cinquante », la somme en question étant le prix d’une part de pizza algéroise à pâte épaisse.

Elle court, elle court la « nostalgérie », chez les banquiers de la City

Mais cette fois, c’est le temps présent qui a primé ou, pour être plus précis, plutôt l’avenir de l’un des convives. Baâziz, c’est son surnom et c’est de lui qu’il s’agit, est quelqu’un qui a fait ses classes à la City de Londres, avant de se replier sur une banque d’affaires du continent. Aussi loin que remontent mes souvenirs le concernant, c’est quelqu’un qui n’a jamais rien laissé au hasard, communiquant ses angoisses au tout venant à propos de ses projets. Cette fois-ci, Baâziz pense à revenir en Algérie après avoir passé plus de la moitié de sa vie en dehors de son pays natal (cursus classique : baccalauréat au pays, études universitaires et carrière professionnelle à l’étranger, sans oublier l’inévitable « amnistie » pour un service militaire qu’il n’a jamais fait). En fait, depuis quelques mois, je croise de plus en plus de blédards installés en France ou ailleurs en Occident qui, binationaux comme Baâziz, évoquent avec insistance un possible retour au pays, non pas pour les vacances mais de manière durable. Banquiers d’affaires, contrôleurs de gestion, traders en Bourse, auditeurs, consultants en organisation ou en systèmes informatiques, ils témoignent pour la plupart du fort appel d’air en provenance d’Algérie à l’égard d’une expertise confirmée dans les métiers du chiffre et de la finance. Ce qui, au passage, n’est que le résultat des erreurs stratégiques commises dans l’enseignement supérieur durant les années 1970, où les sciences exactes (vive les ingénieurs !) furent privilégiées au détriment des sciences dites de gestion (ah, le socialisme… !). Pour autant, ce retour annoncé sera-t-il définitif ? A voir. « Je ne brûle pas mes vaisseaux. Je pourrais repartir à n’importe quel moment », s’est empressé de nous avertir Baâziz, alors que nous le pressions de questions. Soyons honnêtes, les motivations des concernés sont loin de relever d’un quelconque sentiment patriotique. Quand Baâziz nous a affirmé qu’il entendait « faire quelque chose pour le pays », nous avons tous éclaté de rire au point de faire sursauter les autres clients du restaurant.

Patriotisme à dix mille euros par mois

Devant nos moqueries, Baâziz n’a pas insisté mais il a tout de même glané un peu de crédit quand il nous a assuré qu’il n’en pouvait plus de l’ambiance dans « sa boîte » en particulier et en France en général. En fait, et pour dire les choses en toute franchise, l’appât du gain est loin d’être négligeable dans cette affaire. « Dix mille euros de salaire par mois au moins », a fini par reconnaître Baâziz, déclenchant des sifflements autour de la table et quelques regards noirs. Je ne sais pas si la somme est véridique mais ce qui est clair, c’est qu’une partie de son salaire sera défiscalisée et qu’il a bien conscience de l’intérêt que présente un binational pour une multinationale qui veut s’établir en Algérie : exit le handicap d’une longue adaptation sur place (quoique…), cela sans compter les économies réalisées en terme de prime d’assurances. Il y a quelques semaines encore, le principal souci de Baâziz concernait la scolarisation de ses enfants. Pas question pour lui de les inscrire dans un établissement public et, comme les écoles privées semblent avoir perdu de leur attrait, il attend que les autorités françaises se décident à rouvrir toutes leurs écoles en Algérie. Une perspective qui reste aléatoire tant elle fait écho à ce qui s’est passé à la fin des années 1980, lorsque les autorités algériennes avaient exigé - et obtenu - le retrait des enfants algériens scolarisés dans ces établissements, fussent-ils binationaux. Mais durant le repas, Baâziz a réalisé que d’autres problèmes pouvaient l’attendre. « Tu sais que ça commence à chauffer pour les binationaux ? Qu’est-ce que tu feras si, une fois revenu à Alger, on te demande de renoncer à ta nationalité française ? », lui a-t-on demandé à l’autre bout de la table. « Et si c’est la nationalité algérienne qu’on t’enlève, tu crois que ta boîte va te garder ? » a-t-on renchéri avec jubilation. Visiblement conscient de l’animosité qu’il avait fait naître avec sa fanfaronnade sur les dix mille euros, Baâziz s’est muré dans un silence boudeur. Erreur stratégique car ce fut le signal de la curée. « Tu dis que tu veux aider le pays. Alors pourquoi tu te fais payer autant ? Tu pourrais travailler avec un contrat local en dinars ? », lui a-t-on aussi reproché avec la plus parfaite mauvaise foi. Par respect pour nombre de travailleurs en Algérie, je ne rapporterai pas ses propos sur les compétences algériennes. Mais en l’entendant dire tout le mal qu’il en pensait, je pense avoir saisi une partie des raisons de l’hostilité qu’engendrent actuellement les binationaux en Algérie. Résumons : l’Algérien qui estime avoir réussi à l’étranger sur le plan professionnel a peut-être tendance à se comporter en donneur de leçons quand il rentre au pays. Exigeant qu’on lui témoigne le respect auquel il estime avoir droit, il ne peut s’empêcher d’en rajouter dans l’ostentation et le retour de bâton n’est jamais loin. Cela, Baâziz a finalement promis de le prendre en considération. Tant mieux, car assurément, il est évident qu’en ce moment, « y’a pas très bon binational… ». A suivre, car ce thème, celui du retour au pays, est loin d’être clos.


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