Un but à zéro, le peuple a gagné

Un but à zéro, c’est le Mouloudia qui a gagné contre l’USMA la coupe d’Algérie de football. Alger se lâche, des milliers de personnes ont envahies les rues, klaxons, embouteillages, pétards, musique à fond la caisse, toute la nuit la ville a fait son carnaval, un carnaval improvisé, chapeaux, drapeaux aux couleurs des deux équipes algéroises qui depuis des années se disputent le cœur des fous du foot algérois. Chaque fois c’est la même ambiance électrique qui se saisit de la ville, qui rentre en transe et se déguise en un énorme stade, d’immenses drapeaux habillent les fenêtres jusque sur les trottoirs, les buralistes se transforment en marché et vendent aux enfants, aux adultes de tout âges ces gadgets à la gloire des deux équipes qui avant de s’affronter sur le stade du Cinq juillet en présence du président qui plus tard remettra la coupe aux vainqueurs se disputent l’espace sonore et visuel sous le regard de milliers de flics mobilisés. Ils sont plus de 8OOO a quadriller Alger, le jour du match la circulation est interdite sur tous les axes menant au stade pendant que des dizaines de milliers de supporters se rendent à pied sur les lieux de l’affrontement. Le stade est archi comble comme un œuf explosif. Les chnawas, les chinois en langue vernaculaire, mènent la danse, ainsi sont surnommés les adorateurs du Mouloudia tant ils sont nombreux et célèbres pour l’ambiance démente qu’ils imposent à la ville avant et après le match décisif. Ils se recrutent surtout dans les lieux de résistance populaire la Casbah, Bab El Oued, El Harrach. Cette liesse populaire fait peur. Le jour J à l’exception des centaines de milliers de supporters les autres rentrent dans leurs coquilles, annulent leur rendez-vous, les boutiques ferment plus tôt que d’habitude, les voitures sont soigneusement parquées loin de ce qui peut très vite, du moins le craint-on, se transformer en violence. Il suffirait d’une étincelle pour que tout dégénère murmure-t-on tant les raisons de la colère sont nombreuses pendant que les commentateurs autorisés feignent d’être sereins. Les autorités craignent plus que tout cette liberté volée et tentent seulement de la canaliser parce qu’il est impossible de l’interdire. 8000 policiers quadrillent la ville et escortent ce curieux carnaval à la fois de très près et de très loin. Alors, les algérois en profitent et transforment la coupe d’Algérie en une gigantesque manifestation populaire. Le code de la route jeté aux orties, des milliers de voitures se font un chemin de bruit et de poussière pendant que sur les capots, les toits, les fenêtres grandes ouvertes les manifestants drapeaux au vent s’approprient la ville, les beaux quartiers et les moins beaux dans une belle pagaille, un désordre joyeux et menaçant alors que le pays est toujours sous état d’urgence et que toutes les manifestations publiques sont interdites. Démentant au passage les déclaration de Mme Khalida Toumi qui devant l’échec de la manifestation « Alger capitale de la culture arabe » - boudée et transformée en un non événement alors que des centaines de millions de dinars y ont été investit- déclarait doctement que les algérois n’avaient pas le sens de la fête. Elle aurait gagné à se taire. A la Casbah, à Bab El Oued, à La Montagne, à El Biar, sur la place Audin, à El Harrach dans tous les quartiers les algérois ont dansés jusqu’au petit matin sous les feux de Bengale et les yous-yous guerriers des femmes. Transformant ce que la presse appelle « un événement sportif » en un véritable événement politique. Un but à zéro cette nuit le peuple a battu la police du silence.

L’ivresse enfumée de la victoire… Mouloudia fait le dawa !