À Barcelone, trois femmes se disputent les faveurs d’un peintre charmant. Une comédie solaire et sexy, grave et légère, tricotée par un Woody Allen tout énervé du slip.
Bonne nouvelle, Woody Allen, bientôt 73 ans, bande encore. Et c’est une nouvelle fois grâce à… une femme ! Après les muses Diane Keaton et Mia Farrow, Woody s’est entiché d’un nouveau viagra : la délicieusement callipyge Scarlett Johansson. « Je suis tout simplement fou d’elle », assure Woody que l’on a connu plus réservé. Après deux films en Angleterre, le formidable « Match Point » et le beaucoup mois formidable « Scoop », Woody embarque Scarlett à Barcelone pour une escapade touristico-sexy, moins légère qu’il n’y paraît. Mais pourquoi Barcelone, hein Woody, porque ? « C’est tout simple, quelqu’un de la région m’a appelé et m’a proposé de financer un film. J’adore cette ville, ma femme et mes enfants avaient envie d’y passer l’été, j’ai dit oui. Si on m’avait appelé de Venise ou de Stockholm, j’aurais été partant aussi. » Autant pour le cinéma…
L’histoire de « Vicky Cristina Barcelona » semble sortie d’une bobine de film des années 1950, époque bénie où Audrey Hepburn faisait du Vespa à Rome arrimée à Gregory Peck. Comme l’explique la voix off, la très sage et brune Vicky (Rebecca Hall) débarque à Barcelone pour terminer sa thèse sur l’identité catalane, et son amie délurée, la blonde Cristina (Scarlett), qui surmonte une rupture, l’a suivie pour un changement décor bienvenu. A peine arrivées, les deux femmes se font effrontément draguer par un bel Ibère, Juan Antonio (Javier Bardem), un peintre charmant qui leur propose de les emmener en avion à Oviedo, passer le week-end à explorer les beautés de la ville, boire du bon vin et à faire l’amour à trois. Choquée, Vicky refuse, mais Cristina accepte la proposition indécente du latin lover. Bientôt, Vicky, qui doit épouser un WASP parfaitement ennuyeux, regrette cette aventure avortée, tandis que Maria Elena (Penélope Cruz), l’ex-épouse frappadingue revient relancer Juan Antonio, histoire de compliquer plus encore la donne. Le trio, voire le quatuor, serait-il l’avenir du couple ?
A part « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe » (1972 quand même), il semblerait à première vue que Woody – qui a un jour déclaré « Est-ce que le sexe est sale ? Seulement quand c’est bien fait » - n’ait jamais abordé frontalement le sexe. A première vue seulement car de « Annie Hall » à « Melinda & Melinda », en passant par « Manhattan » ou « Comédie érotique d’une nuit d’été », Woody n’a jamais rien filmé d’autre que des marivaudages distingués, les émois du cœur, les désirs inassouvis. Le soleil catalan lui fait un bien fou : exit le jazz vintage et sur fond de flamenco, Woody fait entendre sa petite musique. Ses personnages s’aiment, se désirent, se détestent et devisent élégamment devant la cathédrale de Gaudí, le parc Güell ou sur les Ramblas. Comme toujours chez Woody, la vie est absurde, mais dans cette fable solaire sur cet obscur objet du désir, le cinéaste nous dit que le bonheur est à portée de main et qu’il faut le consommer tout de suite, là, maintenant. Pessimiste amusé, Woody, à la fois grave et léger, décoche ses flèches, des répliques acides qui évoquent plus Tourgueniev ou Tchekhov que les frères Farrelly. Ici, pas de « La dernière fois que j’ai pénétré une femme, c’était en visitant la statue de la Liberté », mais des mots qui frappent comme l’acier, notamment lors du très anodin mais imparable : « Je l’aime, mais je ne suis plus amoureuse ».
Entre le roman d’apprentissage américain et le film Nouvelle vague (hello Truffaut et son « Jules et Jim »), « Vicky Cristina Barcelona » nous prouve que Woody Allen n’est absolument pas « un réalisateur médiocre » au « travail lamentable », comme il l’avait lui-même déclaré lors de la sortie de « Match Point » en 2005. Épaulé par le grand chef op’ Javier Aguirresarobe (« Parle avec elle », « Les Autres » et bientôt « La Route » d’après Cormac McCarthy), Woody filme la jeunesse qui passe, la vie, le désir, « l’impermanence » des choses et des sentiments, les doutes des amants insatisfaits. Woody a tout bon et, en bonus, il s’offre le quatuor sexy de l’année : Javier Bardem, débarrassé de sa perruque de Mireille Mathieu de « No Country for old Men », Pénélope Cruz, dans le seul rôle un peu cliché du film, furie hystérico-dépressive au savant coiffé-décoiffé, Scarlett Johansson, éblouissante en jeune fille en quête d’aventure, et la révélation du film, Rebecca Hall, une bombe de 25 ans, prude et donc absolument irrésistible. Comme l’a déclaré Woody, « Avec Penélope Cruz et Scarlett Johansson côte à côte, franchement, il est difficile que le film ne soit pas sexy ! » Il a raison : son film bande et donne envie d’aimer.
Plutôt d’accord avec ce billet, sauf en ce qui concerne les scènes de sexe. Woody Allen ne sait pas filmer le désir ou les scènes d’amour. Il a un talent énorme pour tout le reste, mais sitôt que l’ironie, l’humour n’ont plus cours, hop, ça ne fonctionne pas.
Sinon, aimer un film, c’est bien, mais le comprendre, c’est encore mieux. Vicky Cristina Barcelona est plus complexe qu’on pourrait le penser. Si ça vous intéresse, c’est ici :