Organiser des élections dans un pays au bord de la guerre civile, sans opposant et presque sans électeurs, certains en ont rêvé, Idriss Déby l’a fait. Avec en prime la bénédiction de Paris et Washington.
Les temps changent. Au Tchad, se dessine une entente cordiale entre…Français et Américains. A tel point que les deux Etats se sont mis d’accord depuis longtemps pour que Washington demander le report des élections du 3 mai. Daniel Yamamoto, sous secrétaire américain aux affaires africains s’en est chargé, évoquant il y a quelques semaines, la nécessité de « se concentrer sur ce qui compte, c’est à dire la possibilité pour tout le monde de participer au processus électoral ». Peine perdue, les élections ont bien eu lieue. « Nous avons convenu avec les Américains qu’ils prennent l’initiative de la démarche, sachant qu’elle était voué à l’échec. Mais au moins, nous n’avons pas grillé le peu de crédit qui nous reste avec le clan Déby », décrit, sans rire, un diplomate du Quai. L’échec de la demande n’a pas changé la ligne défendue à présent par les Américains et les Français : une fois passée les élections, mettre l’accent sur « l’ouverture et le dialogue » avec la société tchadienne.
Un beau et vaste programme auquel les Etats-Unis ne se sont ralliés que récemment. Installé au pouvoir depuis 1990 grâce à un coup d’Etat soutenu par la France, proche de Chirac, taquinant plus que de raison le géant américain du pétrole Exxon, Idriss Déby n’est jamais parvenu à séduire les Américains. Encore moins à les convaincre de sa dimension de garant de la stabilité régionale.
Seule l’agitation soudanaise et l’ombre de Pékin ont rendu Déby bien plus charmant aux yeux des Yankee. Ancienne base arrière de Ben Laden, le Soudan, outre les exactions au Darfour et le soutien des rebelles tchadiens, présente une tare impardonnable : être devenue une place forte chinoise. Pékin a mis la main sur l’exploitation de nombreux puits pétroliers. L’idée qu’un régime pro-soudanais s’installe à Ndjaména et délègue l’exploitation du pétrole tchadien aux Chinois a suffi à effrayer le département d’Etat américain. Après avoir préalablement sondé l’inconsistance de l’opposition politique, l’Amérique s’est résignée à laisser passer le simulacre électoral du 3 mai. Une victoire pour le président tchadien. Mais Déby-de-boisson n’aura pas le temps de fêter son succès…et d’aggraver sa cirrhose.
La semaine dernière trois avions en provenance du Soudan ont débarqué sans autorisation au Nord-Est de la Centrafrique, zone frontalière du Tchad. 200 soldats, parlant l’arabe s’en sont extirpés. De là à penser qu’une attaque contre Ndjaména est imminente…