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Retour sur le meurtre du génie des échecs

RECIT / dimanche 20 janvier 2008 par Urba Neal
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L’assassin de Gilles Andruet, le « Mozart des damiers », condamné par la justice, vit tranquillement au Maroc et tient à Marrakech un hôtel fréquenté par les stars. « Bakchich » retrace l’enquête qui mène du monde du jeu au business lucratif des souvenirs vendus dans les rues de Paris.

Dans la nuit du 21 au 22 août 1995, à coups de battes de base-ball, un groupe sauvage pulvérise Gilles Andruet. Le mort est connu dans la république des échecs comme le « Mozart des damiers ». Avant le drame, ces nuits de l’été 1995 n’ont pas été tendres pour Andruet. Il se sent acculé. Il y a ses pertes au casino, puis cette héroïne qu’il s’est mis à sniffer pour oublier qu’il faut bien continuer de vivre. Premier Français à battre des champions de l’Est, maître international à 25 ans, champion de France à 30, il a vraiment une case de plus. C’est un gagneur à l’instinct, capable de peler un fruit ou de rédiger une lettre tout en vous conduisant au mat.

Jean-Claude Andruet, son père, immense champion automobile, a laissé dans l’histoire des rallyes une trace identique à celles de Gilles Villeneuve en F1 : éthique, humour et passion de l’art pour l’art. En course, Jean-Claude préférait aller au fossé plutôt que d’écraser un chat en restant sur la route. Père de famille adolescent, Jean-Claude a toujours eu beaucoup de mal à maîtriser Gilles, son enfant lunaire… au point d’arriver en retard d’une heure le jour du bac, étant parti acheter des fruits au marché avant l’épreuve. Pour être finalement reçu avec mention.

Au lycée Louis le Grand où il est en « prépa », les profs n’ont jamais vu un type aussi brillant. Mais les cours l’ennuient. Gilles Andruet laisse tomber l’avenir sérieux pour l’improbable des échecs. Puis, il s’intéresse aux jeux des casinos. Au départ c’est en sportif que Gilles aborde les jeux de hasard. Il s’informe sur toutes les théories touchant au jeu, comme la « loi » Ken Uston, du nom d’un Américain qui a établi une méthode de comptage des 342 cartes contenues dans un sabot de black jack. Gilles Andruet se repose avant d’attaquer le tapis vert, il se nourrit correctement, fait des séjours à la campagne et se présente avec 51 chances de gagner contre 49 de perdre, c’est son ratio.

Un héritage transformé en liquide

Les premiers mois de cette nouvelle vie de « hacker », il voyage dans presque tous les cercles de jeu du monde, et même en Chine. Il gagne des millions, mais entasse les billets dans ses poches comme des kleenex. Cette cadence de samouraï, le joueur ne la tient pas longtemps. Les insomnies joyeuses et la drogue viennent ternir le chrome de cette machine à gagner.

De temps à autre, il fait encore de belles différences, mais aussi de grosses dettes. Par chance, une vieille dame qui l’aimait beaucoup lui lègue sa maison en mourant. Le pavillon de Montreuil se transforme en un chèque de 398 000 francs. Interdit bancaire, Andruet cherche un ami pour encaisser le titre à sa place. Mais Gilles, en matière d’amis, n’a plus que des faux.

C’est au casino d’Enghien qu’Andruet rencontre Joseph Liany. Il va l’aider à faire du « cash ». La banque Chaabi accepte de transformer le chèque en liquide. La somme doit être disponible le 22 août. Gilles poursuit sa vie qui n’est est pas une, sans point fixe. Pour dormir, il débarque chez des amis, sonnant à la porte à 5 heures du matin. Comme bagage il n’a que quelques fringues et un jeu de backgammon offert par son père. Le 20 août 1995, il dort à Bonneuil-sur-Marne dans la maison de son pote Liany.

Le 21 au soir, Gilles Andruet qui a un peu du coup de volant de son père, arrête sa Ford Sierra devant le restaurant « L’Entrecôte » à Paris. Il y connaît Jolenta, une gentille fille d’origine polonaise qui travaille comme serveuse. La jeune femme, qui voit Gilles au travers de la vitrine, se rappelle de son ami comme « d’un homme traqué. Qui n’a pas l’air d’être libre ». Elle garde aussi l’image de Joseph Liany : c’est bien l’homme assis comme passager à l’avant de la voiture. Deux autres personnages sont assis sur la banquette arrière.

Le 22 août, près de son terrain de culture de Saulx-les-Chartreux, une maraîchère découvre un corps à demi plongé dans le cours de l’Yvette. Le crâne et le larynx du mort sont broyés, les avant-bras brisés - détail qui indique que la victime a tenté de se protéger des coups. Le lendemain on retrouve non loin la Sierra de Gilles utilisée pour le transporter : le coffre est constellé de taches de sang. Joseph Liany, l’aimable intermédiaire dans l’encaissement du chèque, est retrouvé et entendu. Mais la justice le laisse en paix et le dossier Andruet se met en sommeil sur le rayon poussiéreux du cabinet d’instruction du juge Brun.

En 2001, Jean-Louis Périès, le nouveau magistrat instructeur, envoie une alaise dans laquelle le corps d’Andruet a été roulé au laboratoire de justice scientifique de Nantes. Un poil est retrouvé dans le linceul. Son A.d.n. correspond à celui de Joseph Liany qui déclare : « J’ai prêté cette alaise à Gilles Andruet et j’ignore tour de la suite de son histoire. » La justice expédie Joseph Liany en cellule. Une cour d’assises va le condamner à 15 ans de prison. Liany parle : il indique aux magistrats que Sacha Rhoul, son neveu, est l’un des hommes aperçus par la serveuse Jolenta devant la vitrine de « L’Entrecôte ».

Mais Sacha, un beau garçon aux mâchoires saillantes, né le 2 juin 1971, reste introuvable. Son père Alexandre, dit Sacha, a été garde du corps, prof de karaté puis secrétaire de Johnny Halliday avant de devenir son « ministre des finances » et de rester son éternel ami. « Alex » a une autre bon ami, c’est Jean-Pierre Pierre Bloch, l’inoxydable élu (UMP) parisien et intermédiaire prisé de la Francafrique. « Alex » gère beaucoup de choses, entre autre une juteuse affaire de vente de souvenirs au pied de la Tour Eiffel (ne riez pas, nous parlons d’or). A Marrakech, il veille aussi au bon fonctionnement de l’hôtel 5 étoiles qui porte son nom : le Palais Rhoul.

Sylvia, soeur de Liany et mère de Sacha, le jeune homme en cavale, a, selon les propos de Liany tenus à l’audience, « tenu à Paris des hôtels forts accueillants, bien connus et protégés par la police »… Toujours est-il qu’elle roule en Rolls décapotable et qu’elle a fait dresser à Marrakech, pour adoucir les heures de son de fils en fuite une « tente de caïd ». Un abri bien nommé. Au fil du temps et de la bienveillante inertie de la justice (nous sommes en mars 2006), grâce au talent de son avocat Lev Foster, Liany est blanchi par une nouvelle Cour d’assises. Condamné à 20 ans par contumace, Sacha Rhoul junior devient alors l’unique auteur de l’assassinat de Gilles Andruet.

La police qui traque les criminels en cavale ignore le nom de Rhoul

En décembre 2003, ce sont les photographes de Paris-Match, à l’affût à Marrakech, qui montrent sur une double page Sacha Rhoul et son père lisant tranquillement le JDD à une terrasse de bistrot. Pas dégonflé pour un sou, Sacha Rhoul, par le truchement de Sophie Bottai, avocate qui est en femme ce que Gilbert Collard est en homme, attaque le magazine au tribunal de Marseille pour atteinte à la présomption d’innocence. Procès que Rhoul va perdre, mais qui obligera Jean-Claude Andruet, témoin, à revivre la mort de son fils devant les juges.

Depuis près de dix ans, c’est avec la bénédiction de la justice, de la police et de la diplomatie Française que le jeune Rhoul prospère à Marrakech, où il est devenu une figure. Ami indispensable des stars, il a même organisé le mariage du footballeur Anelka dans son Palais. Questionnée, l’unité policière française fraîchement créée et dont l’objet est de rechercher dans le monde entier les criminels en cavale, ignore le nom de Rhoul. Son identité ne figure sur aucune liste de la police de l’air et des frontières. Bien plus facile d’attraper les anciens des Brigades rouges au Brésil ou au Mexique…

Johnny devrait peut-être prévenir son ami Sarko, traqueurs de délinquants, qu’il a les moyens de faciliter la capture d’un assassin, le fils de son ancien « ministre des finances » . Comme le disait, en parlant de lui-même, un ancien du défunt gang des Trois canards, Sacha a « une couverture grande comme un autobus »… A la question : « Pourquoi l’assassin d’Andruet est-il toujours en liberté ? », la réponse semble sûre, imparable : « Mais Rhoul a la nationalité Marocaine. Elle le protège de l’extradition… » Argument contestable, puisque c’est aux justices des deux pays de décider du sort du condamné.

En attendant, papa Rhoul et son fiston continuent (par télépathie ?) de régner sur le business des souvenirs, cette camelote vendue aux touristes dans les rues de Paris. Un stand bien placé à la Tour Eiffel peut rapporter 40 000 euros par mois, en liquide le plus souvent. Avec les amis de Rhoul, le marché de la bimbeloterie de trottoirs est entre de bonnes mains. Quand un cave se rebiffe, alléguant par exemple que, dans ce genre de marché, le droit est parfois tordu, il est vite remis dans le droit chemin.

Finalement, c’est Lyne Cohen-Solal, la naïve, qui a secoué le bel édifice en posant la question : « Qu’est-ce que c’est que ce bordel, cette gestion clientéliste post chiraquienne des bazars de rue ? ». Bertrand Delanoë émet l’idée de mettre de l’ordre. On va lancer une consultation pour recruter une société capable de gérer « les activités de vente sur la voie publique »… L’appel est publié au J.O de la Ville. Le responsable des ventes ambulantes des pourtours du Stade de France semble être le candidat vainqueur… Puis plus rien. Delanoë rentre en campagne. Le fric coule toujours depuis les 142 étals autorisés dans Paris.


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24 MESSAGES
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  • Retour sur le meurtre du génie des échecs
    le mercredi 10 mars 2010 à 11:18, ingrid a dit :
    je pense à la femme de Sacha Rhoul, ses enfants et j ’espère surtout que cette histoire se terminera bientôt pour eux …..
    • Retour sur le meurtre du génie des échecs
      le jeudi 11 mars 2010 à 00:43
      n’oubliez surtout pas de pensée a la victime et sa famille
  • Retour sur le meurtre du génie des échecs
    le vendredi 26 février 2010 à 21:00, Gnac a dit :
    Andruet, génie des échecs ? Ca se serait su quand même… les génies des échecs deviennent très vite grand maître.Quant à la stupidissime expression "Mozart des damiers" je doute qu’elle ait jamais été employée à son propos.Une fois, les profanes montrent l’étendue de leur ignorance concernant le monde des échecs.
    • Sacha Rhoul n’est pas le meurtrier !
      le samedi 6 mars 2010 à 23:59

      Sacha Rhoul n’est pas le meurtrier !!!!

      Le meurtrier de Gilles Andruet a été jugé, condamné et s’est suicidé il y a plusieurs années ! Sacha Rhoul a été accusé de "non dénonciation de crime" par la France !! L’ensemble des média colportent des inepties ! Jean-Claude Andruet (nous pouvons comprendre ce père) veut vendre un bouquin sur cette histoire… voila pourquoi un tel battage médiatique !

      • Sacha Rhoul n’est pas le meurtrier !
        le jeudi 11 mars 2010 à 00:45
        il ne faut pas exagerer quand meme !!!!!
    • Retour sur le meurtre du génie des échecs
      le dimanche 7 mars 2010 à 17:48
      il était champion de france,quand meme pas rien !!
  • Retour sur le meurtre du génie des échecs
    le jeudi 18 février 2010 à 00:12
    tiens voilà que nous entendons de nouveau parler de cette histoire… ce soir au 20h de tf1… Il est vrai que le meurtrier en question se la "coule bien douce" en attendant… Pourtant son établissement à pignon sur rue… Tout le monde peut le trouver… il suffit juste de taper son nom+palais de luxe marrakech… j’espère que justice sera faite
    • Retosur le meurtre du génie des échecs
      le jeudi 25 février 2010 à 22:09, yo81 a dit :
      il c est fait arrete hier il va payer fini la belle vie
      • Retosur le meurtre du génie des échecs
        le samedi 27 février 2010 à 20:56, mimi a dit :
        je trouve incroyable que l’on puisse accusée un homme sans preuve et de dire "fini la belle vie" il a toujours répondu à la justice française il ne sait jamais caché tous le monde savait où il était , ne parlez pas de chose que vous ne connaissez pas l’ignorance peut parfois faire des ravages . Le meurtre doit être élucidé mais n’accuser pas quelqu’un n’a pas été juger . C’est trop facile
        • Culpabilite ?
          le samedi 13 mars 2010 à 22:10
          Un homme est innocent avant que de prouver s il y a culpabilite.
  • Retour sur le meurtre du génie des échecs
    le samedi 9 mai 2009 à 18:46, Pascal a dit :
    Tout d’abord, une sincère pensée pour Jean-Claude Andruet,un grand champion mais avant tout un père. Perdre un fils est une épreuve terrible, mais que celui-ci disparaisse dans des conditions aussi sordides puis voir les photos de son assassin présumé dans son palais aux côtés de ces "artistes au grand coeur" que le cynisme n’étouffera jamais, cela devient une abomination. J’ai cru comprendre qu’une personne née en France de parents étrangers pouvait prétendre, à juste titre, aux même droits que tout citoyen français mais que si il commet un crime en France et qu’il se réfugie sur la terre natale de ses parents, il devient intouchable, pour cause de double nationalité. Pour le cas cité, somme-nous dans un arrangement politico-showbiz de plus ou ce texte existe vraiment pour tout le monde ? Quelqu’un peut-il me répondre ? Pascal
  • Des questions en suspens et le procès de 2003
    le mardi 22 janvier 2008 à 03:21, Christophe Bouton a dit :

    Bonjour, je suis un ancien journaliste. J’ai suivi, en 2003, le premier procès Liany père et fils, accusés de meurtre devant la cour d’assises de l’Essonne, à Évry. J’en ai rendu compte de manière exhaustive sur le site Notzai. Je connaissais Gilles Andruet personnellement car je suis aussi joueur d’échecs. Merci de faire ressortir cette affaire. J’ai vu Gilles, l’air traqué, au jardin du Luxembourg, une dizaine de jours avant sa mort.

    Les quelques inexactitudes factuelles de votre article (ex : le jeu de backgammon ne lui a pas été offert par son père, mais par son meilleur ami, le dernier à l’avoir hébergé et ce détail sera très important dans l’enquête ; les déclarations du père Liany concernant sa sœur ne sont pas celles que vous rapportez. Elles sont plus crues, je les ai entendues et elles figurent dans le compte-rendu que j’en ai fait) ne sont rien par rapport à un article très large et grand angle comme je n’en ai jamais lu sur cette affaire. Bravo !

    Le reportage de M6 dans le palais Rhoul en caméra cachée était pas mal, mais trop scénarisé et avec beaucoup de témoignages coupés : à la télé, on fait de l’émotion et on raconte une histoire. À propos du Palais Rhoul, essayez de virer la pub pour cet endroit que vous impose Google dans le bandeau du haut de votre site.

    Lors du premier procès de 2003, j’ai déploré que le président Dominique Coujard, le même qui a présidé le procès Colonna récemment, n’ait pas convoqué la mère de Sacha Rhoul et sœur de Joseph. Le président du procès en appel (auquel je n’ai pas assisté) et où Joseph Liany a été acquitté, en a fait de même. J’en avais parlé sur mon blog en rappelant en plus court et en moins savant tout ce que vous avez très bien expliqué dans votre article.

    C. Bouton

    • Des questions en suspens et le procès de 2003
      le jeudi 24 décembre 2009 à 19:48, corinne rikiel a dit :

      le 24 décembre 2009

      Une info exclusive sur l’affaire Rhoul Andruet ?

      C’est un remariage bidon des parents de sacha rhoul au début des années 2000 qui a permis à rhoul d’avoir la nationalité marocaine.Re mariage totalement bidon puisque les rhoul ne vivent plus ensemble depuis plus de vingt ans.

      Ce serait pas mal de voir ce qu’en disent les plus hautes autorités marocaines ???

      Et le palais Royal ??

      Mme Corinne Rikiel

      • Des questions en suspens et le procès de 2003
        le lundi 8 mars 2010 à 08:13
        Ne dites pas de bêtises. La nationalité marocaine ne se transmet pas par le mariage. Et le Palais n’a rien à voir là dedans !
        • Des questions en suspens et le procès de 2003
          le samedi 13 mars 2010 à 17:53, El-mech a dit :
          Arrêtons de protéger les criminels. Si Rhoul était innocent, il aurait pas fut la France et ne jamais revenir. Finit la belle vie, faut qu’il paie. Faut être gamin pour dire qu’il n’est pas coupable. Un innocent ne fut pas la justice. Je dis pas que c’est lui qui a commit le meurtre, mais lui il sait qui a commit ce meurtre, sinon il aurait pas tout fait pour avoir la nationalité marocaine qui le protégeais. Le fait qu’il est devenu riche, ne fait pas de lui un citoyen comme tous les autres
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