Avouons- le à notre courte honte : nous n’avions pas vu « Mourir à trente ans », le film de Romain Goupil réalisé en 1981. Retard rattrapé jeudi soir grâce à Arte. Tourné en noir et blanc, réussi avec trois bouts de ficelle, ce film raconte l’aventure de copains entre 1965 et 1978. Leurs mots d’ordre : amour du cinéma, haine du gaullisme et du capitalisme. Goupil filme avec talent leurs déconnades, leur engagement dans la Jeunesse communiste révolutionnaire, Mai 68 et les lendemains qui déchantent.
Belle revue : le ras-le-bol des « lycées- casernes » et des profs « de gauche », l’ordre moral, les comités Vietnam, les Comités d’action lycéens (CAL), les magouilles pour contrôler le mouvement. Tout cela est bien filmé, sans pesanteur et avec ironie : Goupil confesse son « goût du pouvoir », son « élitisme » (« nous étions triomphalistes et sectaires »), son « mépris des autres » qu’il partage avec celui qui devient peu à peu le centre du film : Michel Récanati, chef lycéen, trotskiste, figure de Mai 68, bientôt permanent à la Ligue communiste de Krivine, mais écrasé bientôt par ses angoisses et ses problèmes de filiation. Le film se clôt sur son suicide en 1978.
Ce qui frappe, c’est le ton et la forme. En révolutionnant le style contre « les manifs traîne- savates du PCF » et le kitch de la CGT, en travaillant l’esthétique des banderoles et des défilés, ces trotskistes militants et artistes avaient compris que la forme politique est aussi importante que le fond. Des années plus tard, Act Up s’en souviendra à propos du Sida en inventant, contre les labos et la bureaucratie, d’autres formes d’action impeccablement « dessinées ».
Par son ton décalé et ironique envers lui-même, Goupil montre qu’on doit être ludique aussi (surtout ? ) en politique et que l’esprit de sérieux est mortel pour l’action (Récanati était toujours « coincé », « toujours sérieux »). Petite philosophie subséquente : ce qui est beau est forcément vrai, ce qui est laid est dépassé. Si les chants d’Eglise sont moches, alors Dieu n’existe pas… Si la manif ressemble à des funérailles, alors la cause est morte… Et si les filles sont absentes, alors le mouvement est stérile.
C’est l’ultime leçon de ce « Mourir à trente ans » : ce film raconte une histoire de mecs et d’amitié virile, les filles sont au second plan, elles suivent mais ne dirigent pas, elles écoutent mais ne contestent pas, elles acceptent l’autorité de ces petits mecs tyranoïdes qui ont tout lu, tout vu. C’était en 68.
Ceux qui l’ont raté et veulent voir le flim, il est dispo encore une semaine sur le site d’arte+7, site qui permet de regarder n’importe quelle émission ou doc ou trucs passé sur Arte pendant une semaine après sa diffusion. Bon à savoir quand on sort dehors dans la vraie vie, voir des vrais gens.
http://plus7.arte.tv/fr/detailPage/1697660,CmC=1986282,CmPage=1697660.html
Goupil : un de ces nombreux gauchistes renégats qui a trahi son rêve.
Devenu ultra-conservateur, il a soutenu l’invasion américaine en Irak dont le bilan à ce jour a causé la mort de plus d’un million de civils irakiens, détruit toutes les infrastructures du pays, le pillage de ses richesses naturelles et culturelles (le musée de Bagdad) et provoqué l’exode de 4 millions d’hommes.
Ce personnage abject ne mérite que mépris.
Il appartient à cette caste ex-gauchiste avec les BHL, Kouchner, Glusckmann, Finkielahaine qui ont su tirer profit de leurs petits reniements contre espèces sonnantes et trébuchantes. C’est con mais pas idiot… En tout cas criminel.
J’ai toujours détesté ce film. Sans doute parce que j’étais à Buffon en 68 et que j’étais au Comités d’Action Lycéen. REcannati et Goupil, je les ai bien connu. Plus sectaires, y avait pas. Si, les lambertistes et les les maos, mais quand même… Nous, nous étions libertaires, considérés comme irresponsables. N’empêche, on travaillait en commission et on a retrouvé des traces de nos travaux dans la réforme Edgard Faure. On a ri, on s’est foutu de la gueule des militants. On s’est drogué, pas avec des pétards, ça s’est plus tard, non, on allait au Drugstore Saint Germain pour acheter des bouteilles de Gamma OH qu’on buvait avec des alcools quelconque. Le Gamma OH, c’était un sirop pour enfant découvert par Henri Laborit. Bref, on était pas sérieux, mais je suis quand même assez fier d’avoir été un des premiers lycéen à avoir participé à un Conseil de Classe et avoir pu défendre mes camarades.
Pourquoi ne parle t"on jamais de nous ? On a pas changé, nous, on est soit mort, soit toujours insoumis, on est pas des renégats, des Goupil, des Glucksmann, des Weber, vous voyez le genre. Non, on a pas changé, eux, si.
Pour moi, le meilleur film sur mai 68, c’est celui de Philippe Garrel, les amants réguliers.