Informer c’est déjà compliqué, alors informer sur l’information, voilà qui relève de l’exploit pour un journaliste. Premier livre critique sur TF1 écrit de l’intérieur.
Il paraît que le boulot des journalistes, c’est d’informer. Le public, lui, y croit de moins en moins. Selon un sondage TNS-Sofres (publié dans La Croix) réalisé en février 2007, à la question « Pensez-vous que les journalistes résistent aux pressions politiques ? », 63 % des sondés répondent NON. « Pensez-vous qu’ils résistent aux pressions de l’argent ? », 60 % de NON.
Mais du côté coulisse de la scène médiatique, on s’entête à désinformer. Les chefs obéissent aux chefs et les petits copient ou se plient. L’argent, les honneurs, la fierté d’en être. Jusqu’à un certain point. Le 16 janvier 2008, paraît enfin un livre qui démonte la fabrique de l’info à TF1, écrit par ses acteurs, un collectif ( ?) réunis sous un pseudo évocateur, Patrick Le Bel. (« Madame, Monsieur, Bonsoir… » Les dessous du premier JT de France, aux éditions Panama).
A TF1, « un bon sujet est d’abord un sujet qui arrive on time » (p. 80). Quant au contenu, il doit être à la mesure des vraies gens selon TF1, c’est-à-dire vide. Exemple, en septembre dernier, PPDA annonçait que « les téléspectateurs ne savent pas ce qu’est un cabinet (ministériel) » (p. 107). Inutile donc de traiter « à la mesure de ses confrères » des récents « déboires de la ministre de la Justice » avec certains de ses collaborateurs.
Ah, on râle, on râle, chez les journalistes et les grands reporters de TF1, pourtant, ils ont cette chance considérable de pouvoir réaliser un reportage en une grosse demi-journée. L’avantage avec la grosse demi-journée, c’est que ça ne laisse pas le temps de penser. « On ne pense pas ici, on fabrique un journal » (PPDA, cité p. 27). Et parfois pas le temps de vérifier ce qu’on va pourtant crier devant des millions de téléspectateurs (en 2007, TF1 a réalisé en moyenne 30,7 % des parts d’audience) : « Eh bien oui Patrick, les forces de l’ordre semblent enfin venir à bout de l’émeute (tout en priant que cela soit vrai)… » (p. 45).
Que les choses soient claires, « un salarié de TF1, ça ferme sa gueule ou ça s’en va » (p.159). Surtout quand Nicolas est là. Une belle histoire d’août 2006 : Sarkozy « éructe », « il n’en peut plus de voir les sans-papiers de Cachan, femmes et enfants entassés dans un hangar, émouvoir la France tous les soirs ». Il demande que « cela cesse ». Il doit s’y prendre à trois reprises, et la rédaction lève le pied. « Quelques semaines plus tard, le rédacteur en chef du journal incriminé est présent au Club de l’info : l’invité s’appelle… NICOLAS.
Tiens, vous tombez bien ! », l’apostrophe publiquement (vouvoiement rare) Nicolas Sarkozy. « C’est une honte d’avoir laissé passer ce sujet… »
Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un homme politique, réplique le journaliste. Le ton monte. “Vous ne savez pas faire votre boulot !” » (pp. 40-41).
Le boulot c’est simple, c’est bien faire ce qu’on vous demande de faire.
Mais c’est fini de se plaindre ? Mardi 8 janvier, lors de sa conférence de presse à l’Elysée, Président Sarkozy a promis pour cette année un texte sur la protection des sources des journalistes. Un premier pas vers l’indépendance des journalistes. On y croit !