Dans leur livre "Cécilia, la face cachée de l’ex-Première dame" (Pygmalion), sortie vendredi 11 janvier, les journalistes Denis Demonpion (du Point) et Laurent Léger (de Bakchich.info) révèlent notamment quelques-unes des approximations et demi-vérités qui jalonnent le parcours de Cécilia, née Ciganer, qui affirmait il y a quelques années être "devenue une femme politique". Extraits exclusifs.
Sans vouloir lui faire injure, Cécilia l’admet volontiers, elle n’est pas touchée par la grâce musicale. Les leçons de musique lui sont une astreinte. Avec le recul, elle varie cependant dans ses jugements. Un jour, elle dit avoir souhaité en faire son métier. « Je voulais devenir (…) pianiste classique », consent-elle. Un autre, elle soutient le contraire. « Etant l’arrière petite-fille d’Albeniz, tout le monde était persuadé dans ma famille que j’avais hérité d’une parcelle de son talent ! Donc au lieu de jouer avec mes copains et mes copines en sortant de l’école, moi, j’avais trois heures de piano. J’ai décroché un prix de la Ville de Paris. J’ai rapporté mon diplôme à ma famille et leur ai dit : ”Maintenant il faut me laisser tranquille” », assène-t-elle. « On ne peut pas forcer les enfants sinon on les dégoûte ».
Quel concours de piano Cécilia a-t-elle précisément passé avec le succès qu’elle revendique ? Visiblement pas celui du Conservatoire national de Paris de la rue de Madrid, aujourd’hui rebaptisé Conservatoire national supérieur de musique de Paris à La Villette. « Mademoiselle Ciganer n’est pas lauréate du Conservatoire de Paris », affirme une archiviste de l’honorable institution. Pas davantage, vérifications faites, d’un Concours international de la Ville de Paris. « Cette personne ne figure ni à notre concours de piano contemporain Olivier Messiaen ni à celui de piano-jazz Martial Solal », assure l’Association pour la création et la diffusion artistique, qui organise les épreuves.
Le prestigieux concours Long-Thibaud, créé en 1943, n’a pas non plus trace de son passage, si tant est qu’elle s’y soit inscrite. Quant au conservatoire municipal du 8ème arrondissement, situé d’abord rue de Lisbonne, puis rue du Faubourg Saint-Honoré, il n’a conservé aucune trace du passage de Cécilia. Ses archives n’ont pas non plus rejointes celles de la ville de Paris. Un parent nuance : « Elle a bien eu un prix. A l’époque, les interprètes étaient enregistrés. Elle a reçu un 45 tours sur lequel elle jouait 10 à 12 minutes de piano ».
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Catherine Hirschfield connaît tout de l’histoire et des aléas de la Gauche démocratique, dissoute dans l’UDF, elle-même fondue dans l’UMP, pour laquelle elle a oeuvré pendant un quart de siècle. Assistante parlementaire du groupe et, parmi ses membres, de René Touzet dont elle a accompagné la carrière, elle jure n’avoir « jamais entendu parler » de Cécilia, ni ne l’avoir rencontrée. « Je ne vois pas comment elle aurait pu être attachée parlementaire sans que je le sache », s’étonne-t-elle. D’autant que le titre est réservé aux personnes chargées des relations avec le parlement pour le compte d’un ministre, une fonction gouvernementale que Touzet n’a jamais occupée. Catherine Hirschfield se souvient, en revanche, parfaitement de Valérie Baroin, l’épouse de Thierry Breton, qui n’était pas encore ministre des Finances de Dominique de Villepin. Il ne peut donc y avoir confusion sur la personne. (…)
Aussi loin qu’on remonte dans les archives du Sénat, aucune trace n’est visible du passage de Cécilia (ou Cécile) Ciganer. A moins que celle-ci ait eu recours à un nom d’emprunt. L’Association de Gestion des Assistants de Sénateurs ou AGAS, un service dédié à la recension de ces personnes, embauchées sous contrat de droit privé, mais payées par l’Etat, ne dispose d’aucun document à son nom.
D’où l’embarras du directeur de l’AGAS, Benoît Chadenet qui, la voix blanche, renvoie sur le service de communication du Sénat. Là, la réponse tombe, catégorique : « Madame Sarkozy, ex-Ciganer, n’a jamais été déclarée au Sénat comme assistante parlementaire de M. Touzet ou d’un autre ». Si on se fonde sur les archives du Sénat, par ailleurs en mesure de produire le nom de tous les autres assistants parlementaires de René Touzet, Cécilia n’a, à ce titre, aucune existence juridique. Dans les années 80, époque où elle est censé avoir occupé un tel poste, « il y avait de vrais assistants au sens salarial du terme », note un attaché de presse de la Haute Assemblée. « Elle a pu apporter une aide gracieuse, amicale ou autre », suggère-t-il, ironique.
René Touzet est mort en 1982 en plein exercice de son mandat. A supposer que Cécilia ait été sa collaboratrice, ce n’aurait pu être qu’au tout début des années 80. Elle avait à l’époque entre 23 et 25 ans. « Ce n’est pas nécessairement un âge où l’on a une collaboration officielle de type salarial », ajoute l’attaché de presse du Sénat, désolé de ne pas pouvoir corroborer les déclarations de celle qu’il appelle alors « notre douce présidente ». « On a tous eu notre petit temps de militantisme ou de stage qui n’emporte ni rémunération, ni convention, comme cela se fait aujourd’hui », conclut-il. Or on ne sache pas que l’ex-épouse du président ait jamais adhéré à une formation politique.
Cécilia aurait donc été bénévole ? Là encore, les témoins et les preuves font défaut. Qu’elle ait pu alors franchir les portes du Sénat, pourquoi pas. L’incertitude, quant à ses activités, demeure, malgré ses assertions réitérées en octobre 2004 : « Je suis devenue attachée parlementaire, alors que je ne connaissais pas encore Nicolas. Mais c’est avec lui que j’ai mis le pied dans la politique ». (…) Sur la place que Cécilia aurait occupée au sein du personnel parlementaire, le doute subsiste, entier, comme sur le nom du sénateur qu’elle aurait servi.
Compassionnelle, Cécilia soutient les associations et ceux que l’infortune a touchés. Femme du ministre de l’Intérieur, elle est sensibilisée au cas des enfants de policiers morts en service, recueillis et soutenus par l’Orphelinat mutualiste de la police nationale. Créé en 1921, reconnu d’utilité publique par le président Gaston Doumergue en 1925, l’orphelinat - aujourd’hui dénommé Orphéopolis - est venu en aide à des milliers d’enfants. « Je me suis engagée dans plusieurs associations et même si je ne suis plus que l’épouse du président de l’UMP, je suis restée leur marraine. D’Orphéopolis, en particulier », assure Cécilia Sarkozy en mai 2005.
A l’Orphelinat, la trace qu’elle a laissée est des plus incertaines. Certes, elle a accompagné Sarkozy à l’inauguration d’une résidence de l’Orphelinat, le 30 janvier 2003 à Agde. Vêtue intégralement de noir, un dossier à la main, elle reste à son habitude postée derrière le ministre, mais s’assied à la place réservée à Laetitia Hallyday, marraine de l’établissement. Présente, Bernadette Chirac en profite pour donner une leçon de savoir vivre à Sarkozy devant le maire d’Agde et le président du Conseil régional, comme le rapporte Le Monde du lendemain. Laetitia n’en tient pas rigueur à Cécilia. Bonne pâte, elle lui a conservé son amitié et, en marraine attentionnée, elle a invité les enfants à un concert de Johnny à Marseille, précédé d’une rencontre avec « l’ex-idole des jeunes ».
Cécilia devait parrainer un centre d’Orphéopolis. Le projet a échoué. « Nous l’avions sollicité en 2003 pour qu’elle pose la première pierre d’une nouvelle résidence à Bourges. Mais elle s’est décommandée à cause d’un plan de licenciement qui risquait de provoquer un mouvement social. Le cabinet du ministre a estimé qu’être accueillie par des banderoles risquait de faire désordre », raconte un cadre de l’orphelinat. « Finalement Cécilia n’est jamais venue et nous ne l’avons pas sollicitée à nouveau », conclut-il. Ouvert en janvier 2005, l’établissement de Bourges, d’une capacité d’accueil de trente-six lits, a été inauguré officiellement un an plus tard. Sans Sarkozy, pas plus qu’en présence de Cécilia.
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©Pygmalion 2008
Merci à Denis Demonpion pour avoir retracé avec justesse mes déboires éditoriaux. Je me suis battue seule. J’ai du faire valoir mes droits contre l’ex première dame de France. Je n’ai pas plié. Pas de soumission devant le pouvoir. La rédaction de ce manuscrit m’a pris deux ans. Ce n’était pas un simple condensé d’interviews de femmes "célèbres" mais une vraie réflexion sur la condition féminine à l’entrée dans le XXI siècle. Ce livre reprenait les femmes et leurs actions. Les grands courants sociaux marqués par leur activisme, leur présence. J’ai rendu ma copie dans les délais. J’étais satisfaite de ce travail qui mettait en valeur mon écriture et le témoignage de femmes anonymes mais infiniment passionnantes. Cécilia paraissait bien fade à côté d’elles mais elle illustrait parfaitement la place des femmes en politique et leur véritable rôle. Elle n’a pas choisi de se "rapprocher" du peuple pour comprendre ce qu’il vit. Elle n’a fait que servir un dessein personnel, le sien et celui de son ex-mari. Malgré ses jeans et ses santiags, Cécilia Sarkozy n’est pas représentative de "Madame Tout le monde". La plupart des femmes ne revendiquent pas de devenir l’égale de l’homme. Elles réclament une reconnaissance de leurs acquis, de leurs compétences, mais aussi de leurs différences.
Voilà ce que décryptait "Paroles de femmes". Merci Denis. Chaleureusement. Corinne Tanay