Le 23 mai dernier, l’ancien PDG de la CNAN (Compagnie Nationale Algérienne de Navigation), Ali Koudil et quatre de ses camarades ont écopé de quinze années de prison ferme dans l’affaire du naufrage du navire Béchar et l’échouage du bateau Batna au port d’Alger. La justice des généraux a encore frappé, mais pas à la bonne porte…
Retour en arrière. Nous sommes le 13 novembre 2004, la mer est démontée dans le port d’Alger. Les 16 marins du navire Béchar font face à des vagues de plus de 12 mètres. Le CNOSS (le Centre National des Opérations de Sauvetage et de Sécurité), le gardes-côtes et l’entreprise portuaire sont alertés. Ordre est donné d’attendre la venue des secours. Mais ils ne viendront jamais. Sans quoi, le commandant du navire aurait engagé la procédure de l’abandon du navire pour sauver l’équipage. Les familles des victimes demandent à la justice de rendre des comptes.
C’est chose faite en mai dernier, la justice a tranché. Ce sont les employés de la CNAN qui sont coupables. Ce verdict, par son incohérence, soulève immédiatement l’opinion publique et particulièrement celle des familles des accusés : « Vous condamnez des innocents au nom du peuple, c’est un tribunal d’injustice ». Et pour cause, pourquoi les employés du CNOSS et les gardes-côtes étaient absents du banc des accusés ? À reprendre les terminologies exactes, la mission de la CNOSS est le sauvetage et la sécurité tandis que le CNAN est l’armateur du pays, comprendre : sa vocation première est le transport maritime international de marchandises et de voyageurs… Injustice ? Non, disons justice maquillée ou mieux : la vengeance des généraux est un plat qui se mange froid.
Les militaires ont des chefs d’inculpations chiffrés en dollars contre l’ancien PDG de la CNAN : des griefs plus sonnants et trébuchants que 16 morts civiles… Voilà quelque temps, les généraux -ses supérieurs lui demandèrent de changer les vieilles carcasses qui tenaient lieu de flotte nationale algérienne. Notre PDG, après prospection du marché, constate bien vite que les prix se sont envolés suite à la demande accrue venant de la Chine. Il en rend compte à ses dirigeants qui ne semblent pas plus inquiets que ça. Ben oui, entre temps, ils ont copiné avec l’Ukraine qui leur propose une dizaine de carcasses pour quelques 100 millions de dollars. Autant dire échanger de vieilles carcasses contre… d’autres vieilles carcasses. Et Ali Koudil, en tant que président de la CNAN a l’honnêteté de refuser le deal. Il doit s’en mordre les doigts aujourd’hui du fond de sa cellule, parce que la justice algérienne a trouvé dans cette affaire de naufrage une bonne occasion de lui faire payer son audace.