Avec la Slovénie, c’est la première fois qu’un nouveau membre de l’Europe préside le Conseil européen. On lui souhaite bien du plaisir….
Plutôt doucheurs d’enthousiasme, les « européologues » à l’égard de la jeune Slovénie ! « Il ne faut pas attendre grand-chose de sa présidence. Ce petit Etat sans expérience n’aura pas beaucoup de marge de manœuvre » tranche ce familier des arcanes bruxelloises. Avant d’en rajouter une louche : « les gros dossiers épineux sont passés. Le Portugal qui lui a transmis le flambeau a réussi l’exploit de faire adopter par les 27 le nouveau traité constitutionnel ».
Ainsi, en dehors de la délicate question du statut du Kosovo sur laquelle le gouvernement slovène espère briller — certains prédisent qu’il pourrait susciter une déclaration d’indépendance de cette province serbe au grand dam d’autres États — il n’y aurait au menu que des questions routinières, comme l’indépendance énergétique ou l’élargissement de l’Union à la Turquie ou à la Croatie.
Certes, à Ljubljana, la capitale slovène, la population et les médias peuvent légitimement se gonfler d’orgueil depuis le 1er janvier 2008. La Slovénie préside un ensemble de près de 500 millions d’habitants. Mais il ne faudrait tout de même pas que cet État de 2 millions d’âmes qui appartenait il y a encore 17 ans à la Yougoslavie et aux structures « un peu arriérées », dixit une fonctionnaire communautaire, se rêve comme la tête de l’Europe.
Il n’empêche, c’est bien le gouvernement slovène dirigé par le libéral Janez Jansa qui préside les centaines de réunions de chefs d’État, de gouvernements, de ministres de l’Union. Un honneur écrasant qui n’a encore échu à aucun nouveau pays membre et qui s’apparente à un bizutage. « Le gouvernement de Jansa va découvrir de près le bazar européen à 27 pays avec ses problèmes de traduction » grince un employé de la Commission. Un « vrai défi physique et administratif » qui consiste à animer des centaines de réunions, à faire la tournée des capitales pour préparer les sommets, à rechercher le consensus avec les gouvernements récalcitrants et à draguer le Parlement européen.
Quatre fois moins peuplé que la Slovénie, le Luxembourg a plusieurs fois tenu ce rôle de « go between ». À en croire un politologue cité par le quotidien belge Le Soir, c’est loin d’être le cas de l’ami slovène : « le Premier ministre n’a pas d’expérience en politique étrangère et le ministre des Affaires étrangères n’a qu’une politique “ad hoc”, sans stratégie » déclare-t-il. Avant de pointer méchamment : « L’ambassadeur à Belgrade est un vétérinaire ; à Zagreb, un géographe ; à Sarajevo, un ancien agent consulaire… »
Peu importe, car la jeune Slovénie est sévèrement encadrée. D’abord par la Commission européenne qui joue le même rôle que l’administration sous la IIIème et IVéme République face au défilé des gouvernements.
Et puis la Slovénie s’inscrit dans une « Troika » : elle gère les dossiers avec les fonctionnaires du pays qui l’a précédée à la présidence, le Portugal, et celui qui lui succédera, la France. Laquelle a mis à disposition un réseau d’ambassades et entend peser sur certains dossiers. On ne se refait pas.