Guide pratique de conversation pour briller pendant les fêtes sur un sujet que personne ne maîtrise.
Chacun le sait, rien n’est plus difficile que de maintenir une conversation vivante durant un repas de fêtes. En effet, l’exercice suppose de maintenir une certaine intensité dans les échanges tout en évitant les sujets ou les opinions susceptibles de causer un incident diplomatique ou l’emportement d’un des convives.
Heureusement, certains sujets précis contournent ces dangereux écueils et le jeu vidéo en fait partie :
1) Très peu de gens en France travaillent véritablement dans le jeu vidéo. Vous avez donc peu de chances de froisser quelqu’un ou de vous faire contredire.
2) Tout le monde sait ce qu’est le jeu vidéo et possède une opinion sur le sujet. Vous avez donc de fortes chances de susciter l’intérêt de votre auditoire.
3) Le jeu vidéo est un sujet suffisamment exotique pour permettre à un ignorant fort d’une grande confiance en lui d’en parler avec autorité. Vous avez donc des chances de passer pour un expert sur le sujet.
A cet effet, vous trouverez ci-dessous plusieurs thèmes de conversation accompagnés des déclarations s’y rapportant.
Afin de maximiser vos chances de succès, prenez bien le temps d’apprendre vos répliques et d’en comprendre la logique afin de n’être pas bêtement pris en défaut par une question annexe. Mais avec un peu d’application, le succès est quasi-garanti.
" C’est énorme ! En 2009, les ventes mondiales étaient supérieures aux recettes en salle d’Hollywood ! Légère contraction sur 2010 peut être mais ce sont les chiffres du retail ! "
Double combo : « Toutes ces analyses ne prennent pas en compte les revenus considérables de la distribution dématérialisée sur PC ou du jeu social sur Internet ! »
Finish Move : « En vérité, l’industrie fait face à un véritable changement de paradigme économique »
« La Wii, ne m’en parlez pas ! C’était bon pour Noël 2007-2008 ! D’ailleurs, vous y jouez encore à votre Wii, vous ? Non, qu’est ce que je vous disais ! Nintendo a fait un joli coup mais maintenant il faut qu’ils pensent à la suite. »
Double combo : « Xbox 360 et PS3 ? Le positionnement a un peu changé avec la sortie de Move et Kinect mais je dirais que la PS3 reste à privilégier pour une approche multimédia et la Xbox 360 pour une utilisation core gaming centrée sur le multijoueur. »
Finish Move : « Faut voir ce que va donner la 3DS mais vu l’augmentation des coûts de développement par rapport à la DS, pas sûr que ce soit un bon plan pour les studios. »
« Le Move, c’est une manette de Wii améliorée mais beaucoup moins ergonomique avec des jeux plus chers et plus chiants. Le Kinect, c’est pour faire comme Tom Cruise dans Minority Report mais à part ça… »
Double combo : « Dans les deux cas, ce sont des relais de croissance pour des plates-formes qui sont environ à la moitié de leur cycle de vie. C’est aussi une tentative de faire monter les propriétaires de Wii en gamme. »
Finish Move : « Il paraît qu’une version avec vibromasseur du Move a été photographiée dans une usine d’assemblage en Chine mais Sony a catégoriquement démenti. »
« Rien de bien folichon, cette année. Principalement des suites : Starcraft 2, God of War 3, Call of Duty 7, Bioshock 2. Du gros blockbuster techniquement irréprochable mais sans aucune ambition. Des vieilles recettes déclinées ad nauseam et le pire c’est que les joueurs en redemandent ! »
Double combo : « Heavy Rain ? Idée intéressante et ambitieuse mais quatre ans de développement pour au final avoir un sous-Seven interactif ? Côté technique, c’est top ; côté écriture, c’est du niveau d’une production hollywoodienne de seconde zone. »
Finish Move : « Les belles surprises de l’année côté gros jeux ? Deux jeux de rôle : Fallout : New Vegas et Demon Souls. Le premier ressuscite une série que l’on croyait perdue. Le deuxième est une expérience intense et difficile dont le gameplay repose sur la mort brutale et répétée du joueur inattentif. »
« C’est chez les indépendants que tout se joue. On retrouve l’excitation, l’expérimentation, l’exploration de nouvelles formes, l’écriture d’une nouvelle grammaire. Cette année, on a eu Limbo, Amnesia et Super Meat Boy parmi les plus notables. »
Double combo : « C’est normal qu’on en soit là. Les gros studios produisent des produits culturels conçus en fonction des résultats de focus-tests sur un panel de clients. Les indés conçoivent les jeux dans leur salon à partir d’une vision personnelle. »
Finish Move : « Tant que les créateurs en se battront pas pour imposer l’idée d’auteur, ça n’avancera pas. »
« La crise est passé par là mais pas pour les mêmes raisons qu’ailleurs. L’industrie se restructure : gros studios éditeurs d’un côté ; petits indés de l’autre. Au milieu, c’est le gouffre. Beaucoup de fermetures, de faillites et de rachats aux USA et en Grande Bretagne. »
Double combo : « La France, c’est pas brillant. On a deux ou trois fleurons et tout le reste ce sont des bricoleurs de plus ou moins bonne volonté. De bonnes écoles pourtant mais les meilleurs s’empressent de partir à l’étranger. Refrain connu. »
Finish Move : « Le Japon parvient encore à faire des choses incroyables. Mais comme ils ont trop de personnalité, ils sont moins facilement exportables. Du coup, ils se mettent à imiter les Américains pour servir la même soupe que tout le monde. Misère… »
Dr Buck,
Je vous aime et vous dis merci. Malheureusement, peu de gens partagent votre curiosité et mon exigence. Il m’est donc très difficile de trouver un espace médiatique dans lequel m’exprimer librement.
Sans parler du fait qu’il m’est de plus en plus difficile de trouver des choses intéressantes à dire sur le jeu vidéo actuel.
Je ne sais pas ce que 2011 me réserve mais je vous invite à découvrir ce blog : www.du-cote-de-chez-stan.com Un peu de pub pour quelqu’un dont je me sens très proche.
Bonne année à vous.
Pour avoir côtoyé le milieu de la critique vidéoludique pendant un an, je ne peux que comprendre vos difficultés et votre dépit. Il n’en est que d’autant plus agréable d’ailleurs, de vous voir persévérer dans la voie critique et exigeante qui est la votre. Réclamer la maturité, la prise de conscience, l’autocritique, à un univers si prompt à se gargariser de chiffres comme on brandissait ses pogs et cartes à jouer à la maternelle, me semble être une véritable preuve de courage et de passion pour le média culturel plus que ludique que représente le jeu vidéo. Oser dire en toute simplicité qu’un gamer ne joue pas pour s’amuser, c’est d’une lucidité et d’une honnêteté rare. Lorsqu’on dit d’un film que l’on y "passe un bon moment" c’est tout juste qu’il mérite qu’on y aille, lorsqu’on le dit d’un jeu vidéo, il peut obtenir les meilleurs notes de toutes les rédactions (j’ai entendu quelqu’un dire "kinectimals" ?). Comment un média culturel aux critères de jugement si pauvres et dénués d’idéologie peut-il dans le même temps se targuer de plus en plus d’être un vecteur artistique et intellectuel ? Vous voyez, toutes ces questions vous les soulevez en permanence dans des termes simples et lourds de sens, et il faut bien qu’on les pose puisqu’on parle ici d’un support qui touche des millions de personnes et qui est l’une des représentations les plus flagrantes et effrayantes de la société du spectacle du vide (voir votre géniale conclusion sur Uncharted 2 et son rapport à la cinématographie, que je suis la seule personne dans mon entourage à avoir soulevé : comment expliquer la faiblesse intellectuelle intrinsèque d’un jeu vidéo techniquement parfait ? votre article m’avait fait un bien fou). Bref je ne sais pas ce que 2011 vous prépare non plus, mais quoi que cela soit tenez moi au courant que je vienne vous lire où que vous vous retrouviez !
PS : moi aussi je vous aime !
Je profite de cet article, pas forcément le meilleur, mais pas forcément adressé aux gens comme moi non plus, pour le dire, haut et fort, avec fougue et passion, car l’esprit de noël, car les résolutions nouvelle anesques, car la nuit se fait longue, Camille Grandjean est mon chroniqueur de jeux vidéo préféré. Non Seulement vous vous permettez d’avoir un style et un point de vue largement plus subtile que nombres de vos confrères de la presse vidéoludique (ils me le pardonneront), mais vous êtes la première personne que je lis à faire preuve d’un recul et d’une exigence impressionnante quant on sait à quel point les sites & magazines de jeux vidéos ont le nez dans le guidon en permanence, se transformant en bêtes tuyaux à pubs trailers et rumeurs, et faisant d’une preview ou d’un test un simple manuel de jeux en style gonzo avec une conclusion 1 plus dithyrambique que les pubs du développeurs lui même 2 lapidaire et inintéressante. Vos tests, la vision générale du jeux vidéo qui se dégage de vos chroniques (et d’ailleurs le simple fait qu’une vision du jeux vidéo s’en dégage) font de vos articles de véritables régales pour le gamer un peu dépité par le traitement des jeux que je représente. Je ne suis pourtant pas d’accord avec vous tout le temps, mais je suis toujours sensibles aux arguments que vous développez, au cheminement qui vous y amène et à la franchise et l’exigence intellectuelle que vous semblez y intégrer. Alors oui, un peu comme quand vous descendez la Wii à coup de fusil à pompes parce que vous vous adressez au grand public, je descend un peu cruellement une presse dans laquelle tout n’est pas noir et dégueulasse, mais ce n’est qu’un commentaire de quelques paragraphes et pas un manifeste exhaustif de la situation, pour vous dire que dans cet océan vaste de relative médiocrité, votre voix fait du bien.
PS : et d’amener cette question, vous ne pourriez vraiment pas écrire plus ? Ou peut être avez vous un blog sur lequel on peut voir un peu plus de votre travail, ou peut être écrivez vous dans un autre média. Quoiqu’il arrive merci.
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